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Le concept est en vogue, François Hollande en a même fait un idéal :  la présidence normale, par opposition aux excentricités de son prédécesseur. L’autre président du moment, Nanni Moretti, pourrait bien s’inscrire dans cette ligne. Cinéaste exigeant, personnalité discrète, le président du Jury de Cannes 2012 n’est pas franchement connu pour ses frasques, il n’aime pas les paillettes et le bling bling de l’entertainment lui est étranger. Premier signe qui ne trompe pas : pour mener sereinement son action cinéphilique, le président n’est pas descendu au Carlton, un des grands palaces cannois à deux pas du Palais, comme le veut la tradition, mais s’est retiré dans un hôtel en retrait de la Croisette, pour échapper à l’agitation médiatique. Hasard de calendrier ou air du temps, le Festival semble donc lui aussi s'être doté cette année d’un président normal.S’il est plutôt low profil, Nanni Moretti n’est pas pour autant un débutant et connaît bien les arcanes du pouvoir cannois. Déjà membre du jury présidé par Isabelle Adjani en 1997, il a présenté tous ses longs métrages de fiction en compétition depuis 1994 et Journal intime – pour lequel il est reparti avec le prix de la mise en scène. Il remporte la Palme d’or pour La Chambre du fils en 2001, année où il préside d’ailleurs le jury du Festival de Venise. Un professionnel donc, qui connaît l’endroit et l’envers du décor et ne se laissera pas facilement influencer. Car normal ne veut pas pour autant dire mou : dans son livre La vie passera comme un rêve, Gilles Jacob, le président du Festival, raconte comment Moretti s’est battu comme un acharné pour faire obtenir à son chouchou Abbas Kiarostami (en compétition cette année) la Palme pour Le goût de la cerise lorsqu’il était membre du jury d’Adjani. Le cinéaste iranien était reparti avec la récompense suprême, ex-aequo avec L’Anguille de Shohei Imamura. A Venise aussi, on raconte que Moretti aurait bataillé pour imposer son choix, La mariage des moussons de Mira Nair. Un président tyrannique ?Il répond par la négative dans les colonnes de Libé qui a pu le rencontrer hier. Nanni Moretti déclare en effet qu’il tâchera d’être un « président démocratique » : « c’est, par principe, la majorité qui l’emporte » ajoute-t-il. On sait pourtant que le réalisateur de Journal intime privilégie un cinéma d’auteur, intimiste, et n’est pas adepte du gros blockbuster. A travers sa société de production Sacher Films, fondé en 1986, il produit et distribue de jeunes auteurs, un cinéma qui n’aurait pas trouvé preneur ailleurs en Italie. Comme il l’explique dans les pages du quotidien, il a fondé sa maison de production en réaction contre « un certain cinéma italien qui cherchait à s’internationaliser, parlait anglais, multipliait les effets de casting et prétendait se déprovincialiser ». Un président qui ne se laissera pas éblouir par un casting trois étoiles ou des effets de manche spectaculaires donc. Moretti veut de l’authenticité, de l’exigence, peut-être même de la difficulté – il jugeait récemment que The Artist était un « film facile ». Et tant pis si le public ne suit pas. « Quand un film ne marche pas, on trouve toujours des excuses au public. Alors qu’en fait, parfois, le public est paresseux » affirme-t-il dans Libé.Un président normal et démocratique donc, mais qui n’a pas peur d’être impopulaire.Vanina Arrighi de CasanovaSuivez toute l'actu cannoise sur notre dossier spécial avec Orange Cineday