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Que faut-il retenir de la série événement qui a démarré dimanche sur HBO et sera diffusée dès ce lundi sur OCS ?

Mondwest, le film de Michael Crichton, était une fable SF dans laquelle deux amis s’immergeaient dans la partie Far West d’un gigantesque parc d'attractions futuriste où les humains avaient tous les droits : aimer, se battre et même tuer. Car les touristes intégraient ce lieu pour affronter des robots ultra-sophistiqués « incarnant » des rôles précis et minutés. Comme le Tueur noir (Yul Brynner), qui faisait la joie des invités. Mais un grain de sable détraquait cette splendide machinerie et déclenchait la révolte des machines.

Refaire Mondwest ? En série télé ? Le pari de Jonathan Nolan (le frère de) et de HBO était sacrément risqué. OVNI rétro-futuriste, le film semblait inadaptable. A la fois parce qu’il était le pur produite d’une époque (donc un peu kitsch et vintage) mais aussi parce qu’il avait influencé des dizaines de chef-d’œuvres (de Terminator à Total Recall). Trop matriciel.

On a vu le pilote et le résultat - intrigant et incroyablement léché – est une réussite. Une fiction post­moderne doublée d’une critique tordue de la société du spectacle où l’on passe du parc à un centre futuriste (designé façon Apple Store) où sont conçus les attractions et les robots. On parle d’un nouveau Game of Throne, d’un Deadwood futuriste, de la renaissance d’HBO. Mais quoiqu’il en soit, en soixante minutes, Westworld réussit à valider l’incoryable buzz qui entoure sa diffusion. On reviendra sur cet épisode inaugural, mais déjà, à chaud, voilà cinq choses qui laissent penser que l’on est face à une série événement.

Westworld : la série va prendre le contre-pied du film

Ed Harris, formidable Man in black

Comment remplacer Yul Brynner ? Comment être aussi cool et létal que le mystérieux Gunslinger vêtu de noir ? C’était l'alpha et l'oméga du film original. Le tueur. La machine. Le cowboy métallique venu accomplir son destin. Véritable ancêtre du Terminator (il courait à travers le dernier acte de Mondwest comme Schwarzy dans T2) Brynner était une force de destruction iconique, un bloc de vengeance motivé par une mission énigmatique. Ici, c’est Ed Harris qui porte le costume noir. Sauvagerie placide, gueule grêlée, mutisme ricanant. Parfait. Il donne à son personnage un peu plus de relief que Brynner dans le Crichton et sa manière de tenir un flingue est littéralement flippante. Par son jeu dandy, il transforme surtout l’homme en noir en personnage shakespearien, totalement conscient des codes de la pièce qu’il joue, mais fermement décidé à les exploser. Et puis, il a les meilleurs dialogues ; ceux qui claquent, comme ce « Tu sais pourquoi c’est encore mieux que le monde réel ? Parce que le monde réel c’est juste du chaos. C’est un accident. Ici, tous les détails convergent vers quelque chose… ».

Robots pour être vrais

C’est clair dès le (très beau) générique : si la série risque d’être dominée par la perf de Ed Harris, le véritable enjeu, ce sont les robots, les habitants du parc. Le film était centré sur deux invités et le Gunslinger. Westworld va visiblement recentrer son discours sur les machines qui deviennent le cœur du dispositif. C’est autour d’elles (et particulièrement d’Evan Rachel Wood) que se jouent les questions qui fâchent et qui obsèdent Jonathan Nolan depuis Memento : l’abus de pouvoir, la perte de contrôle, les différents états de conscience, le monde hyperconnecté et la morale (ou plutôt son absence). Les robots apparaissent surtout comme les pièces d’un espace onirique collectivisé et deviennent progressivement le miroir des humains. Il fallait du coup un casting capable de jouer cela. Evan Rachel Wood est déchirante (dans le rôle de l’androïde qui oublie chaque jour ce qu’il s’est passé la veille), mais Thandie Newton transcende le rôle de Maeve, tenancière de bordel – la manière dont elle répète certaines phrases avec les variations qui illustrent les changements apportés à son logiciel est impressionnante. Quant à James Marsden (en cowboy amoureux), disons qu’il n’a jamais été aussi intense depuis… X-Men.

