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Ce qu’il faut voir ou pas en salles cette semaine.

PREMIÈRE A AIMÉ

TU NE TUERAS POINT ★★★★☆
De Mel Gibson

L’essentiel
Un très grand film de guerre, qui synthétise parfaitement les deux forces qui animent le cinéma de Mel Gibson : l'illumination et la violence.

Tranché en deux. Comme l'une des visions violentes dont la filmo de Mel Gibson est remplie, son dernier film est coupé en deux parties nettes comme par un coup de machette. D'abord, l'histoire d'un jeune homme engagé dans l'armée en 1942 mais qui refuse de porter les armes à cause de sa religion -il est adventiste. Ensuite, son plongeon dans l'enfer de la bataille d'Okinawa. D'abord le mélo militaire. Ensuite le film de guerre. D'abord les lumières de l'Amérique puis les ténèbres de la bataille. La coupure, brutale, illustre à merveille le propos d'un film foncièrement religieux : la confrontation entre l'idée et la réalité, entre le désir d'illumination et la violence que le monde nous envoie dans la gueule.
Sylvestre Picard

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DERNIÈRES NOUVELLES DU COSMOS ★★★★☆
De Julie Bertuccelli

La forme de ce documentaire tourné avec une caméra HD familiale n’est pas sa force. Pour Julie Bertuccelli, il s’agit avant tout de capter au quotidien et au plus près l’extraordinaire énergie qui habite Hélène, poétesse autiste et vrai personnage de cinéma. Émotive, hyperexpressive, féminine, cette jeune trentenaire a la particularité de ne pouvoir s’exprimer qu’à travers l’utilisation de lettres découpées qu’elle agence, façon Scrabble. Avec l’aide de sa mère, admirable de dévouement et d’intelligence, elle est ainsi parvenue à bâtir une œuvre singulière, entre prose, théâtre et mathématiques, qui a inspiré un spectacle dont on suit la genèse en parallèle. Devant cette personnalité explosive, en conflit permanent avec une intériorité très forte qu’elle n’arrive pas à exprimer par les mots, le spectateur est placé à la fois dans une position de voyeur et dans celle de témoin d’un miracle permanent. Troublant et fascinant.
Christophe Narbonne

MAMAN A TORT ★★★★☆
De Marc Fitoussi

En quelques films (Copacabana, Pauline détective, La Ritournelle), Marc Fitoussi a imposé son ton, situé quelque part entre Pierre Salvadori et Bruno Podalydès, entre la musique de chambre et la fanfare. Dans Maman a tort, il évoque une relation mère-fille à travers le prisme original du monde de l’entreprise. Soit Anouk, 14 ans, amenée à faire un stage au sein de la compagnie d’assurances où travaille Cyrielle, self-made-woman qui s’est construite à partir de rien. Très proches l’une de l’autre, la fille et la mère vont voir leur complicité éprouvée par la réalité du travail cynique de Cyrielle, qui consiste pour l’essentiel à rembourser le moins possible ses clients. Qu’arrive-t-on lorsque l’image idéale qu’on se fait de ses parents est sérieusement écornée par des faits dont la gravité est avérée ? Comment se projeter dans la vie avec des valeurs et des principes inculqués par ceux qui nous mentent les yeux dans les yeux ? C’est la problématique soulevée avec une intelligence rare par Marc Fitoussi (dont le sens du rythme et de l’équilibre entre impertinence et sérieux s’affirme à chaque film), qui se garde bien de juger définitivement ses personnages et qui ne range pas tous les adultes dans le même panier -de crabes- au prétexte que tout le monde a ses raisons, si moches soient-elles. Aux côtés d’Emilie Dequenne, magnifique mère indigne et courage à la fois, Jeanne Jestin compose la meilleure jeune héroïne vue sur les écrans récemment : sensible, dure, fermée et idéaliste.
Christophe Narbonne

