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PREMIÈRE : Vive la France a fini son exploitation à 1,1 million d’entrées. J’imagine que tu espérais plus… MICHAËL YOUN : Je ne sais pas si je devrais le dire ouvertement, mais oui, je suis déçu. Après, le cinéma ne va pas très bien en ce moment et on dépasse quand même le million. C’est ce qu’on appelle un « succès timide ». Le film fait presque autant que Fatal (1,2 million d’entrées en 2010),alors que, pour être honnête, j’espérais le double. Je voulais réaliser une vraie comédie populaire qui puisse rassembler un maximum de gens, donc je ne l’ai pas super bien vécu.En même temps, ce score est loin d’être honteux...Surtout, ce n’est pas la seule chose qui compte. Je suis fier du film, mon producteur aussi, et il va sans doute bénéficier d’une seconde carrière en DVD et en VOD. La bonne nouvelle, c’est que personne n’a perdu d’argent. Gaumont (le distributeur) ne fait pas la gueule, tout va bien. Si tu commences à faire perdre 4 ou 5 millions d’euros à une entreprise – familiale, qui plus est –, tu serres les fesses…J’imagine que de nombreuses personnes qui vont découvrir Vive la France en DVD vont être agréablement surprises. Je pensais que ce film allait être celui qui aurait enfin raison des préjugés que beaucoup de gens ont sur toi.Il me faudra encore plus de temps, de travail et de talent pour qu’on commence à me considérer comme un artisan honnête. Ce n’est pas grave, même si c’est difficile puisque j’ai investi plusieurs années sur un projet comme celui-ci. Le mercredi de la sortie, quand tu attends les chiffres de la première séance de 9 heures aux Halles, qui sont censés déterminer la carrière de ton film, tu as l’impression de jouer ta vie. « Putain, on a fait 36. Ah... » (Rire.) C’est abominable.Ce succès « timide » t’encourage-t-il à persévérer ?Bien sûr. Gaumont m’a d’ailleurs reconduit pour deux longs métrages, ce qui veut donc dire qu’ils sont contents. On rêve évidemment à chaque fois de finir champion du monde, mais on oublie qu’un succès comme La Vérité si je mens !, Bienvenue chez les Ch’tisIntouchables ou Les Profs n’arrive qu’une fois par an. J’espérais que ce serait pour moi cette année, mais ça n’a pas été le cas. Tant mieux pour mon ego.Après Fatal, Vive la France prouve une nouvelle fois que tu es souvent mieux servi par toi-même. Est-ce que tu hésites désormais à jouer pour les autres ? Écrire ses propres longs peut vite devenir aliénant et je pense qu’il est important d’aller sur d’autres projets, de prendre congé de soi-même de temps en temps. Ça permet de se renouveler, de faire des rencontres. Après, quand je regarde les films que j’ai tournés, j’avoue qu’il y en a peu que j’ai envie de ranger dans ma DVDthèque, à part les deux que j’ai réalisés, auxquels j’ajouterais peut-être Les 11 Commandements et Héros. Je ne suis pas Tahar Rahim. Le projet qui déboîte, ce n’est pas à moi qu’on l’envoie en général. Je n’ai pas cette chance. Cette chance ou ce talent... Je ne m’en plains pas pour autant car, si j’avais eu accès à ces rôles, je ne serais probablement jamais passé à la mise en scène.Tu disais avoir conçu Vive la France comme une déclaration d’amour à notre pays...Avec le recul, je pense que cette déclaration est arrivée à un très mauvais moment. J’ai l’impression que la France ne s’aime plus, ne sait plus où elle va ni qui elle est. J’étais en Espagne récemment et, malgré la situation extrêmement dure dans laquelle ils se trouvent, on sent que les habitants sont fiers d’être espagnols. La France n’a pas envie qu’on lui rappelle ses qualités à l’heure qu’il est. Elle a envie de crier, de se révolter. J’ai pensé que le film pourrait réconcilier les Français avec eux-mêmes, mais je crois que je suis plutôt passé pour un béni-ouioui à vouloir montrer ce qu’il y a de beau, de bon, de généreux dans ce pays. J’ai un peu présumé de mes forces sur ce coup-là.Rassure-moi, il y a un bêtisier sur le DVD ?Il est énorme. C’est là que tu vois à quel point la rencontre avec José a été explosive, qu’on s’est marrés comme des bossus du début à la fin. On a transpiré, aussi, car tout allait en permanence à 200 km/h sur ce tournage. je n’arrêterai jamais de me battre et de bosser comme un malade, j’aime trop ce métier. Si on me fout à la porte, je reviendrai par la fenêtre. Je ne veux pas que le tour de manège s’arrête.Interview de Mathieu CarratierVive la France est sorti en DVD et blu-ray le 20 juin.