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Coming Home. On peut s’amuser avec ce titre pendant des heures. Qui rentre à la maison ? Le mari, emprisonné pendant la révolution culturelle, qui rentre chez lui et trouve une femme malade, amputée de ses souvenirs et incapable de le reconnaître ? Ou bien sa fille, qui a dénoncé ses parents et tente de retourner chez elle, dans sa famille ? La femme peut-être qui a tout oublié de son mari et que ses proches tentent de faire rentrer dans ses propres souvenirs ? Ca c’est pour l’histoire de ce mélo imparable. Un peu épais, bancal parfois, mais puissant souvent. D’un point de vue artistique, Coming Home marque aussi le retour de Zhang Yimou au drame réaliste. C’est Qiu Ju versant mélo historique. Mais ce film marque surtout le retour de Gong Li. Au cinéma. En Chine. Chez Zhang Yimou qui l’avait révélée. A Cannes. Là, en face de nous. La plus belle femme du monde (si) répond à nos questions.    Le film s’appelle Coming Home. Quel sens donner à ce titre ?C’est d’abord le retour d’une génération. Après la révolution culturelle, les gens ont essayé de retrouver leurs amours, leurs maisons, de reprendre une activité normale, comme si rien ne s’était passé. C’est ça que dit le titre en premier. Revenir à la maison, c’est aussi une manière pour Zhang Yimou de rappeler qu’on doit toujours se souvenir de ces moments là. Revenir chez soi, mais revenir aussi sur les traces d’événements douloureux. Ne pas oublier, jamais, au risque que l’histoire se répète… Et par rapport à l’histoire ? Qui rentre à la maison ? Le mari ? La fille ? Ou sa femme qui doit se réapproprier ses souvenirs ? C’est une idée plus générale que ça. Ca dépasse les personnages pour intégrer le registre de la fable, de la morale. On « revient » à la vie normale. C’est le trajet de votre personnage. Son amnésie la protège, mais elle doit se réapproprier ses souvenirs pour re-connaître son mari.Son oubli, c’est une protection, effectivement. Vous savez, pour préparer mon rôle, j’ai été dans une maison de retraite, visiter des gens qui souffrent du même mal que l’héroïne. C’était une maison un peu spéciale, qui accueillait surtout des intellectuels. J’ai été frappée de voir qu’ils étaient tous contents. Parce qu’ils ont oublié leur encombrant passé. C’est très étrange. Ils arborent un étrange sourire… Ce sourire c’était la clé du personnage ? Oui, parce que je voulais que les spectateurs creusent, essaient d’aller voir ce que cache ce sourire, les vrais dégâts enfouis. Pour moi, ce sourire était emblématique du personnage et du film. Il faut oublier pour survivre, mais tu dois te souvenir pour avancer. Ce sourire, c’est le symbole de son espoir - elle attend son mari.C’est un masque aussi ?  Non, j’aurais pu le croire, mais ma rencontre avec les malades m’a montré qu’ils n’ont plus la force ou la volonté de composer. Ils se protègent, mais pas de cette manière. Le film est clairement découpé en deux. Est-ce que vous avez joué différemment chaque partie ? Oui. C’était essentiel. Dans le début du film, mon personnage est une femme forte, volontaire, qui se sacrifie pour sa fille, son mari et sa famille. Puis, une fois atteinte par la maladie, elle est recluse. Elle vit dans son propre monde. Je me suis mis d’accord avec Zhang Yimou et l’idée c’était de faire rentrer le spectateur dans son monde.Coming Home, c’est aussi votre retour ? Après vos essais américains, vous rentrez à la maison, chez le cinéaste qui vous a lancé.Ah ah ah ! c’est une interprétation de journaliste ça. Je ne suis jamais partie. Je suis prête à travailler tout de suite avec Zhang Yimou. Encore faut-il qu’il y ait un scénario, une idée. Je n’accepterait pas – et Zhang non plus – l’échec. Pourquoi ne pas avoir travaillé plus aux US ?Le problème là bas, c'est que, quand on a un visage asiatique, on ne vaut pas mieux qu’un vase, une belle porcelaine. J’attends toujours qu’on me propose un vrai rôle ! J’adorerais travailler avec les bons réals ou les bons acteurs…Comme ?  Woody Allen, Michael Mann… Ca c’est faitOui (rires), mais je suis prête à recommencer. Si je n’ai pas plus travaillé aux US, c’est vraiment à cause des scripts qu’on me propose… Mais c’est partout pareil. La différence de culture ne doit jamais être sous-estimée… aux states comme ailleurs. Regardez Christian Bale. C’est une star là-bas. Chez nous il n’a fait qu’un film, de Zhang Yimou, et je ne suis pas sûr qu’il retravaille vite là-bas. La barrière culturelle est réelle… Comment avez-vous approché le personnage ?En fait, il a d’abord fallu que je m’extraie du film. Je me regardais dans le miroir et je me disais : ok, ca c’est Wanyu, pas Gong Li. Elle est malade, donc j’ai beaucoup travaillé les expressions du visage : le regard, les mouvements de pupille, le sourire triste… et ces moments où je crie le nom de mon mari. C’est par des petites choses, des attitudes physiques que je devais montrer que le personnage est malade.Interview Gaël Golhen