Le Bal des folles (2021)
Capture d'écran YouTube

La comédienne retrouve Mélanie Laurent en jouant un des patientes-cobayes du professeur Charcot dans le Paris du 19ème siècle. Retour sur cette expérience, tournée en plein COVID.

Le Bal des folles est l’adaptation du livre de Victoria Mas (Prix Renaudot des lycéens 2019) qui raconte l’oppression des femmes au 19ème siècle en plongeant dans le quotidien de la Pitié Salpêtrière et de son médecin star, Charcot, ayant fait de ses patientes de véritables cobayes. Quand Mélanie Laurent vous en parle t’elle pour la première fois ?

Lou de Laâge : Même si Mélanie a une idée derrière la tête, elle ne m’en parle que quand elle est sûre pour ne pas créer de faux espoirs, de frustrations. Là, c’est arrivé pendant le premier confinement où elle m’a donc appelé pour me prévenir qu’elle m’envoyait un scénario sans me donner plus de précisions. Comme à son habitude, là encore, pour ne pas influencer la lecture. Je le lis dans la foulée et un peu plus d’une heure après, je la rappelle pour lui dire qu’évidemment j’accepte sa proposition

Qu’est ce qui vous a tout particulièrement séduit ?

La richesse de ce que je venais de lire qui offre plein d’angles possibles. Pour ma part, j’ai y tout d’abord vu, avant même son aspect féministe, un merveilleux film sur la différence. Une manière forte de parler des personnes atteintes de maladie psychiatrique avec une sensibilité et une perception du monde différentes qu’on tient si souvent à l’écart par ignorance ou parce qu’on se sent démuni face à eux qui ne sont jamais totalement en accord avec ce que la société leur demande d’être. J’ai trouvé la parole de Mélanie très forte sur ce sujet- là. Et puis, tout de suite aussi, m’apparaît la modernité de mon personnage à l’intérieur d’un film d’époque. Une femme extrêmement libre.

Le Bal des folles : Mélanie Laurent filme le choeur des femmes [critique]

Comment se prépare t’on à incarner cette jeune medium envoyée à La Pitié Salpêtrière à la fois parce que trop libre pour son époque et à cause de ses dons de medium qui font peur ?

Je peux dire que le confinement a été mon allié. Le monde entier était arrêté et moi, j’avais la chance d’avoir un projet pour le jour où il se réouvrirait. Donc j’ai pu avoir tout mon temps pour lire, écouter des émissions de radio ou tout simplement rêver ce rôle. Me replonger aussi dans la vie de Charcot, sur ce qu’étaient les expérimentations de ce médecin, grand ponte de la découverte neurologique de l’époque, avec ses patientes… devenant ses cobayes ! Soit exactement ce qu’il me fallait pour devenir peu à peu ce personnage de medium qui, par définition, a accès à un autre monde. Préparer ce rôle, c’était imaginer tout ce qu’elle peut ressentir, voir et entendre. Et comme je n’avais pas à fournir un résultat rapidement, j’avais le temps d’oublier, d’y revenir, d’échanger avec Mélanie. Et j’ai pu arriver sur le tournage, libérée de toute question.

Que vous dit Mélanie Laurent dans vos échanges ?

Elle m’envoie beaucoup de photos pour rentrer dans son univers visuel et sensoriel. Quand on a pu à nouveau sortir, nous sommes aussi allées voir un medium pour savoir comment il avait découvert son don et comment il le vivait, afin que tout cela devienne très concret pour nous deux

Qu’est ce que vous redoutiez le plus dans ce rôle ?

Dès la première lecture, j’ai compris que de la première à la dernière scène, ce personnage était intense. Donc avec un climax permanent à l’intérieur d’un film qui raconte aussi l’histoire d’une renaissance : elle va transgresser tout ce qu’on lui a inculqué, tout ce qu’on lui demande de devenir, pour se rencontrer elle- même, accepter ce qu’elle est et le faire accepter aux autres. Et j’ai vécu ce tournage comme du sport émotionnel, jamais douloureux

 

Comment a évolué votre collaboration avec Mélanie Laurent depuis votre rencontre sur Respire ?

Dans Respire, on se découvrait donc on a commencé par s’apprivoiser. On était, comme dans toute rencontre, dans la retenue car on ne sait jamais dans ces moments- là jusqu’où on peut se livrer, ce qu’on peut donner de soi. Je pense que c’est au théâtre, avec la pièce Le Dernier testament, que notre relation a pris une autre dimension, au fil des répétitions. Donc je suis arrivée sur Le Bal des folles en totale confiance, dans un lâcher prise évident car je lui fais une confiance totale. Après, une fois sur le plateau, depuis Respire, il y a des fondamentaux qui n’ont pas bougé. Mélanie aime travailler dans une ambiance douce, bienveillante qui contraste avec la dureté de ce qui s’exprime à l’écran. Simplement, je la sens plus calme, avoir plus confiance en elle au fil des projets. Elle assume d’être ce qu’elle est en tant que réalisatrice, que femme, qu’être humain.

Comment se crée la complicité que l’on sent à l’écran entre tous ces personnages féminins, victimes de Charcot ?

Comme nous étions en confinement, impossible de nous rencontrer ! Même les essayages costumes se sont faits par Zoom ! Moi qui avais envie d’aller visiter la Pitié Salpêtrière, je n’ai pas pu le faire non plus. Avec les autres comédiennes, nous nous sommes donc découvertes sur le plateau, à Rochefort. Et comme nous étions alors au cœur du deuxième confinement et qu’il n’y avait ni bar, ni restaurant, quelque chose s’est créé entre nous qui vivions dans le même bâtiment. Puisque nous étions les seules à mettre de la vie dans un univers où tout était fermé. On était comme une troupe de théâtre… au cinéma

Comment vit- on justement un tournage pendant cette période de COVID ?

J’avais décidé dès le départ que ça ne m’enlèverait aucun plaisir. Et je m’y suis tenue. Un tournage est de toute manière une bulle donc le confinement ne changeait pas énormément de choses, sauf qu’on ne voyait pas le visage des techniciens sous leurs masques !