François Truffaut et Steven Spielberg sur le tournage de Rencontre du troisième type
Hollywood Archive/Photoshot/ABACA

En 1976, Steven Spielberg tourne son quatrième long-métrage, Rencontres du troisième type, et demande à son cinéaste préféré, François Truffaut, de jouer dedans. Le français accepte…

Si François Truffaut avait su en acceptant de tourner dans Rencontres du troisième type de Steven Spielberg, "que ce serait aussi long", il n’aurait jamais accepté. Lui, habitué à un travail volontiers artisanal et intimiste, s'est retrouvé à bord d’une superproduction hollywoodienne (on ne dit pas encore blockbuster !) de 18 millions de dollars. Le contraste est saisissant. Nous sommes alors à la fin des seventies.

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Tout débute en Février 1976, par un coup de téléphone. François Truffaut est dans son bureau de la rue Marbeuf à Paris. Le montage de L’argent de poche avance bien et l’écriture de L’homme qui aimait les femmes, n’est pas très avancé. Truffaut raconte la suite dans un texte écrit huit ans après les faits : "Au bout du fil, Steven Spielberg. Il préparait un film sur les soucoupes volantes et il me destinait le rôle de Claude Lacombe, un savant français." Le cinéaste qui a déjà fait l’acteur mais seulement dans ses propres films (L’enfant sauvage et La nuit américaine) tente l'aventure. Par jeu. Par admiration surtout : "Duel est un 'premier film' modèle". Truffaut se dit que jouer ce Claude Lacombe ne demandera pas trop de travail.

Dans l’énorme hangar qui sert de plateau à cette superproduction située au fin fond de l’Alabama, Truffaut est d'abord impressionné par la sérénité d’un cinéaste d'à peine trente ans qui gère une centaine de personnes. "Tout cela était si lourd et si dur à remuer qu’il n’était guère possible de tourner plus de deux plans par jour." Truffaut observe, entre deux prises, entre deux sessions d’écriture sur sa machine à écrire. L’ancien critique, fan d’Hollywood, doit trouver amusant de se retrouver au milieu de ce capharnaüm américain où le moindre geste pèse des tonnes.

Si le tournage en Alabama s’achève tant bien que mal, Spielberg reviendra plusieurs fois à la charge et demandera à son "acteur" de se rendre en Inde pour y tourner d’autres séquences puis dans le désert Californien, pour la séquence d’ouverture, la fameuse tempête de sable qui faillit engloutir Truffaut. "Quand le gros soldat mexicain a fini de parler et qu’on distingue dans la tempête jaunâtre une silhouette affolée, vacillante, sur le point de perdre l’équilibre : c’était moi !"

Truffaut profitera également des temps morts du tournage pour observer le responsable des effets spéciaux, le magicien Douglas Trumbull, "filmer des nuages qui s’agitent dans le ciel…"


 

Quant à Spielberg, deux documents filmés d’époque témoignent de son admiration pour l’acteur Truffaut. "Il y a une grande part d’innocence et de pureté dans ses films, une sensibilité d’homme-enfant. Et Truffaut ressemble à ses films !" Spielberg et ses producteurs avaient d'abord envisagé engager de "vrais" acteurs comme Gérard Depardieu, Philippe Noiret, Lino Ventura ou encore Jean-Louis Trintignant. Et ce d'autant plus que l'anglais de François Truffaut n'était pas bon du tout.

En engageant Truffaut, Spielberg y voyait l'occasion de rendre hommage à celui qu'il a toujours considéré comme l'un des plus grands cinéastes. Face à des étudiants, l'américain, racontera ainsi la gentillesse, la disponibilité, l'humour et surtout la modestie de Truffaut. Truffaut, l'homme-enfant.

Le thème de l’enfance, c’est peut-être ce qui a en effet, le plus rapproché Spielberg et Truffaut, deux cinéastes qui dans des genres très différents, explorent les failles et la complexité d'un âge où l'innocence est souvent bafouée. D’un côté, l’homme des Quatre Cents Coups et de L’argent de poche, de l’autre, le futur réalisateur d’E.T l’extra-terrestre  et de L’empire du soleil. Et au milieu donc, Rencontres du troisième type.

Pour lire en intégralité le texte de François Truffaut sur son expérience avec Steven Spielberg, c’est ici.


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