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Des décors impressionnants

Westworld ne perd pas de temps pour donner la mesure de son ambition visuelle. Au contraire de Mondwest qui, d’un point de vue graphique, a sacrément vieilli, le design de la série est ahurissant. Un plan aérien d’un canyon (sublime vue de l’Utah) ou un travelling dans la rue principale du parc indiquent très vite l’ampleur du show. Colossale. Conçus par Nathan Crowley, qui a désigné les films des frères Nolan (dont la trilogie Dark Knight), les décors westerniens sont effectivement soufflants. On sait que la production a été longue et compliquée, mais on comprend pourquoi quand, collé aux basques de Teddy Flood (James Mardsen), on arpente la ville. Tout est là : les dizaines de prostituées en corsets et dentelles qui attendent dans le bordel ; la rue noyée de cowboys, de chevaux et de touristes, le hold-up en préparation…. Il y a plus de santiags, de colts, de canassons et de stetsons poussiéreux dans les 3 premières minutes du show que dans 20 saisons de Au nom de la loi ! Mais ce n’est pas que du show. Nolan (qui réalise le premier épisode) sait utiliser son décor dantesque. La mise en scène joue sur les répétitions ou le déjà-vu pour transformer le décor en « page blanche ». A force de re-« vivre » la même entrée, de pénétrer dans la ville de la même manière, avec les mêmes personnages, les lieux du parc deviennent très vite anonymes ; ce sont des endroits où l’on peut choisir d’être qui l’on veut et où le passé n’a plus ni prise ni importance. C’était le concept de Deadwood, mais poussé ici à un niveau beaucoup plus théorique.

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La musique ? Way out West

Pour le film de Crichton, le compositeur Fred Karlin signait une partition à moitié expérimentale qui flirtait avec la musique concrète et le jazz (ah… ces accords de guitare mêlant soul et country pour le thème du parc). C’est Ramin Djawadi (déjà à la baguette sur Game of Thrones) qui a été chargé d’habiller la série d’HBO. Ses mélodies sont des merveilles symphoniques rutilantes (on pense beaucoup à Poledouris) où perce pourtant la mélancolie. Le son cristallin, la puissance mélodique et cette façon étrange, presque surréaliste, de produire des versions instrumentales de grands tubes pop (la version de “Paint it Black” des Stones ou le “Black Hole Sun” de Soundgarden) créent une nappe sonore qui rend fou. Regardez bien la scène de bagarre dans le pilote où le découpage de l’action épouse à la note près la musique de Djawadi.

Un plan : la scène du Parc

Mondwest racontait l’histoire de deux humains qui viennent prendre un peu de plaisir Dans l'original il y avait cette scène incroyable où Richard Benjamin et James Brolin se plantaient face à des vestiaires et laissaient leurs fringues 70’s pour passer des chemises et des jeans de cowboy. Une scène insignifiante qui durait 30 secondes mais en disait long sur la transition entre le réel et le faux. Dans le pilote du remake, c’est un plan inouï, à la puissance graphique frappante, une demi-seconde où tout se joue - les échelles, la valeur, les lieux. Un mouvement de caméra permet d’un coup de sortir du parc et nous emmène à travers un long dézoom sur la terrasse du centre où sont contrôlés, fabriqués et réparés les robots. Le parc devient une petite maquette observée par les techniciens ou les concepteurs de Westworld qui deviennent les olympiens de cet univers futuriste, des dieux capables de vie ou de mort sur les « habitants » de ce lieu d’amusement…

Westworld , diffusé ce sur HBO aux Etats-Unis, arrive dès demain en France sur OCS City à 21h50.