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Le film de Charlie Kaufman et Duke Johnson concourt aux Oscars dans la même catégorie que le dernier Pixar. Les deux auteurs réagissent (vivement).

Anomalisa, petite pépite d’auteurs fabriquée avec plus de patience et d’entêtement que d’argent, destinée à un public adulte, se retrouve aux Oscars dans la même catégorie que Vice Versa, le chef d’œuvre monumental et familial des studios Pixar. Pourquoi ? Parce qu’ils sont tous deux rangés dans la catégorie animation. Pourtant, l’étrange conte de fées animé image par image de Charlie Kaufman et Duke Johnson, qui risque fort de se faire écraser par le rouleau compresseur de Pete Docter, « a plus de rapport avec un film classé R qu’avec un film pour enfant ». Quand on leur parle de Vice Versa, les deux auteurs d’Anomalisa s’énervent.

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Charlie Kaufman : Etre en compétition dans la même catégorie pour les Oscars n’est pas un motif de comparaison, mais de confusion. Ce serait conforter l’idée que les films d’animation sont tous les mêmes, alors que l’animation revêt des formes multiples. Celle que nous avons adoptée est très différente de celle de Vice Versa. Nous sommes sensibles à la question parce qu’aux Etats-Unis, nous sommes enfermés dans le ghetto de l’animation, une catégorie qui ne produit la plupart du temps que des films pour enfants. Nous n’avons pas vraiment de place dans cette catégorie, alors que nous voulons être pris au sérieux. Nous avons fait ce film avec le plus grand sérieux, de notre mieux, et pour un investissement personnel élevé. C’est pour cette raison que je réagis.
Duke Johnson : C’est un peu frustrant d’être nommé face à Vice Versa. Quel que soit le résultat, il y aura des frustrations de chaque coté.  Comment peut-on comparer ce qui n’est pas comparable ?

Notre critique d'Anomalisa
CK : Il y a un énorme gouffre entre les deux films. Nous l’avons fait complètement en dehors des studios. Pixar est un studio dans le sens le plus étendu du terme. Ils investissent énormément dans le produit et dans le marketing. Nous sommes indépendants au sens vrai. J’ai été indépendant toute ma carrière, c’est mon film le plus indépendant de tous. Il a été financé par le crowdfunding, avant qu’un producteur indépendant ne vienne compléter le budget. Mais nous l’avons fait pour très peu d’argent compte tenu de ce que ce type de film coûte habituellement. Ca représente beaucoup de travail. Trois ans de production à plein temps avec des collaborateurs très peu payés. Certains étaient bénévoles.
DJ : Techniquement, l’animation image par image est aussi différente de la prise de vues réelle que de l’animation en image de synthèse.
CK : Nous sommes plus proches de la prise de vues réelle que de l’animation en image de synthèse. Nous avons des plateaux, des acteurs, même s’ils ne bougent pas de façon autonome, il y a des costumes, des accessoires, de l’éclairage.
DJ : Nous utilisons l’illusion du mouvement. L’animation en image de synthèse utilise en plus l’illusion de l’espace, de la profondeur, de la lumière.
CK : Mais pour être tout-à-fait juste, l’animation image par image exploite la même illusion du mouvement que la prise de vues réelle. La seule différence, c’est que nous le faisons par incréments, une image à la fois, au lieu de le faire en temps réel.

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Pour les anglophones, écoutez la réponse des deux auteurs en intégralité :