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Présenté au dernier Festival de Cannes, ce premier film de Maxime Roy raconte avec poésie l’itinéraire d’un quinqua déglingué. Rencontre à deux voix.

Présentés en séance spéciale au dernier Festival de Cannes et en clôture du récent Festival International du film de Saint-Jean-de-Luz, ces Héroïques laissent systématiquement une trace derrière lui. Ici, la vérité paraît tellement nue, les acteurs, tellement eux-mêmes, qu’on se demande à quoi sert cet écran entre eux et nous. Non pas que le cinéma n’a pas ici sa place. Bien au contraire, seulement il n’y a pas trop de calcul, ce projet ne laisse entrer que du présent. Ce premier long-métrage de Maxime Roy, suit l’itinéraire de Michel, la cinquantaine déglinguée, qui s’accroche pour ne pas tomber. Pour cet ancien junkie en sevrage, la naissance de son deuxième fils, lui impose une droiture à priori peu compatible avec sa personnalité à fleur de peau. Michel s’accroche, conduit sa Harley tel un cow-boy électrique et anachronique, entre deux domiciles pas très fixes. Michel c’est François Créton, aussi  vrai que sa propre nature le laisse supposer. Cette histoire, c’est un peu la sienne. Ou à peu près. Lors du dernier Festival de Cannes, entre deux portes du fameux Palais, on s’est assis à côté de François et Maxime, pour comprendre qui est qui

La séquence d’ouverture montre le protagoniste, Michel, en pleine réunion des alcooliques anonymes où il décrit, son combat, ses peurs, sa détresse… La part documentaire parait évidente…

François Créton : La part de vérité de cette scène, c’est aussi celle du film. Avec Max [Maxime Roy, le réalisateur], nous avons écrit ensemble cette histoire qui s’inspire bien-sûr de ma propre histoire. Cette séquence décrit assez bien le processus  de l’ensemble. J’avais convié Max à une séance des alcooliques anonymes. Il est resté en retrait, nous observant à distance. Nous avons ensuite écrit cette séquence, rien n’est improvisé. Au moment du tournage, je n’y arrivais pas, j’étais à côté. Max est au cadre, ce qui est une chance pour un acteur. Il y a, en effet, quelque chose d’animal, je sens sa respiration, un souffle… Bref, je n’y arrive pas. Max fait sortir tout le monde du plateau, et me dit : « Arrête de faire François, fais Michel ! »  Cette simple remarque m’a débloqué. La nature même du film est là. Michel est un personnage de fiction. Si nous nous étions focalisés sur ma petite personne, nous aurions eu quoi ? Du psychodrame de bazar.

Maxime Roy : Avec François, nous avions une vraie affection pour Michel. Ce personnage de cinéma nous émeut, nous fait rire aussi. Il nous touche. La distance qui existe entre François et Michel était intéressante à explorer.  

On sent une complicité évidente entre vous. D’où vient-elle ?

Maxime : J’ai été en couple avec la fille de François. Il a été mon beau-père. Notre rencontre tient du coup de foudre amical. Ca tout de suite était très fort

François : … Malgré la différence de nos parcours, nous nous sommes reconnus…. Les choses n’ont pas eu besoin d’être verbalisées. Nous sommes dans le présent. Au moment de l’écriture puis du tournage, notre crédo n’était pas : « On va aller là ! », mais : « Aujourd’hui, faisons ça ! » Hier n’existe plus, demain n’existe pas, l’important c’est le présent.

Et l’envie de faire cinéma ?

Maxime : Adolescent, je vivais chez un ami dont le père était projectionniste aux Dames Augustine (salle de cinéma privée réservée aux professionnels) Je me souviens, que Pascal Thomas était venu pour regarder ses rushes et en discuter avec son équipe. Depuis la cabine, j’écoutais ça, fasciné. Dans mon enfance, la culture n’était pas très présente. Le cinéma ouvrait donc un champ qui m’était inconnu. Je pouvais enfin m’exprimer. J’ai ensuite fait une école, l’ESRA où grâce à mes professeurs, j’ai découvert les œuvres de Sautet, Pasolini, Loach…

François : … Ma première grande émotion de cinéma, c’est La Belle et la Bête de Jean Cocteau. J’avais six ans… Jouer la comédie est une façon de se perdre et de se retrouver. C’est ce va-et-vient qui m’excite.

L’action des Héroïques se situent dans des territoires périphériques, presque invisibles…

Maxime : .. Des endroits que connait très bien François… Ce sont les siens. Le pouvoir magique de la caméra, c’est de révéler des choses que notre œil ne voit pas ou plus. Je filme là où mon regard m’emmène. J’aime les choses silencieuses, les endroits secrets, les gens de l’ombre, un peu bancals. L’humanité, elle est là. Le combat de Michel est silencieux.

François :… Nous filmons ici un monde qui va disparaître, toutes ces banlieues ouvrières à l’abandon. De l’autre côté de la rue, il y a des palissades, et derrière de nouvelles constructions : des facs, des logements… Nos personnages sont au milieu, paumés entre ce qui n’est plus et ce qui va devenir. Ils n’arrivent pas à passer de l’autre côté de la barrière…

Vous parlez de « silence », mais Michel est tout de même très bavard….

François : Michel ne sait pas où est sa place alors il la revendique en permanence. Si tu sais où tu es, tu n’as pas besoin de le crier sur tous les toits.

Le casting comprend aussi des personnalités identifiées comme Richard Borhinger, Ariane Ascaride et Clotilde Courau… C’était important d’avoir des « noms » ?

Maxime : Ce n’est pas les « noms » qui étaient importants mais notre désir de travailler ensemble. Nous n’avons pas fait de casting, tout ici est une affaire d’évidence.

Les Héroïques, quel beau titre…

Il s’est lui-aussi imposé. Les héros ce sont eux, nous tous… Nous sommes bouleversés par ces gens qui essaient de tenir debout.

Les Héroïques de Maxime Roy, avec : François Créton, Roméo Créton, Richard Bohringer… Pyramide. Durée : 1h39. Sortie le 20/10.