Mandibules (2020)
Memento Films

Un pitch hilarant porté par le duo du Palmashow. Sauf qu’à force de se répéter, la mécanique Dupieux finit par s’user et lasser.

Les pitchs des films de Quentin Dupieux ont la belle habitude d’être diablement efficaces. Un pneu tueur tombe sous le charme d’une jeune fille dans le désert californien. Un homme part à la recherche de son chien qu’il vient de perdre en même temps que son boulot. Un réalisateur doit trouver en 48 heures le meilleur gémissement de l’histoire du cinéma pour que son film d’horreur voit le jour. Un homme obsédé par son blouson en daim… Autant de points de départ que le réalisateur développe dans des intrigues resserrées dont le format varie entre 75 et 90 minutes. Mandibules n’échappe pas à la règle. 77 minutes, générique compris, pour raconter l’histoire de deux amis un peu bas de plafond – Jean Gab et Manu - qui, après avoir trouvé une mouche géante dans le coffre d’une voiture qu’ils ont volée, se mettent en tête de la dresser pour gagner de l’argent. Pitch une fois encore prometteur donc car aux mains d’un auteur dont on sait qu’il manie l’absurde comme une arme de précision. Sauf que non. En tout cas pas vraiment. Evidemment, Mandibules est rempli de trouvailles à la bêtise réjouissante. Certes, le duo du Palmashow, Grégoire Ludig et David Marsais, trouve le ton juste pour incarner ces Dumb and Dumber made in France. Mais Quentin Dupieux donne, lui, le sentiment de se reposer sur ses lauriers. A raison au vu du retour dithyrambique de la presse française après sa présentation à la Mostra de Venise. A tort pour les aficionados de son travail que nous sommes qui se désespèrent de le voir un jour passer à la vitesse supérieure. De transcender son pitch au lieu de donner l’impression de tirer à la ligne.

Une fois la base de son récit posé, Mandibules avance en effet dans un faux rythme qui flirte parfois avec ce qui ressemble à de la fainéantise à cause d’un air de (trop) déjà vu à l’intérieur même de son cinéma. Un (long) moment du film le symbolise. Suite à un quiproquo, Jean Gab et Manu se retrouvent dans une villa où passent l’été Cécile (India Hair, comme toujours parfaite) - qui croit avoir reconnu en Jean- Gab, un ami d’enfance - et trois autres gosses de riche comme elle. L’une d’eux – génialement campée par Adèle Exarchopoulos – est affectée d’un trauma vocal depuis un accident de ski. C’est par ce particularisme qu’elle existe à l’écran. Mais les deux autres restent cantonnés à des rôles de faire- valoir. Roméo Elvis (pour son premier rôle au cinéma) semble rejouer ad lib la même scène. Et l’excellente Coralie Russier (120 battements par minute, Bêtes blondes) se voit réduite à jouer les figurantes de luxe. Sans moment marquant. Sans scène digne de ce nom. Comme si Dupieux regardait mal ses comédiens, uniquement obsédé par cette efficacité toute en nonchalance mais devenue mécanique qui constitue sa signature. A mille lieux justement de ces dumb buddy movies légendaires comme Dumb and Dumber ou Frangins malgré eux dont les auteurs savent, eux, s’appuyer sur leurs acteurs déments et une imagination débordante pour bâtir des récits et des situations qui transcendent leurs pitchs de départ. La machine Dupieux est si bien huilée qu’elle ronronne.  Et c’est précisément parce qu’on rit quand même beaucoup à ses films qu’on rêve qu’il passe enfin la deuxième.

De Quentin Dupieux. Avec Grégoire Ludig, David Marsais, Adèle Exarchopoulos... Durée : 1h17. Sortie le 19 mai 2021