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Rencontre avec la voix française qui a rendu le panda inoxydable. 

Pour certains cinéphiles, John Wayne a toujours parlé français (avec la voix de Raymond Loyer). John McClane aussi. Et dans le genre, pour les plus jeunes, Po aura pour toujours la voix de Manu Payet. Pour des dizaines de ratages - paresse ou incompétence - les stars hexagonales qui brillent dans un doublage de dessins animés se font rares. Ils se comptent même sur les doigts d'une main. Laissons de côté l'historique Roger Carel (les Asterix ou Winnie L'Ourson de votre enfance), et on a : 1/ Chabat, génial en Shrek bourru, 2/ la voix anxieuse et solaire de Dubosc, qui double le papa de Némo, 3/ la folie vocale d'Adjani qui incarnait la méchante de Raiponce et puis qui ? Le meilleur de loin : Manu Payet.

Voix française de Po, le panda roi du Kung Fu, Payet a réussi à faire oublier les acrobaties vocales un peu lisses de Jack Black en VO pour imposer sa version du plantigrade zen et agile. Ça tient à peu de chose. Une modulation bien sentie, un velouté indolent en plein combat, une ironique manière de-pas-y-toucher ou un ton étonné qui épousent des sourcils qui se lèvent. Dans la version française, l'enthousiasme hystérique succède à une fadeur orientale et philosophique. L'énergie à l'économie. Avec un sens hallucinant du phrasé, Payet a transformé son panda en un vrai héros de la pop culture française en s'impliquant à fond au point de devenir la force tranquille de cette saga. 

La série Kung Fu Panda – la meilleure usinée par les studios Dreamworks et on n'en discutera même pas ici – tient finalement sur deux éléments clés. D'abord, le soin attentif, presque maniaque, apporté à l'esthétique. En mélangeant le dynamisme et la folie propre au film de Kung Fu aux visions piquées aux estampes ou à la tradition picturale asiatique, Kung Fu Panda 3 s'est imposé comme un délire graphique stupéfiant. Ce troisième épisode ne déroge pas à la règle. Depuis le sublime générique jusqu'à la bataille finale, l'animation et surtout les différentes humeurs graphiques supportent une histoire convenue (Po doit sauver la vallée des pandas) et lui donne un relief fascinant. A plat, presque diffus et confinant à la limpidité et à la pure spiritualité, ou au contraire avec du relief et brillant pour chercher l'énergie, les tons picturaux s'enchaînent ici avec une harmonie bluffante. Comme Madagascar 3 se laissait voir comme un objet théorique sur la vitesse et le vertige cinétique, Kung Fu Panda 3 est un sommet esthétique.

Auquel on ne sacrifiera jamais les personnages. Po, donc, qui ici doit trouver sa voie (sans jeu de mot) pour défendre le Shangri-La des pandas. Mais aussi Sifu, le sage doublé par Pierre Arditi, Mante, Croc et surtout Tigresse, l'autre axe intangible de la série génialement interprétée par Marie Gillain en Français. On se répète, mais tout passe ici par les voix. Payet n'a pas le coffre de Black et il a choisi de remplacer la puissance par la modulation et la finesse. Plus tendre, moins moqueur, sa voix est devenue inséparable des excentricités de l'ursidé. On l'arrête dans la rue pour calmer les gosses, ou pour balancer un Skadoosh...

Alors que Po débarque pour sa troisième aventure, rencontre expresse avec sa vf et sa nouvelle complice, Alison Wheeler.