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A l'affiche de Saint Amour, nouveau film du duo Gustave Kervern - Benoît Delépine, Vincent Lacoste joue Mike, le chauffeur de taxi qui conduit Jean (Gérard Depardieu) et Bruno (Benoît Poelvoorde) tout au long de ce road trip comique et aviné. Et le tournage fut à la hauteur du sujet.

Qu'est-ce qui t'a attiré dans ce projet ?
J'en avais entendu parler dans la presse, je savais qu'ils allaient faire un film sur la route des vins, tourné en partie au salon de l'agriculture, je trouvais ça assez cool (rires). J'avais envie de voir le film avant de le faire. Quand ils m'ont proposé le rôle du taxi j'étais vraiment content, je trouvais ça marrant de partir sur la route des vins avec Poelvoorde et Depardieu.

Niveau alcool, vous avez été pro jusqu'au bout ou la tentation était trop forte ?
(rires) Bon, c'était la route des vins... Le truc c'est qu'à chaque fois qu'on arrivait dans une nouvelle ville, c'était un peu comme le Tour de France : des gens nous offraient plein de trucs, des bouteilles, des produits régionaux... Après moi je devais conduire et je voulais pas crasher les 2 acteurs les plus connus de France. Mais je voulais pas cracher dans la soupe non plus. On est partis avec des caisses de vins...

C'était une sorte de challenge pour toi de partager l'écran avec Depardieu et Poelvoorde ?
C'était assez flippant à la base. Bon, j'avais déjà tourné avec Depardieu donc j'étais moins effrayé. Mais je me disais "putain j'espère que je vais pas me faire victimiser". Au final ils ont été vraiment très sympas. En plus d'être drôles, s'ils sentaient qu'au début c'était pas évident, ils s'arrangeaient pour me mettre à l'aise. Du coup on était à la cool assez rapidement... "On était à la cool", le cliché... Mais vraiment, le tournage permettait ça. Kervern et Delépine réécrivent constamment, ils font assez peu de prises, en général, une séquence = un plan, on tourne beaucoup en une journée, il y avait des papiers partout dans la voiture, eux étaient dans une autre, on ne les entendait pas, du coup on jouait les scènes qui étaient marquées sur les feuilles, parfois on ne savait plus ce qu'on faisait. Il y avait aussi des talkies pour les instructions, genre "maintenant dormez" ou "là vous vous réveillez, vous voyez Vénus et essayez de la séduire par le regard". C'était vraiment chouette comme tournage.

Du coup tu as dû être surpris en découvrant le film monté ?
Ouais ! A la fin je me demandais vraiment comment allait être le film. Ca a duré juste un mois mais tellement intense, avec parfois des impros. Parce que des fois il y avait des trucs complètement cinglés avec des gens que Kervern et Delépine rencontraient, comme le fameux Jean-Louis qui dit qu'il est prophète. Du coup ils l'ont mis dans le film. Il y a eu plein de trucs du genre. Des fois on ne savait pas trop qui allait faire tel personnage pour la scène du lendemain, et ils proposaient à des gens comme ça. C'était sympa, tu rencontres plein de nouvelles têtes, sur la route comme le tournage.

L'impro est importante, donc ?
On se libère des dialogues mais finalement dans le montage final, il n'y a pas tant d'improvisation pure que ça. Vu qu'ils changent tout le temps, on s'adapte mais ça reste fidèle au script. Parfois j'arrivais le matin, ils avaient changé tout mon texte, et je devais raconter un nouvel énorme mytho pendant 3 heures, donc j'apprenais vite fait mais je changeais des mots, etc.

Le regard que porte le film sur l'alcool est finalement plus sombre que ce que l'on pourrait croire...
Bien sûr. L'alcoolisme c'est triste, c'est pas joyeux. C'est ça qu'ils ont voulu raconter en fait, c'est l'histoire d'un vrai alcoolique. C'est pas drôle du tout. Je trouve que les 10 stades de l'alcool que décrit le personnage de Benoît, c'est assez réaliste. Toute personne qui fait la teuf peut se reconnaître là-dedans. Ils savent de quoi ils parlent, en même temps. Finalement le point commun des trois héros c'est la solitude, et ça traverse les âges.