LA SOCIALE ★★★★☆
De Gilles Perret

C’est l’histoire d’une réhabilitation : celle d’Ambroise Croizat, ce type qui a donné son nom à plein d’écoles sans qu’on trop sache qui il est. Gilles Perret, cinéaste engagé à qui l’on doit Les Jours heureux, épatant documentaire sur la rédaction du programme du Conseil national de la Résistance, se charge de nous le rappeler. À l’aide de témoignages, tous plus précieux les uns que les autres, il livre le portrait d’un homme de combat qui fut à l’origine de la mise en place de la Sécurité Sociale, en 1946. A travers lui, c’est toute une époque, celle de l’immédiat après-guerre et de la toute-puissance du Parti Communiste, que La Sociale raconte, rappelant au passage le rôle de la CGT dans l’émancipation du monde ouvrier. À l’heure où les acquis sociaux vacillent, il est important de réviser cette histoire française à l’aune de laquelle se sont forgés des convictions et l’espoir d’un monde meilleur.
Christophe Narbonne

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PREMIÈRE A PLUTÔT AIMÉ

LE CLIENT ★★★☆☆
D’Asghar Farhadi

La première séquence du Client est édifiante : on y voit un couple quitter précipitamment son immeuble en train de s’écrouler sous l’effet d’on se sait pas trop quoi (séisme ? travaux ?). Partant de là, Farhadi file la métaphore du délitement amoureux qu’un événement dramatique (une agression sexuelle qui ne dit pas son nom et qu’on ne verra pas ; comme toujours chez Farhadi, l’intrigue se construit autour d’un climax hors-champ) va mettre en lumière. Le choix de faire des deux protagonistes des acteurs en train de jouer Mort d’un commis voyageur -une tragédie de l’échec- achève d’établir les enjeux dramatiques avec un peu trop d’évidence. Asghari Farhadi n’est cependant pas le premier venu. Le réalisateur d’Une Séparation et du Passé a l’art de créer le chaos dans des espaces fermés et des ambiances feutrées. La montée en puissance du drame est savamment orchestrée et passe par une interprétation intéressante du sentiment de vengeance. Obsédé par l’honneur de sa femme, le héros va ainsi s’approprier le malheur de celle-ci et vouloir, malgré les réticences affichées de la jeune femme, faire payer le coupable. C’est assez touchant et en même temps, une fois n’est pas coutume, un peu prévisible. L’intrigue manque de ces points de suspension qui faisaient le prix d’Une Séparation, comme en témoigne le dernier plan qui n’atteint pas l’effet de sidération escompté.
Christophe Narbonne

GRAINE DE CHAMPION ★★★☆☆
De Viktor Kossakovsky

Une collection de trois courts-métrages documentaires sur de jeunes sportifs âgés d’une douzaine d’années : Ruben, qui pratique l’escrime au Danemark, Nastya, danseuse en Russie, et Chikara, sumotori au Japon. Trois gosses attachants. Mis bout à bout, ces petits portraits au style léger et aérien dessinent une sorte de chronique universelle sur le goût de l’effort, de la compétition et du dépassement de soi. Les jeunes spectateurs (à qui ce film s’adresse en priorité) y trouveront sans doute un écho à leurs propres préoccupations, et découvriront que la joie, la colère, la fatigue ou la tristesse s’expriment souvent de la même façon aux quatre coins du monde.
Frédéric Foubert

LA GRANDE COURSE AU FROMAGE ★★★☆☆
De Rasmus A. Sivertsen

Cette suite des aventures du hérisson peureux Ludvig, du canard téméraire Solan et de leur maître Feodor, découverts dans De la neige pour Noël (carton en Norvège), est assez rondement menée : on y suit nos trois héros au cours d’une course contre le village voisin dont l’enjeu a été négocié en secret par Solan, qui a mis en balance la maison et les inventions de son maître. Moins fou-fou et décalé que les aventures de Wallace et Gromit (auxquelles l’animation image par image et le profil de personnages font penser), ce film norvégien s’adresse aux tout-petits qui y apprendront les vertus de la persévérance et de la générosité.
Christophe Narbonne

