A Venise, Al Pacino s’est imposé comme le maître d’oeuvre d’un spectacle promotionnel qui a pris de court ses publicistes pourtant aguerris à ce genre d’opération. Le fait est que, par excès de générosité autant que par manque d’habitude, la star dépassait de 10, 15 ou 20 minutes chacun de ses rendez-vous avec la presse, décalant d’autant les suivants. Du coup, ce qui aurait dû être bouclé en deux jours a obligé les attaché(e)s de presse à reprogrammer une journée entière pour honorer les demandes d’interview, avec toutes les conséquences que ça implique, notamment financières, pour la location à prix d’or d’une suite sécurisée dans un grand hôtel.Pacino s’explique sur cette approche inhabituelle de la promotion : "Pendant longtemps, j’ai pensé que l’anonymat était une valeur précieuse pour un acteur, et je me suis donné beaucoup de mal pour préserver le mien. Comme vous le savez, je n’ai jamais donné d’interviews pendant très longtemps, mais je me rends compte que le monde d’aujourd’hui l’exige. Les deux films que je montre ici ont besoin de soutien. Aujourd’hui, on dépend trop de la bienveillance des inconnus, pour citer Tennessee Williams (allusion à une réplique d’Un tramway nommé Désir)."Marathon ManQuand on lui demande si ce n’est pas trop fastidieux de répondre toujours aux mêmes questions, l’acteur répond avec cet optimisme caractéristique, tournant un inconvénient en avantage : "La répétition te rend vert, elle te garde frais. Tu n’as pas à t’inquiéter des choses parce qu’elles viennent à toi." Dans la foulée, il anticipe et raccorde sur le sujet de The Humbling, qui examine les rapports d’un acteur vieillissant avec son métier : "C’est pour ça que les acteurs de théâtre connaissent le pouvoir de la répétition. S’ils montent sur scène et répètent sans arrêt, c’est parce qu’ils savent qu’ils gagnent en expressivité avec le temps".Paradoxalement, The Humbling montre aussi les effets de l’usure sur un acteur. Pacino connaît bien ce problème, même si le livre de Philip Roth dont il est adapté est une fiction : "C’est vrai qu’il y a un épuisement à répéter sans cesse les mêmes pièces soir après soir. Le phénomène a déjà été montré au cinéma, notamment dans The Dresser avec Albert Finney."Pour un acteur de 74 ans, il a assuré comme un marathonien: "Je me sens comme un coureur : Je sais qu’il faut continuer à courir sinon je tombe." Lorsque nous le rencontrons le dernier jour, il est manifestement épuisé, et à la fin de l’entretien, il a du mal à s’extraire de son canapé : "Je savais que c’était dangereux de m’y installer". Il a besoin de repos, ce qui n’est pas au programme puisqu’il doit enchaîner à Toronto où The Humbling et Manglehorn seront présentés dans les jours qui viennent. Et, même, qu'il se verrait bien intégrer le cinematic univers Marvel.Gérard DelormeBande annonce de The Humbling : Lire aussi :Notre critique de The HumblingNotre critique de Manglehorn