Philippe Nahon
Rezo Films

L’acteur révélé par Gaspar Noé était devenu un second rôle incontournable du cinéma français. Sa présence magnifique aura autant séduit Audiard, Kassovitz, que Spielberg. Hommage.

Jean-Pierre Melville (Le Doulos), René Allio (Les camisards), Jacques Doillon (Les Doigts dans la tête). L’entrée en matière est belle et vous pose d’emblée une carrière. Philippe Nahon s’en est allé ce week-end des suites d’une « longue maladie » comme dit la formule. Il semblerait que ce satané virus qui nous pourrit l’air ait accéléré les choses. Triste monde. Nahon avait 81 ans et près de 60 ans de service. Sa gueule percée de ses yeux pétillants où se décelaient la malice, l’inquiétude et la gentillesse, mais aussi sa voix caverneuse, il les a trimballés à l’écran et ailleurs (théâtre, télé…) sans se soucier des étiquettes et des territoires dans lesquels il entrait. La filmographie ressemble ainsi une fête joyeuse où les frères Féret, côtoient, Gaspar Noé, Jean-Marie Poiret, Jacques Audiard, Luc Besson, Benoît Delépine et Gustave Kervern, Steven Spielberg (Cheval de guerre) et Alain Corneau…

Le point de bascule a eu lieu en 1991. Philippe Nahon est « le boucher » dans Carne de Gaspar Noé. Un moyen-métrage âpre, malaisant et génial. L’acteur y découpe de la viande chevaline tout en reluquant bizarrement sa fille. La chose n’est donc pas très nette. Nahon y est parfait. Pour toutes celles et ceux qui ont découvert ce film et son prolongement, Seul contre tous, sept ans plus tard, il sera difficile d’oublier le visage du boucher. Un rôle qui vaudra à l’acteur l’une de ses seules distinctions : un Bayard d’Or au Festival du Film Francophone de Namur. La rencontre avec Noé (il sera également de l'aventure Irréversible) plonge alors Nahon dans le nouveau monde du cinéma français : Jacques Audiard (Un héros très discret), Karim Dridi (Pigalle), Guillaume Nicloux (Le poulpe), Christophe Gans (Le pacte des loups), Mathieu Kassovitz (La Haine, Les rivières pourpres).

Dans une lettre hommage à son "grand ami" publiée dans Libération, Gaspar Noé écrit: "On est restés soudés toutes ces années, tels deux frères ou un neveu et son oncle préféré. Browning avait rencontré son Lon Chaney, Scorsese son De Niro. Et moi, loin de ces géants, je t’avais quand même rencontré toi, et je n’aurais jamais pu souhaiter mieux. "

Philippe Nahon par Gaspar Noé

Il y avait chez Philippe Nahon, cette beauté (un charisme magnifique), cette simplicité et cette évidence du geste qui sculptent une présence et définissent une humeur. Pour autant, l’acteur n’occupait pas les premières loges. C’était le second rôle parfait, à l’ancienne a-t-on envie d’écrire sans une once d’ironie. « A l’ancienne », car Nahon, bien que les deux pieds dans la modernité et son époque, semblait faire jeu égal avec ses aînés : les Carette, Saturnin Fabre, Noël Roquevert, Dominique Zardi, Robert Dalban et les autres.

Nahon c’était aussi le petit écran :  Des mythiques Cinq Dernières Minutes à la série culte Kaamelott d’Alexandre Astier, Alain Kappauf et Jean-Yves Robin. Goustan de Carmélide dit Goustan le cruel, l’amoureux des champignons, c’était lui.

Adieu Philippe Nahon et merci pour tout.