BRULE LA MER ★★★☆☆
De Nathalie Nambot et Maki Berkache

Si l'on était paresseux, on dirait que formellement Brûle la mer utilise un "procédé exigeant" : format carré, pellicule épaisse, énormes plans-séquences sur des paysages plus ou moins vides avec le récit du drame des migrants tunisiens en voix off. C'est ça, "brûler la mer" (c'est aussi le flow d'un rappeur dans le film) : faire de la poésie radicale plutôt que du documentaire en abolissant (brûlant) le lieu de la mer (source de poésie, tout ça est compliqué). Âpre et brut, quasi arty et situationniste, Brûler la mer assume sa subjectivité de tract rageur (le film ne dure qu'1h15) qu'on aurait plutôt vu projeté au sein d'une installation artistique. Mais il y a au moins ce plan sublime à la fin, où le jeune protagoniste retourne au bled et se fait câliner très simplement par ses parents, et qui fait venir les larmes aux yeux. Pas de quoi brûler la mer, mais c'est suffisant.
Sylvestre Picard

 

PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ

CREATIVE CONTROL ★★☆☆☆
De Benjamin Dickinson

Imaginez le Manhattan de Woody Allen version high-tech, avec une touche de satire à la Bret Easton Ellis sur le milieu cocaïné des "créatifs". Vous obtenez le premier film à moitié réussi de Benjamin Dickinson, qui s’est donné le rôle principal : celui d’un homme s’éprenant de la maîtresse de son meilleur ami qu’il observe avec des lunettes de réalité augmentée. Le film séduit d’abord par sa verve ironique, déployée dans un écrin léché (alternance du noir et blanc/couleur, miroitements). Dommage qu’il s’enferme ensuite, à coup de musique pompeusement kubrickienne, dans une réflexion plus convenue sur le péril du virtuel, forcément source de solitude, de misère sexuelle et d’incommunicabilité.
Eric Vernay

INFERNO ★★☆☆☆
De Ron Howard

Alors que Da Vinci Code était un nanar en carton même pas sauvé par une partition sublime de Hans Zimmer, Anges et Démons, sa suite, était un honnête thriller vaticanesque aussi invraisemblable qu'agréable avec conspirations, énigmes et une autre musique dingue de Zimmer. Le troisième de la saga, Inferno, commence assez fort : assailli de visions de l'Enfer de Dante, le super-prof de "symbiologie" Robert Langdon (Hanks en mode pépère) doit décrypter des énigmes à Florence pour empêcher un virus de tuer la moitié de l'humanité. Mais passée une scène de délire où Tom Hanks marche dans une Florence infernale où se traînent des damnés, le film s'empâte dans une intrigue aussi invraisemblable que ses personnages (Omar Sy super-agent de l'Organisation mondiale de la santé qui possède une unité d'élite à la SWAT, vraiment ? Irrfan Khan en PDG costume trois-pièces d'une multinationale avec des tueurs à gages comme pour remplacer ses dinos de Jurassic World ?), ses twists (le grand méchant se suicide dans la scène d'ouverture ?!?) et ses prémisses (tuer l'humanité pour la sauver ?). Inferno réussit même à vider de leurs sens les œuvres d'art (Botticelli, Vasari, Dante évidemment) dont il prétend s'inspirer, réduites à de simples réceptacles à indices. Dans Anges et démons, Ron Howard réussissait à s'affranchir du matériau poussif de Dan Brown pour faire du rythme, de la tachycardie, du mouvement, bref du cinéma. Ici, plombé par le script balourd de David Koepp, Howard est même incapable de hisser le trop long Inferno au niveau d'un divertissement excitant, bien loin de ses deux précédentes baffes, Rush et Au cœur de l'océan. Tout au long du film, on sent bien que le cœur n'y est pas : même maître Zimmer, au pupitre, n'est pas tellement en forme.
Sylvestre Picard

 

PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ

LES BEAUX JOURS D’ARANJUEZ ★☆☆☆☆
De Wim Wenders

De sublimes images de Paris en 3D sur la non moins sublime mélopée de Lou Reed, "A Perfect day". L’errance, la ballade folk. Tout Wenders est là, en quelques plans qui introduisent un peu faussement le film dont l’action se concentre sous une pergola, où deux personnages vont deviser longuement de la vie, de l’amour, du sexe. Tiré de l’œuvre de Peter Handke, Les beaux jours d’Aranjuez illustre encore une fois la conviction de Wenders selon laquelle la 3D n’est pas qu’un gadget spectaculaire mais une façon comme une autre de filmer n’importe quel type de proposition cinématographique. La douceur des mouvements de caméra et la séduction de la profondeur de champ ne suffisent cependant pas à masquer le manque de souffle de ce dialogue interminable entre Reda Kateb et Sophie Semin, cloués sur leurs chaises pendant 1h30. Le fond et la forme ne se rejoignent finalement jamais, le théâtre et le cinéma restant bien sagement à leur place.
Christophe Narbonne

