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Adapté du roman de JG Ballard, High Rise est une satire sociale de l’Angleterre thatchérienne, mais elle est chargée de références et suscite de nombreuses associations d’idées que nous avons soumises au très cinéphile Ben Wheatley.

Orange mécanique de Stanley Kubrick (1971)

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« Je suis un fan total de Kubrick. J’ai fait le trajet spécialement à Paris au début des années 90 pour voir Orange mécanique parce qu’on ne pouvait pas le voir en Grande Bretagne. Kubrick l’avait retiré de la circulation après que des gens habillés comme les personnages du film ont agressé des SDF. Autrement, on ne pouvait le voir que sur des VHS de 10ème génération en vente au marché de Camden. C’est un film qui a toujours été important pour moi. Par ailleurs il ressemble un peu à Alphaville dans le sens où il a l’air situé dans le futur alors qu’il est raconté au présent. C’est un aspect que j’aime beaucoup. Et il a fallu à Kubrick un œil particulier pour décrire l’Angleterre désastreuse des années 70 comme un futur inquiétant. Mais Orange mécanique n’est pas la seule influence kubrickienne sur High Rise. On peut citer 2001, L’odyssée de l’espace, Barry Lyndon, et particulièrement Shining, qui m’a appris que les différents niveaux d’informations ne devaient pas nécessairement être visibles dès la première vision. Autrement dit, la première vision permet de lire le film d’une manière très linéaire, ce qui n’empêche pas de découvrir plus tard que certains éléments prennent des directions jusque là insoupçonnées. J’ai appliqué cette sorte de narration fractale aussi bien dans le script que dans la mise en scène de High Rise. »

Frissons de David Cronenberg (1975)

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« Je l’ai revu pour préparer High Rise parce qu’il fait partie de ce genre très réduit de films qui ont lieu dans des édifices verticaux : La Tour infernale, Die Gard, The Raid. Même THX 118 rentre dans la catégorie, bien qu’il ait lieu sous terre. Et j’ai été étonné des ressemblances. C’est presque exactement la même histoire, à l’exception de la présence de la limace bizarre qui rend tout le monde fou. Quand j’étais jeune, j’ai toujours cru que Ballard et Cronenberg n’avaient rien à voir l’un avec l’autre, mais le calendrier montre que le roman a été publié en 75 alors que le film a dû être tourné en 74. Le mystère subsiste sur lequel a influencé l’autre en premier. Seul Cronenberg pourrait vous le dire. Qu’il ait réalisé Crash par la suite prouve qu’il était fan de Ballard. »

Britannia Hospital de Lindsay Anderson (1982)

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« Avec If et O lucky man, c'est le troisième volet de la trilogie Travis (joué dans chacun des films par Malcolm McDowell). Alors que les deux autre passent souvent à la télé britannique, j'avais un peu perdu de vue celui-ci, mais je l'aime beaucoup. Anderson tricote de nombreux fils narratifs différents, avec beaucoup d'habileté et d'audace. A la sortie, les critiques du Times étaient assez négatives, mais en tant que satire de l'époque, le film est très pertinent. Il résonnait beaucoup avec l’affaire du NHS (National Health Service), que Margaret Thatcher cherchait à privatiser, mais c'est toujours valable aujourd'hui. »

L’Empire du soleil de Steven Spielberg (1987)

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« On ne peut pas dire que ce soit une énorme influence sur High Rise (Empire du soleil évoque, du point de vue d’un enfant, le démantèlement de la communauté britannique à Shanghai lors de l’invasion de la Chine par les Japonais en 1941). Ce n'est pas autobiographique à proprement parler, mais c'est une version fictionnalisée par Ballard de sa propre enfance. Il a été obligé de se réadapter très rapidement à une nouvelle réalité lorsque la communauté anglaise qui se croyait à l’abri a été brisée et transférée dans un camp d'internement. En quelques jours, il a assisté à la destruction d’une société dont les pièces détachées ont été éparpillées sur le sol. C’est là qu’on peut voir un lien avec High Rise, qui contient des images de meubles éparpillés partout tandis que les adultes comme les enfants sont amenés à errer dans les étages pour survivre. Mais le livre a été écrit longtemps après High Rise, montrant que Ballard a constamment ressassé ses propres obsessions en les remettant dans des ordres différents et en les repensant au fil des livres. »

Snowpiercer de Bong Joon Ho (2013)

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« On fait souvent la comparaison, et ça m’énerve parce que je n’ai pas vu le film. J’en ai très envie, j’aime tous ses précédents. Mais je pense que Snowpiercer ressemble davantage à Metropolis, avec les classes laborieuses en bas, et les classes dirigeantes en haut. Ce qui n'est pas le cas de High Rise, où les gens logés en bas sont des journalistes et des cinéastes. La structure part de la classe moyenne inférieure, pour ensuite monter. On est plus proche de la réalité, qui ne peut pas se résumer à l'affrontement schématique des classes inférieures et de l'élite, mais plutôt  des uns contre les autres tout le temps. Et dans High Rise, les habitants de la tour se sont déjà éloignés de la ville et des pauvres. »

High Rise de Ben Wheatley avec Tom Hiddleston, Jeremy Irons, Sienna Miller est déjà dans les salles