Entre Hippocrate et Saint Amour, il y a un côté dramatique qui se développe plus qu'avant chez toi, ce sont des choix conscients de ta part ?
Pas vraiment. J'essaie de faire des trucs différents mais surtout de bosser avec des gens qui m'intéressent. Si on me proposait un énorme truc de comédie hyper-bien, je foncerai. J'ai pas forcément envie d'aller dans un truc dramatique un peu poussif. Je ne veux être ni un acteur dramatique ni un acteur comique. Après c'est vrai que la nuance est intéressante : une comédie qui n'est pas que drôle, un drame qui n'est pas que du drame, c'est mieux. Sincèrement j'aime beaucoup la comédie, j'en suis très content. Comme tout le monde j'aimerais faire de tout. Mais je considère pas qu'il y a plus de vertu dans le drame ou dans la comédie. Il y a des génies partout. Chaplin, Sellers. Il y a de la poésie. C'est pas un sous-genre et un registre n'est pas plus honorable qu'un autre. Poelvoorde par exemple, c'est un mec vraiment touchant, il a des films où il peut me faire pleurer.

Sans spoiler, une des scènes de fin est effectivement assez touchante pour son personnage.
Mais oui ! Il est très émouvant. Depardieu a ça aussi. Perso, ma chance c'est qu'en démarrant vraiment avec Les Beaux gosses, je partais avec un auteur (Riad Sattouf) qui avait une vision un peu plus complexe qu'une simple comédie. Après, des gens peuvent être cantonnés à un truc mais ce n'est pas forcément leur faute, c'est juste qu'on ne leur propose pas autre chose. Avant de faire du cinéma, j'aimais le cinéma. Donc j'essaie juste de faire des films que j'aimerais voir et rencontrer des gens avec des visions différentes. C'est mon seul critère finalement. Passer de Hippocrate à Saint Amour, c'est assez délirant.

J'imagine que c'était amusant de jouer Mike et son côté archétype du mytho.
C'était vraiment marrant de jouer un énorme mythomane comme ça. A la base j'avais un peu peur de prendre ma place face aux deux autres, mais finalement le fait de raconter connerie sur connerie, ça te fait rentrer très vite dans le truc. Et c'est tout con mais même le truc de conduire tout le temps, ça apporte une certaine virilité factice. Mike essaie d'en avoir comme ça. C'est le plus gros mytho que j'ai jamais joué finalement.

La façon de tourner de Kervern et Delépine, tu as l'impression que ça t'a apporté ?
Carrément. Maintenant je peux être concentré dans n'importe quelle situation. Ils sont pas du genre à intellectualiser les trucs. Ça va vite, ça peut être un peu déstabilisant, mais ça m'a appris à pas me poser de question et à faire confiance, suivre des mecs jusqu'au bout. Par contre c'est un mois intense, épuisant. C'était quand même fou. A un moment ils se sont demandés s'ils n'allaient pas changé toute la fin du film, c'était spécial. Mais j'y croyais, pas de souci. Il y a juste eu un moment... En gros la fille se barre en cheval, et ils se demandaient comment les héros allaient la retrouver. Et ils ont imaginé qu'on pourrait la suivre en remontant les crottins que le cheval laissait sur son passage. Ce qui veut dire qu'on a passé une après-midi avec Gérard qui disait "oh, un crottin", moi pareil, Benoît pareil.

Une sorte de Petit Poucet du crottin ?
Exactement. "Ca doit être par là", etc. Et à la fin on tombait sur elle genre "ouais, on t'a retrouvée". Donc là, à un moment donné, je leur ai dit que peut-être, on devrait faire ce qu'ils avaient écrit dans le scénario au départ, c'était un peu trop n'importe quoi. Mais c'était assez marrant, faut le dire. Toute une aprèm à suivre un crottin, imaginaire en plus, parce qu'évidemment il n'y en avait pas. C'était absurde. En plus les héros ne la voient pas partir en cheval, du coup ça n'a aucun sens ! Et faire semblant de regarder par terre et de trouver les traces, crottins après crottins... On était en bagnole, Gérard voulait la fenêtre ouverte parce qu'il avait chaud, du coup les gens le reconnaissaient et criaient "ouais Gégé t'es un vrai badass toi !", lui les saluaient aussi, "merci, mon vieux". C'était un sacré souvenir.

Bande-annonce de Saint Amour :