Date de sortie 27 février 2019
Durée 146 mn
Réalisé par Kleber Filho
Avec Sonia Braga , Maeve Jinkings , Irandhir Santos
Scénariste(s) Kleber Filho
Année de production 2016
Pays de production Brésil, France
Genre Drame
Couleur Couleur

Synopsis

Dans les années 60 et 70, à Recife, au Brésil, Clara fut une critique musicale très au fait de la vie artistique du pays. Issue de la bonne bourgeoisie, elle a mené une belle existence, dont elle conserve le souvenir à travers une grande collection de vinyles. Les disques sont rangés dans l'appartement où vit la sexagénaire. Veuve et mère de trois enfants, Clara est la dernière habitante de l'Aquarius, un immeuble construit dans les années 40. Mais il est menacé par un promoteur qui en a racheté tous les autres appartements. Clara, qui veut rester, résiste à ses propositions, qui vont bientôt se transformer en harcèlement...

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Critiques de Aquarius

  1. Première
    par Gérard Delorme

    Avec son sujet puissant (la résistance d'une propriétaire face à la rapacité d'un promoteur immobilier) et son  traitement impressionnant (écriture, mise en scène et interprétation sont d'un niveau très élevé) Aquarius est un prétendant sérieux à la Palme. Il bénéficie en plus de l'effet de surprise attachée à un réalisateur (le brésilien Kleber Mendoça Filho, ancien journaliste et critique de cinéma découvert en 2012 avec Les bruits de Recife) encore relativement inconnu.

    A travers le portrait d'une soixantenaire bien déterminée à se défendre (formidable Sonia Braga), le cinéaste observe les changements de mentalité induites par la société post-moderne en les inscrivant dans le temps. Du même coup, il traite de l'héritage, de la transmission, de la mémoire, et de l'importance des lieux et des objets comme témoins de vie. Sans oublier la musique, qui joue ici une rôle considérable, et est magistralement utilisée. Le film commence 30 ans plus tôt par la célébration du 70ème anniversaire d'une belle femme aux cheveux blancs, vénérée par sa famille comme une sorte d'héroïne. L'évocation de son passé par ses enfants fait ressurgir chez elle des flash backs subjectifs d'activités amoureuses très chaudes exécutées sur une commode (le meuble a son importance, parce qu'on le retrouvera plus tard dans le film). Le même soir, on célèbre aussi sa nièce Clara qui vient juste de remporter une victoire difficile sur le cancer.

    Lorsqu'on retrouve Clara aujourd'hui, le contraste est saisissant. On la sait forte, mais elle semble manquer de soutien à un moment où elle en a de plus en plus besoin. En tant que dernière occupante d'un immeuble promis à la destruction, elle est l'objet d'attaques multiples et pernicieuses de la part de l'entreprise qui entend construire une tour d'habitation pour riches appelée Aquarius. Elle refuse simplement de quitter son appartement parce que tous ses souvenirs y sont conservés sous des formes variées. Par exemple, les milliers de vinyls qu'elle a accumulés témoignent de sa carrière de journaliste musicale.

    Au présent, le combat de cette femme contre l'adversité prend plusieurs formes. La plus évidente est l'hostilité du promoteur, un jeune homme au sourire visqueux, dont l'obséquiosité cache à peine l'arrogance cultivée aux Etats-unis où il a fait "des études de business". Sûr de lui, et ignorant systématiquement ce qui ne va pas dans le sens de son intérêt immédiat, il est l'incarnation de la brutalité contemporaine. A un degré beaucoup moins hostile, Clara doit faire face à ses propres enfants, à l'occasion de querelles familiales, qui révèlent quand même une forme de contamination à travers une tendance à considérer l'ancêtre comme un boulet. Il y a d'autres formes d'ostracisme  et de discrimination, toutes assez subtilement observées à l'intérieur d'un canevas  complexe, servi par une mise en scène d'une impressionnante maturité.

  2. Première
    par Léonard Haddad

    Clara vit dans son appartement en front de mer depuis sa jeunesse. Les promoteurs n’attendent que son départ (ou sa mort) pour raser l’immeuble. Mais Clara refuse de partir. C’est un insert sur une commode. Un simple insert sur une simple commode. Toute la famille est réunie pour les 70 ans de Tante Lucia. Lucia sourit, lève son verre, jette un regard sur la commode du salon. Flash sur Lucia à 25 ans, assise nue sur la commode, le visage de son amant entre ses cuisses. La première fulgurance d’Aquarius dure une fraction de seconde, un battement de cœur. Il y a longtemps, cette vieille dame a été cette jeune fille, jambes écartées, trempées de désir. Une idée du temps qui passe vient de passer. Une idée de ce que le cinéma sait faire, et lui seul. On porte des toasts, les enfants jouent dans la ruelle, on souffle les bougies. Le prologue peut s’achever. Le reste du film n’oubliera pas ce qui vient de se passer. On ne reverra plus Tante Lucia, engloutie dans l’ellipse qui bascule de 1980 à aujourd’hui. La commode, elle, est toujours là. Fait partie des meubles. Ici vit Clara. Dans le prologue, elle avait les cheveux trop courts, comme quand un traitement s’arrête et que la vie revient. Désormais, ils sont extraordinairement longs. Clara est à son tour une vieille femme. Elle était déjà une survivante il y a trente ans, si elle est encore là, c’est qu’elle a encore survécu depuis. Le film se révèle une exploration poétique de cette idée de survivance. Ce qui est là, objets, personnes, n’est pas mort, pas encore, pas pour l’instant. Clara elle-même. L’appartement qu’elle occupe. L’immeuble auquel appartient l’appartement que des promoteurs veulent raser pour construire des hôtels ou des centres commerciaux sans se soucier des ruines de vies qu’il leur faudra passer au bulldozer. Et puis l’âme du quartier où se trouve cet immeuble. Et enfin le film lui-même. De manière micro, Clara représente ça, non pas la "résistance" à la dureté capitaliste, plutôt la résilience de ce qui est encore là mais va bientôt devenir fantôme. À un moment, Clara pose la question : les vinyles 60s, les vieux apparts, les vieux meubles, les vieilles personnes, toutes ces choses du passé qu’il faut choisir de repeindre ou de raser, elles sont vintage, vétustes ou simplement vivantes? Le film, lui, est incroyablement d’aujourd’hui. Léonard Haddad

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