Toutes les critiques de La Frontière de l'aube

Les critiques de Première

  1. Première
    par Didier Roth-Bettoni

    C’est un conte romantique et naïf que signe Philippe Garrel pour son vingt-huitième film. Une histoire en noir et blanc d’amour après la mort, de larmes, de jalousie, de désespoir, de miroirs, de corps séparés et qui s’appellent. Ces corps, ce sont ceux d’une actrice dépressive (Laura Smet) et d’un photographe, devenu son éphémère amant (Louis Garrel). Ce sont eux qu’il faut regarder dans leur harmonie et leurs déchirements plutôt que d’écouter les sentences maladroites et pompeuses que le scénario leur fait prononcer. Car oui, le film, hué à Cannes par une partie de la salle, est toujours à la frontière entre le sublime (la photo magnifique, la poésie fantastique, la belle tension entre les deux acteurs) et le ridicule (les dialogues, certaines situations extrêmes, les dernières séquences). Et s’il tombe finalement du mauvais côté, rien n’effacera pourtant les fulgurances et la passion cinéphile qui convoque les fantômes de Murnau, de Cocteau et de quelques autres du même acabit.

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    A l'image de son titre, La Frontière de l'aube repose sur un équilibre précaire, à la limite du magnifique et du ridicule. De sa poésie assumée, rare et risquée, naît un film d'un romantisme absolu et d'une grande beauté... très diversement apprécié. Un photographe (Louis Garrel) fait le portrait d'une actrice (Laura Smet), dont le mari vit à Hollywood. Ils s'aiment. Adapté de Spirite, une nouvelle de Théophile Gautier, ce récit traite, d'une manière simple et belle, des choses essentielles de la vie : la mort, l'amour, la norme, la création, la responsabilité... Les personnages sont vite et bien caractérisés. A la manière des impressionnistes, Philippe Garrel dresse, par petites touches (un regard, un geste), le portrait des deux amants. Ils sont seuls au monde, amoureux. De la photographie, superbe, émane un charme léger, nimbé de solitude, et une inattendue poésie du quotidien. Pourtant, entre les murs d'un Paris intemporel et désert, dont on ne perçoit guère le ciel, ils paraissent vite prisonniers, comme coincés dans un semblant d'éternité... inquiétante. Ce sentiment est renforcé par un cadrage de plus en plus oppressant pour François (Louis Garrel). Ainsi, par ce traitement expressionniste, perçoit-on le cheminement de sensations qui, progressivement, altèrent sa réalité.Evoquer les grands thèmes de l'existence en utilisant le Noir et Blanc peut faire craindre un certain manque de modestie. Heureusement, le physique « nouvelle vague » de Louis Garrel et son jeu légèrement détaché, un chouia goguenard, font un parfait contrepoids à la gravité du ton et des thèmes. Par ailleurs, quelques jolies phrases d'auteur, en plus de permettre une respiration bienvenue, font passer avec finesse ce qui est peut-être l'idée directrice du film : le bonheur bourgeois, avec lequel le véritable Amour ne saurait s'acoquiner, est nécessaire mais impossible à vivre.Subtil, joli et intelligent, le style rappelle les excès sublimes et naïfs de Cocteau ou Breton, avec la part de risque inhérente à ces démarches peu académiques. Il pose aussi les bases d'une tragédie superbe à laquelle, presque par surprise, certains se laisseront prendre. Pas tout le monde, hélas, comme l'ont montré les réactions si contrastées qui ont suivi la projection cannoise. Une incursion inattendue dans le surnaturel est à l'origine de quolibets qui ont pris Laura Smet pour cible. Elle a seulement la « malchance » d'incarner cette rupture de ton que rien ne laissait présager mais qui, à la réflexion, était assez subtilement préparée par un scénario qui distille, ici et là, des indices peu évidents à décrypter (le bon côté de la fenêtre, le « psy » de la plaque d'immatriculation,...). Mais qui y a-t-il d'étonnant à ce qu'un récit sur l'Amour fou, au-delà de sa parenté avec l'ouvrage du pape du Surréalisme (Breton), nous parle d'irrationnel et d'esprit tourmenté ? Alors, peut-être est-ce aussi l'extrême simplicité de traitement de cette « surprise » qui a désarçonné. Mais c'est en ça, pourtant, que l'histoire devient belle et puissante. Cette modestie de moyens contribue à nous rendre proche, sensible, et sûrement acceptable, une audace qui, à notre avis, ne pose aucun problème. Cette oeuvre fragile peut agacer ou ravir. Elle nous a beaucoup plu. La Frontière de l'aubeDe Philippe GarrelAvec Louis Garrel, Laura Smet, Clémentine PoidatzSortie en salles le 8 octobre 2008Illus. © Les Films du Losange - Exprimez-vous sur le forum cinéma- Lire les fils festival de cannes, sélection officielle, noir et blanc sur le blog cinéma - Lire la critique des Amants réguliers - Lire notre analyse du cinéma de Philippe Garrel

  2. Elle
    par Anne Diatkine

    Inutile d'être fan de Philippe Garrel pour être pris par le charme de La frontière de l'aube, film incandescent qui brûle au coeur de son sujet: comment les amours défuntes viennent hanter le présent. Philippe Garrel ne film que ce qu'il connaît: acteurs et histoires. Le noir et blanc de Willy Lubtchansky est somptueux.

  3. Pariscope
    par Arno Gaillard

    Ce film qui trouvera mieux sa place en cet automne parisien que sur la croisette en mai dernier, parle de la souffrance, du mal-être d’une jeune femme, Carole, superbement interprétée par Laura Smet. Un miroir et des apparitions qui évoquent les trucages de Jean Cocteau, un jeune homme tourmenté par le fantôme de son amour d’hier, voilà le spectateur plongé au beau milieu d’un cinéma qui filme la mort au travail. Jean-Claude Vannier a composé pour cette histoire une musique sombre et belle interprétée par Didier Lockwood et son violon, qui dialogue avec le noir et blanc de William Lubtchansky, le montage de Yann Dedet, et la magnifique prise de son (on croit parfois deviner sur certains plans le battement d’un cœur) de René Levert; trois complices du cinéaste de « L’enfant sauvage ». Une frontière qui ne demande qu’une chose, à être franchie.