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Le premier film en langue anglaise du réalisateur de La French est assez impressionnant.

Que cache donc ce mystérieux titre ? Rien d’autre qu’un acronyme signifiant en allemand « Himmlers Hirn heißt Heydrich » (« Le Cerveau d’Himmler s’appelle Heydrich »), soit le surnom donné à Reinhard Heydrich, l’une des âmes les plus malfaisantes du IIIème Reich. C’est aussi le titre du livre de Laurent Binet, prix Goncourt du premier roman en 2010 dont la forme particulière (l’auteur mélange réflexions personnelles et faits historiques) était réputée inadaptable. Avec l’aide de David Farr, showrunner britannique de talent (The Night Manager), et d’Audrey Diwan, sa coscénariste de La French, Cédric Jimenez s’est donc attaqué à l’impossible. Pari tenu. En scindant son film en deux parties distinctes (l’ascension de Heydrich au sein de la SS, puis la mise au point de l’attentat par des résistants tchécoslovaques qui coûteront sa vie au dignitaire nazi), Jimenez a simplifié le roman, optant pour une ligne claire aussi percutante que passionnante.

Mal du siècle

Qui était Heydrich ? Un être complexe, passionné de musique classique et de femmes, capable de donner patiemment des leçons de piano à son fils et d’abattre sans vergogne des milliers d’innocents. L’intense Jason Clarke lui prête son regard profond et sa stature impressionnante qui cachaient une nature sombre et ambitieuse animée par un esprit revanchard. Le film montre parfaitement combien sa femme, adhérente de la première heure au parti nazi, réalisa trop tard le monstre qu’elle avait créé. Nommé Vice-Protecteur de Bohême-Moravie en 1941, Heydrich commencera à planifier la Solution Finale avant de succomber à ses blessures après l’attentat commis par Jan Kubiš et Jozef Gabčík en plein Prague. Ces deux derniers, véritables héros nationaux (le premier est tchèque, le second, slovaque), sont décrits par Jimenez comme des soldats déterminés, persuadés de la portée symbolique, et donc, nécessaire, de leur acte –qui engendra par ailleurs des représailles abominables. Sans pathos, avec un sens de l’image bluffant (à la limite de la « joliesse »), le réalisateur français signe une fresque historique ambitieuse en anglais –elle est destinée au marché international- qui explore la face sombre et lumineuse de l’humanité.