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Dans Aquarius, le cinéaste Kleber Mendonça Filho chronique la société brésilienne avec une maestria et une mélancolie impressionnantes.

Avec son sujet puissant (la résistance d'une propriétaire face à la rapacité d'un promoteur immobilier) et son traitement impressionnant (écriture, mise en scène et interprétation sont d'un niveau très élevé) Aquarius était un prétendant sérieux à la Palme (il était montré dans le cadre du festival de Cannes en mai dernier, mais n'a finalement rien reçu). Il bénéficie en plus de l'effet de surprise attachée à un réalisateur (le brésilien Kleber Mendoça Filho, ancien journaliste et critique de cinéma découvert en 2012 avec Les bruits de Recife) encore relativement inconnu.

A travers le portrait d'une soixantenaire bien déterminée à se défendre (formidable Sonia Braga), le cinéaste observe les changements de mentalité induits par la société post-moderne en les inscrivant dans le temps. Du même coup, il traite de l'héritage, de la transmission, de la mémoire, et de l'importance des lieux et des objets comme témoins de vie. Sans oublier la musique, qui joue ici un rôle considérable, et est magistralement utilisée. Le film commence 30 ans plus tôt par la célébration du 70ème anniversaire d'une belle femme aux cheveux blancs, vénérée par sa famille comme une sorte d'héroïne. L'évocation de son passé par ses enfants fait ressurgir chez elle des flash backs subjectifs d'activités amoureuses très chaudes exécutées sur une commode (le meuble a son importance, parce qu'on le retrouvera plus tard dans le film). Le même soir, on célèbre aussi sa nièce Clara qui vient juste de remporter une victoire difficile sur le cancer.

Aquarius censuré au Brésil

Lorsqu'on retrouve Clara aujourd'hui, le contraste est saisissant. On la sait forte, mais elle semble manquer de soutien à un moment où elle en a de plus en plus besoin. En tant que dernière occupante d'un immeuble promis à la destruction, elle est l'objet d'attaques multiples et pernicieuses de la part de l'entreprise qui entend construire une tour d'habitation pour riches appelée Aquarius. Elle refuse simplement de quitter son appartement parce que tous ses souvenirs y sont conservés sous des formes variées. Par exemple, les milliers de vinyls qu'elle a accumulés témoignent de sa carrière de journaliste musicale.

Au présent, le combat de cette femme contre l'adversité prend plusieurs formes. La plus évidente est l'hostilité du promoteur, un jeune homme au sourire visqueux, dont l'obséquiosité cache à peine l'arrogance cultivée aux Etats-unis où il a fait "des études de business". Sûr de lui, et ignorant systématiquement ce qui ne va pas dans le sens de son intérêt immédiat, il est l'incarnation de la brutalité contemporaine. A un degré beaucoup moins hostile, Clara doit faire face à ses propres enfants, à l'occasion de querelles familiales, qui révèlent quand même une forme de contamination à travers une tendance à considérer l'ancêtre comme un boulet. Il y a d'autres formes d'ostracisme  et de discrimination, toutes assez subtilement observées à l'intérieur d'un canevas  complexe, servi par une mise en scène d'une impressionnante maturité.

Oscars 2017 : Aquarius est absent de la présélection du Brésil

Aquarius sortira demain au cinéma. Extrait :