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Le producteur d'Encanto est aussi président de Walt Disney Animation

A l'occasion de la sortie d'Encanto, ce ne sont pas les réalisateurs ou Miranda (le compositeur surdoué venu de Broadway) qui assurent le service après-vente. C'est Clark Spencer. Vous ne le connaissez pas, mais cet homme affable n'est pas seulement le producteur de cette virée fantastique en Colombie, c'est aussi le président de la Walt Disney Animation. Et ce n'est sans doute pas un hasard si dans ce portrait délirant, bariolé, magique et surréaliste, d'une famille colombienne azimutée, se cache peut-être une métaphore de la vénérable institution qu'il préside. Rencontre avec un Disney Boy passionnant. 

Quel fut l’élément déclencheur du film de votre côté ?

La musique. En fait, avant la musique, il y avait l’envie de retravailler avec Jared Bush et Byron Howard. On venait de finir Zootopie, et quand ils sont arrivés me présenter cette idée de film en Colombie, je me suis dit que j’allais les accompagner une fois de plus… Mais quand ils ont ajouté qu’ils voulaient que Lin-Manuel fasse la musique, alors je ne pouvais plus refuser. Le résultat est fantastique d’ailleurs : Lin-Manuel a réalisé un travail incroyable avec Carlos Vives. La manière dont ils ont capturé le son colombien, la modernité des mélodies… c’est incroyable. Evidemment à l'époque, ce n’était pas prévu, mais je pense que c'est le moment idéal pour présenter ce genre de film. On a besoin de danser, on a besoin d’avoir, enfin, un peu de sourire à l’écran, et nos pieds peuvent se remettre à taper sur le sol en rythme, non ? (rires)

Vous n’êtes pas seulement le producteur d’Encanto, vous êtes également le patron de Disney Animation. En regardant Encanto, je me demandais ce qu’on ressent à chaque fois qu’on crée une nouvelle héroïne Disney, à chaque fois qu’on sort un nouveau film de cette vénérable maison…

C’est fou, n'est-ce pas ? C’est une question un peu vertigineuse en fait. Le studio va bientôt fêter ses cent ans d’existence – dans 2 ans précisément. Et quand on dit Disney on pense tout de suite à des dizaines de films cultes… Blanche NeigeFantasia… Comment est-ce qu’on s’inscrit dans cette histoire ? Comment est-ce qu’on continue cette tradition ? Comment peut-on être sûr que les nouveaux personnages qu’on va créer vont captiver le public et faire écho ? Ma réponse – en tout cas, celle que j’ai fini par me donner – est simple : il faut laisser faire les réalisateurs. Les laisser raconter l’histoire qu’ils ont dans le cœur et les aider à la porter au public. Chez Disney on a des gens extrêmement talentueux. On a les meilleurs animateurs du monde, des scénaristes surdoués… Chaque film est un effort collaboratif. On se pousse, chacun, à être toujours meilleurs, à faire toujours mieux. C’est ça la clé, sans trop se mettre la pression, sans trop regarder en arrière. Parce que sinon, ça peut devenir paralysant.

Justement, à propos de cette tradition qui peut être parfois dévorante, j’ai eu l’impression que la vieille maison d’Encanto pouvait être une métaphore de Disney Animation…

Génial ! Je n’y avais pas pensé, il va falloir que j’en parle à Jared et Byron, mais vous pouvez m’expliquer un peu plus ?

La magie est partout, mais toujours menacée ; et puis c'est une vieille maison qu’il faut protéger qui a quelques lézardes…

C’est amusant !  Je ne sais pas si les réalisateurs l’avaient vu comme cela, mais ça marche, en effet. La maison était là depuis le début. Encanto était dès les premières ébauches du scénario un endroit magique qu’il fallait faire vivre. C’était d’autant plus compliqué, inédit même, que c’est un film qui se déroule dans un seul et même lieu, ce qu’on n’avait jamais fait chez Disney. Mais pour revenir à votre remarque, je crois que vous avez raison : Walt Disney Animation en est à son 60ème film. Cette vénérable maison a 99 ans, et c’est un endroit qui a imaginé des films qui ont pour la plupart passé l’épreuve du temps sans jamais perdre leur pouvoir magique. Et comme la maison d’Encanto, la vraie magie de Disney, je vous le disais, ce sont les gens qui y travaillent et qui l’aiment. Ils ont choisi d’être sur ce medium ; ils ont choisi de rejoindre cette maison quasi centenaire en général après avoir découvert un film qui, enfant, a changé leur vie. Moi c’était Le Livre de la jungle. J'étais gamin et quand les lumières se sont rallumées, je savais que je voulais faire de l’animation… Tout ça pour dire qu'il faut être à la hauteur de cette magie, la nourrir et la faire grandir.  Et Avec Jennifer Lee, c’est notre boulot : faire en sorte que tout et en place pour que la magie perdure.

Dans ce contexte, comme dans le film, la tradition est à la fois votre meilleur allié et votre pire ennemi.

La tradition Disney pour moi, c’est une philosophie. Un personnage très fort, une histoire universelle qui doit vous emmener dans un univers fabuleux. C’est ça l’animation, non ? Mais j’y ajouterai quelques trucs : il doit toujours y avoir de la comédie, avec du cœur et de la sensibilité. Il faut que les gens quittent le cinéma en aimant le personnage, en ayant envie de retourner à sa rencontre – et donc de revoir le film. Une fois qu'on s'est assuré que ces règles simples sont au cœur du film, on doit aussi se demander comment évoluer avec son époque. La tradition Disney ne peut pas être figée, elle ne doit surtout pas être liée à une époque et ne pas en dévier. On doit s’adapter aux nouveaux storytellings, aux bouleversement technologiques... C'est le paradoxe Disney : les films doivent être à la fois éternels, mais liés à leur époque, sinon ils deviennent paradoxalement datés. Et, je crois, Encanto fait ça à merveille. C’est une histoire très Disney, c’est une comédie musicale, il y a des personnages géniaux. Mais la musique est écrite par Lin Manuel Miranda et elle est très moderne (tout en ménageant des morceaux très classiques comme Dos oroguitas), très diverse aussi parce qu’elle s’inspire de la musique et des rythmes colombiens.

C'est amusant que vous parliez de diversité. Vous sortez de quatre ans de Trump. En France, le débat semble se replier sur des thèmes identitaires. J’ai l’impression que la diversité d’Encanto est une affirmation très matter of fact. Et surtout que nous avons aujourd’hui plus que jamais besoin de ce genre d’histoires…

Regardez Vaiana, Raya, Frozen… Nous cherchons toujours à ce que les gens qui viennent voir nos films se sentent représentés dans nos histoires. C’est important ! La plus belle chose qu’on m’ait dite sur Encanto, c’est à la première de Los Angeles. L’une de nos consultantes, Natalie Osma, est venue me voir après la projection et m’a dit «  tu n’as pas idée de ce que ce film va signifier pour les colombiens ». Mais c'est ce que m'a dit son neveu de seize ans, qui vit en Colombie et était venu spécialement pour voir le film, qui m'a encore plus touché. Il est arrivé derrière elle et m'a lancé : « quand j’aurai des enfants, je leur montrerai ce film ; j'y ai vu mon pays et j'ai reconnu les gens avec lesquels j’ai grandi. » Ce fut la plus belle récompense pour moi. Ces histoires ont un impact. On est responsable de cela – quelque soit le support, live action, animation, publishing… - on doit faire en sorte que les gens se sentent représentés, tous dans toutes leurs différences et dans toutes leurs singularités.