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La dernière ligne droite de Mad Men s’est enclenchée la nuit dernière avec la diffusion sur AMC du premier épisode de l’ultime saison. Une introduction de toute beauté qui insiste sur les frustrations de personnages à la croisée des chemins et accueille une guest star de taille.

Mad Men saison 7 de la série = Review de l'épisode 1 : Time Zones – Attention spoilersAprès une saison 6 qui s’achevait sur une note d’apaisement - Don Draper étant congédié de l’agence publicitaire SC&P mais s’ouvrant enfin à ses enfants en leur montrant la maison où il a grandi-, les pronostics allaient bon train concernant le début de la saison 7 de Mad Men. Don allait-il définitivement prendre sa retraite et se consacrer à sa famille ? La totalité des protagonistes allait-elle déménager au soleil comme le laissaient entendre les teasers montrant Don, Peggy, Roger ou Joan dans un aéroport ? Force est de constater que la première séquence de l’épisode déjoue les attentes puisqu’on y voit Freddy Rumsen s’adresser à la caméra et au téléspectateur : « Vous être prêts ? J’aimerais avoir votre attention. Voici le début de quelque chose. » Si le rédacteur est en train de pitcher une publicité à Peggy Olson, on comprend parfaitement que la série annonce par là à son public une volonté de renouveau au moment où elle entre dans une phase décisive (cette demi-saison de 7 épisodes intitulée « The Beginning » sera suivie des 7 ultimes épisodes en 2015) et où débute pour les personnages l’année 1969. Désormais privée de Don Draper, l’agence SC&P paraît d'emblée baigner dans une atmosphère particulièrement stressante et prosaïque. Peggy, qui n’a pas gravi les échelons aussi vite qu’on aurait pu l’imaginer, doit par exemple composer avec un nouveau chef, Lou Avery, qui semble la prendre de haut et manque visiblement de nez.Le sentiment de nouveauté provient aussi du fait que la saison ne s’ouvre pas sur la figure de Don Draper mais qu’il faut attendre sept minutes pour apercevoir le protagoniste, après qu’aient notamment été introduits Joan et Roger (lequel continue à profiter des plaisirs offerts par la libération sexuelle). Venu rendre visite à Megan, qui habite maintenant à Los Angeles, Don débarque à l’aéroport au son du très glamour I’m a Man du Spencer Davis Group tandis que son épouse l’accueille au volant d’une Aston Martin. Si le couple Draper n’a jamais semblé aussi sexy qu'au moment où les deux tourtereaux s'embrassent au ralenti, le séjour va progressivement confirmer les fissures de ce mariage. Lorsque Don découvre la maison de Megan, située sur les collines d’Hollywood, et qu’il entend d’inquiétants cris de coyotes retentir dans l’obscurité, il compare la demeure au château de Dracula. La Californie ne lui apparaît donc plus uniquement comme un lieu d’ensoleillement et une source d’énergie mais aussi comme un endroit lugubre et anxiogène où peuvent survenir des drames. On comprend également que Don cache depuis plusieurs mois à son épouse le fait qu'il ne travaille plus dans les locaux de SC&P, ce qui a pour effet d'accentuer la distance entre les deux époux. Don finira d'ailleurs par passer la nuit sur le canapé, Megan étant trop fatiguée pour s'adonner à des instants de sensualité.

Ce séjour sur la Côte Ouest permet aussi à Don de revoir Pete Campbell, qui travaille comme prévu pour la branche californienne de SC&P et semble très épanoui par la météo locale. Disant tout ignorer des agissements de SC&P, Don signifie à Pete qu’il n’est pas venu en Californie pour parler travail. Alors que l’on suit en parallèle les storylines new yorkaises de Roger Sterling, à qui sa fille pardonne contre toute attente d’avoir été un mauvais père, de Peggy - pas franchement ravie de recroiser son ancien amant Ted Chaough - et de Joan, qui hérite d’une nouvelle mission délicate et constate à nouveau la nature réelle de sa liberté d'action au sein de l’agence, la fin du séjour de Don en Californie vire à la contemplation molle. Regardant le début du film Horizons perdus de Frank Capra, qui vante les mérites d’un monde idéal où la tranquillité aurait remplacé le besoin de lutter, le héros de Mad Men prend un air songeur. Cette séquence signifie-t-elle que la principale quête du personnage dans la saison 7 consistera à trouver la sérénité dont parle ce long métrage ? Don pense-t-il alors qu’il est vain de lutter pour la survie de son couple ? Toujours est-il que le trajet retour du personnage vers New York lui offre un test grandeur nature. Le publicitaire entame dans l’avion une conversation avec sa voisine, jeune veuve interprétée par Neve Campbell (star de la saga Scream). Le jeu de séduction avec cette mélancolique inconnue se poursuit si loin que Don lui avoue ses doutes conjugaux, avant que des gestes de tendresse réciproque ne se manifestent. Si la sensuelle passagère invite notre héros à prolonger la soirée avec elle, il refuse de succomber à l’adultère, prétextant qu’il a du travail. Ancien séducteur incapable de résister au charme des femmes, Don Draper a-t-il définitivement changé à l'orée de cette saison 7 ? Reverra-t-on plus tard le personnage incarné par Neve Campbell ? Autant de questions qui restent en suspens.Les dernières minutes de l’épisode se consacrent quant à elles aux mésaventures professionnelles de Joan et Peggy, tout en livrant un habile twist final qui voit Don recevoir dans son appartement Freddy Rumsen. On découvre alors que Draper souffle en réalité toutes ses idées de rédacteur à Freddy, qui tient un rôle d’espion infiltré à l’intérieur de SC&P. Incapable d’abandonner son travail, Don a donc trouvé le moyen de se trouver à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de l’agence. Désirant garder autant que possible le contrôle, le héros de Mad Men est-il seulement capable de se laisser aller à l’insouciance ? Telle est la question induite par la chanson finale, You Keep Me Hangin On de Vanilla Fudge : restant immobile dans le froid sur son balcon alors qu’il souhaitait au départ fermer sa porte-fenêtre, Don cède quelques instants au lâcher-prise (les paroles de ce tube évoquent en effet un puissant désir d'isolement) mais en constate aussi les limites. Dans la séquence précédente, Peggy s’était quant à elle écroulée de rage après une journée de travail aussi exténuante que frustrante. Confrontés chacun à une tragique solitude, qui va de pair avec leur infinie volonté de maîtrise, Don et Peggy apparaissent comme les deux personnages principaux de ce début de saison. Mais certains protagonistes (comme Betty et les trois enfants de Don) ne sont pas apparus dans l’épisode, laissant encore à la dernière ligne droite de Mad Men une multitude d’horizons narratifs.

Damien Leblanc 

En France, la série Mad Men est diffusée sur Canal +