Kiki la petite sorcière (1989)
Studio Ghibli

Disponible sur Netflix, Kiki la petite sorcière est aussi grand, beau et triste que Mon voisin Totoro. Oh oui.

Tout d'abord un aveu : de tous les Miyazaki, c'est celui qu'on a mis le plus de temps à voir (avec Nausicaä de la vallée du vent, peut-être ?). Un peu par flemme, un peu par peur de voir un film moins bien que les autres. Si Kiki, avec son air de film pour très petits enfants, vous donne cette impression, il est temps de la mettre au panier une bonne fois pour toutes : sa mise à disposition sur Netflix permet de réaliser à quel point Kiki, la petite sorcière est une œuvre aussi essentielle que magnifique. Aussi tendre, grande et belle que Mon voisin Totoro.

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Adapté d'une série de romans de Eiko Kadono, dont les deux premiers tomes viennent d'être publiés en françaisKiki, la petite sorcière raconte les aventures de la petite héroïne éponyme. Comme le veut la tradition, elle quitte son père et sa mère, avec son balai, son chat noir et sa radio portable, pour devenir une sorcière. C'est évidemment un récit d'apprentissage, mais sans affrontement destructeur, où Kiki apprend à se débrouiller grâce à sa volonté et sa gentillesse. Inutile d'insister sur la partition démente de Joe Hisaishi (qui compose aussi deux incroyables pastiches pop 60s pour ouvrir et fermer le film) ou sur la qualité visuelle du métrage (les décors inspirés de la Suède sont fabuleux de vie, et donnent le sentiment d'un exotisme familier) : Miyazaki, à rebours d'une certaine idée de l'animation, cherche autant le sens que le sensoriel. Jamais nunuche ni puéril, bourré de péripéties charmantes, Kiki est, de tous les Ghibli, celui qui carbure le plus à l'altruisme et à la générosité. C'est ce qui lui donne toute son importance.

Mais Kiki est également aussi triste que Totoro, au fond. Il y a ce moment de bascule inouï, qui concerne Jiji le chat noir -et qu'on ne vous spoilera pas- un moment d'une grâce, d'une pudeur et d'une simplicité incroyables. Le genre de moment que Miyazaki a touché du doigt rarement dans sa carrière, conscient qu'il fallait les réserver toujours à des instants de cinéma pivotaux, comme à la fin du Vent se lève. Le film prend alors la couleur de la tristesse. On pense à des choses à jamais perdues, à cette phrase de Murakami dans La Fin des temps : "Quand on a perdu quelque chose une fois, même si elle disparaît entièrement, on continue éternellement à la perdre." Kiki signifie que l'enfance, immense et interminable, joyeuse et pleine de premières fois, est terminée, maintenant il faut tenter de vivre.

Les voix de Ghibli : Jean Reno, Mélanie Laurent, les sœurs Fanning, Kirsten Dunst, Michael Keaton, Jean-Luc Reichmann, Lauren Bacall…