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Grand admirateur de Seijun Suzuki, disparu le 13 février, Nicolas Saada lui rend hommage à travers trois films emblématiques.

On n’a appris la mort – à 93 ans- de Seijun Suzuki que neuf jours après qu’elle fut intervenue. Comme si ce cinéaste singulier avait voulu, jusqu’au bout, rester insaisissable. Grand admirateur du maître japonais, le réalisateur Nicolas Saada considère qu’on a perdu un artiste inestimable, une sorte d’outcast au style inimitable mais néanmoins copié. Pour le Français, "Suzuki a une place comparable à celle qu’a eu Samuel Fuller auprès des réalisateurs européens de la Nouvelle Vague : il a libéré le cinéma japonais, notamment sur la représentation de la violence et du sexe, et ouvert le chemin à Oshima et à Imamura. Ses films sont néanmoins de drôles d’objets, très déconstruits, très discontinus, très accidentés en somme, ce qui le place vraiment à part. C’est d’ailleurs l’un des rares dont on retient plus les plans et certaines séquences que les films eux-mêmes."
 

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LA JEUNESSE DE LA BÊTE (1963)

"C’est un pur film de vengeance, un film de yakuzas, très en vogue à l’époque. Suzuki essaie encore de coller le plus possible au script tout en assumant la dimension factice que représente le tournage en studio. Par moments, ça ressemble à du Fellini de ce point de vue-là. Le film est bien sûr émaillé d’idées fulgurantes comme dans cette séquence de boîte de nuit où l’on n’entend pas le son car elle est filmée du point de vue des patrons du lieu qui regardent le numéro musical à travers une paroi en verre insonorisée."

 

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HISTOIRE D’UNE PROSTITUÉE (1965)

"C’est une œuvre intéressante car elle sort du cadre du film policier tourné de façon industrielle au sein du studio Nikkatsu. Suzuki y évoque un Japon en guerre dans lequel un déserteur rencontre une prostituée. C’est un magnifique portrait de femme avec des séquences d’un grand lyrisme."

 

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LA MARQUE DU TUEUR (1967)

"Le film kamikaze de Suzuki, celui qui décide la Nikkatsu à le mettre à la porte. Il ne respecte plus aucune règle, explose le récit, joue avec des transitions visuelles extrêmement paradoxales. Tout est cool : la musique, le sujet, le traitement, le travail sur le cadre et la lumière. C’est sans doute de ses films celui qui a le plus influencé la Nouvelle Vague japonaise mais aussi américaine et anglaise. C’est une oeuvre de grand dingue."