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Décidément, le Musée du Grand Palais voit large et loin en ouvrant généreusement ses portes à des disciplines autres que les arts plastiques, notamment le spectacle vivant. Tandis que la pièce d’Ibsen, Peer Gynt, mise en scène par Eric Ruf, se joue actuellement avec la troupe de la Comédie-Française dans le salon d’honneur, l’exposition Monumenta bat son plein sous la Nef du Grand Palais et accueille en parallèle une programmation de « soirées » destinées à faire dialoguer l’œuvre in situ de Daniel Buren avec des propositions « vivantes », performatives ou musicales. Entre autres, se produit l’ensemble Itinéraire pour un concert composé de polyphonies pygmées, de pièces de musique « spectrale » ou encore d’une partition du compositeur hongrois Ligeti. La danseuse Julie Nioche y présentera un solo en apesanteur tandis que l’écrivain Pierre Guyotat lira le De Rerum Natura de Lucrèce en latin s’il vous plaît. Autre titre en latin pour une performance sans parole, Libido Sciendi, performance dansée signée Pascal Rambert, trouve sa place sous les cercles concentriques / excentriques de l’artiste, dans la lumière du jour finissant du début du mois de juin.Si Pascal Rambert est essentiellement considéré comme un metteur en scène de théâtre en plus de son statut actuel de directeur du théâtre2gennevilliers, son attrait pour la danse parcourt ses créations théâtrales et le voit de plus en plus se tourner vers une création spécifiquement chorégraphique. En la matière, il y a eu la reprise de De mes propres mains, recréé en solo parlé/dansé pour la comédienne Kate Moran et présenté à la Ménagerie de Verre. Toujours à la Ménagerie de Verre, dans le cadre du Festival des Inaccoutumés 2006, c’est cette fois sous la direction du chorégraphe Rachid Ouramdane que Pascal Rambert a investi seul le plateau de sa présence pour « faire paysage ». La pièce s’intitulait Un Garçon debout et le metteur en scène s’expérimentait lui-même comme corps dansant. La saison dernière, il récidivait du côté chorégraphique en créant Knockin’ on heaven’s door pour la danseuse Tamara Bacci ou « l’accouplement d’une danseuse et d’une guitare » sur différentes versions de la chanson de Bob Dylan. C’est à un autre accouplement qu’il nous convie dans le spectaculaire décor de l’exposition Monumenta. A nu. Dans la vérité à la fois douce et crue de la lumière naturelle. Libido Sciendi, pièce créée dans le cadre du Festival Montpellier Danse 2008 est ici repris avec un changement d’interprètes. Duo sculptural. Acte sexuel au scalpel, à la loupe. Observation clinique et chorégraphique. Economie scénographique. Risque maximal. Beauté brute. Libido Sciendi est une performance saisissante qui dit beaucoup de notre rapport à l'autre sans un mot. Un corps à corps qui place l’érotisme du côté des sons (celui des baisers, du choc des corps entre eux, de la respiration) plus que du côté de la perception visuelle. Une expérience intense des sens pour le spectateur dans une intimité qui jamais ne le transforme en voyeur. A vivre à partir de 18 ans de préférence.Ainsi la boucle est bouclée. Daniel Buren est venu créer in situ un parcours fléché et rayé dans l'espace publique de Gennevilliers, toutes les flèches menant au Théâtre, cœur actif et ardent de la cité. C'était à l'initiative de Pascal Rambert. Au tour du metteur en scène de venir s'exposer à sa manière dans le décor hautement spectaculaire et coloré du plasticien. Dialogue cohérent et pertinent. Vases communicants.Tout simplement lumineux.Par Marie Plantin.Libido Sciendi de Pascal Rambert : les 7, 8 et 9 Juin à 21h15 sous la Nef du Grand Palais.