L’HISTOIRE DE L’AMOUR ★☆☆☆☆
De Radu Mihaileanu

En remontant la trace d’un manuscrit sud-américain, une jeune Américaine va croiser sa propre expérience de l’amour avec celle de l’auteur du roman dont le propre itinéraire est raconté en parallèle. D’ordinaire, on aime Radu Mihaileanu, son engagement, son sens du romanesque, sa foi dans l’homme, son baroque échevelé qui en font l’équivalent franco-roumain d’Emir Kusturica. La trop folle ambition de son nouveau film, incarné par le caractère définitif du titre, a cette fois raison de notre bienveillance. Inutilement complexe, mélangeant le présent et différents niveaux de passé ainsi que deux intrigues parallèles arbitrairement reliées, L’histoire de l’amour est un mélo assez indigeste qui rappelle le cinéma de Claude Lelouch dans ses pires moments. Malgré la présence en leurs rangs des honorables Derek Jacobi et Elliot Gould, les acteurs sauvent à peine les meubles : ils sont tous en surrégime, à l’exception notable de Gemma Arterton, incarnation parfaite de l’idéal romantique.
Christophe Narbonne

L’INVITATION ★☆☆☆☆
De Michaël Cohen

Acteur discret, vu chez Thierry Klifa et Emmanuel Mouret, Michaël Cohen avait fait parler de lui il y a six ans en réalisant Ça commence par la fin, premier film autofictif dans lequel il racontait crûment sa relation amoureuse conflictuelle avec Emmanuelle Béart. On ne sait pas si L’Invitation s’inspire à nouveau de sa vie, toujours est-il qu’il y raconte, sur un même mode cruel, l’amitié masculine avec tout ce qu’elle comporte d’orgueil mal placé, de comparaisons viriles et de franc-parler brutal qui fait aussi mal qu’un coup de poing dans la gueule. L’idée de départ est amusante : on y voit Léo (Nicolas Bedos, étonnamment mesuré et juste) demander l’aide de ses potes en pleine nuit -en fait une ruse pour tester leur amitié. Raphaël (Michaël Cohen) le prend mal, très mal. Trop mal : l’acteur-réalisateur ne sait pas trop quoi faire de cette bonne idée de court métrage qu’il étire exagérément -le film peine d’ailleurs à atteindre l’heure et quart. Au lieu de recentrer l’intrigue sur son personnage, particulièrement antipathique, il aurait dû développer les rôles secondaires qui ne parviennent pas à exister tant ils sont sevrés de scènes. Ils auraient pu apporter cette perspective qui manque cruellement au film.
Christophe Narbonne

2 NUITS JUSQU’AU MATIN ★☆☆☆☆
De Miko Kuparinen

Ce Lost in Translation qui rencontre Le Temps de l’aventure met en scène une architecte française qui vit une brève relation avec un DJ finlandais avec, pour cadre, un grand hôtel lituanien. Aux épais clichés sur l’ultramoderne solitude (les conversations par Skype, la star des platines désireuse "d’ordinaire"…) s’ajoute une systématisation qui tombe dans toutes les trappes tendues par un scénario prétendant pourtant les éviter.  La délicate Marie-Josée Croze est impuissante.
Christophe Narbonne

 

Et aussi

Ma famille t’adore déjà de Jérôme Commandeur
Les oiseaux de passage d’Olivier Ringer
Sadoum de Christophe Karabache
Mon père en grand de Mathias Renou
Befikre d’Aditya Chopra

 

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Rivière sans retour d’Otto Preminger
Laura d’Otto Preminger
Boulevard du Crépuscule de Billy Wilder
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