Les Olympiades de Jacques Audiard
Neue Visionen Filmverleih- Memento

Celle qui campe une polyamoureuse dans le vibrant Les Olympiades raconte sa première expérience sous la direction du cinéaste.

Que représentait Jacques Audiard pour vous avant de tourner avec lui ?

Noémie Merlant : Il fait évidemment partie des plus grands cinéastes contemporains. Je l’avais découvert par Un prophète qui m’avait bouleversée. Et à chaque fois depuis, je suis complètement happée par ses personnages. Par ce qu’il fait faire à ses comédiens. Et par sa capacité à se réinventer. Quand je vais voir un Audiard, je suis comme une enfant qui sait qu’elle va avoir droit à une surprise tout en y retrouvant des choses que j’aime. Comme s’il allait chercher l’accident à chaque prise, à chaque scène. J’aime aussi sa capacité à raconter notre monde. Dheepan m’avait profondément marquée pour cette raison-là.

Est- ce que Les Olympiades marque une rupture dans son parcours selon vous ?

Non, je ne crois pas. C’est une nouvelle manière de se réinventer, comme il le fait à chaque film ou presque. Evidemment, j’ai été surprise en lisant le scénario des Olympiades. De le voir traiter des trentenaires d’aujourd’hui avec ce ton-là. Mais c’est finalement le contre-pied parfait par rapport aux Frères Sisters. Et pour une raison toute simple : ce qui intéresse Jacques, c’est ce qu’il ne connaît pas. Il a cette curiosité sur ce qui l’entoure.

C’est la première fois que vous tournez sous sa direction. Quelle est sa spécificité à vos yeux comme metteur en scène ?

Jacques fait en sorte que ses comédiens soient inclus dans le processus de création. Il a besoin de la matière vivante de l’acteur. Qu’on se lâche dans nos propositions, qu’on le surprenne. C’est un jeu de ping-pong hyper agréable pour nous. On est vraiment invités à jouer ensemble. Et par ricochet, on donne plus. Forcément, au début, on est un peu stressé d’être face à un cinéaste qu’on admire autant mais petit à petit cette peur s’envole. Notamment parce qu’il a eu cette belle idée d’organiser un filage, dans un théâtre, du film tout entier avec l’ensemble de ses comédiens. Un moment vraiment essentiel car en tant qu’acteur, au cinéma, on n’a jamais cette vision globale des choses. Ce filage m’a permis de sentir le film. Puis, sur le plateau, Jacques est comme un enfant. Il s’amuse au sens premier du terme. Avec une énergie de chaque instant. Son plateau est une cour de récréation. Et en même temps, il n’a jamais peur de montrer parfois qu’il doute. Et c’est rassurant. Ca nous met à l’aise. Ca nous donne à nous aussi le droit de douter. Il cherche aussi toujours à rassurer pour nous mettre dans les meilleures dispositions possibles. Il laisse proposer. Moi, par exemple, je demande souvent plus de prises. Parfois ça marche, parfois non. Et jamais Jacques n’a dit non par principe. Parce qu’il aime jouer, être surpris. Et laisser l’acteur aller plus loin permet évidemment de ne pas se freiner.

LES OLYMPIADES: AUDIARD SE REINVENTE DANS UN FILM GENERATIONNEL [CRITIQUE]

C’est la première fois qu’il se confronte aux scènes de sexe dans un de ses films. Comment les a-t-il créés avec vous ?

Jacques était hyper gêné, très respectueux. Moi, je ne suis pas pudique au niveau de mon corps. Dès le départ, il nous a expliqué qu’il nous laissait, nous ses comédiens, les prendre en charge. Et, par ce biais, il nous a permis d’être encore plus libre et donc d’aller encore plus loin. On va toujours plus loin sans contrainte.

Vous avait- il conseillé de regarder des films avant le tournage ?

Oui : Annie Hall pour la maladresse du personnage, son côté vivant afin que je garde toujours dans un coin de ma tête le fait que mon personnage est souvent perdue. La comédie était essentielle pour lui dans Les Olympiades. Il nous rappelait tout le temps qu’on devait s’amuser, se lâcher

Quel regard avez-vous sur le regard qu’il pose sur les trentenaires ?

Je ne sens pas Jacques déconnecté de ma génération. Je le trouve même plus jeune que moi sur bien des points ! (rires) En tout cas depuis que je fais du cinéma, je n’avais jamais eu l’occasion de jouer un personnage qui m’ait autant parlé et avec qui j’ai été aussi immédiatement connectée. L’énergie de Jacques est sans âge et irradie tout le plateau, chaque jour de tournage.