DR

Jacquouille et ses dents pourries sont de retour dans Les Visiteurs - La Révolution. Rencontre avec Christian Clavier.

La dernière fois qu’on avait eu des nouvelles, Jacquouille était lost in translation, perdu en Amérique et renommé André le paté. 15 ans plus tard, Christian Clavier remet son titre de roi du rire en jeu dans Les Visiteurs 3. La bande-annonce vient de tomber. Notre interview aussi.

Pourquoi avoir attendu 15 ans avant de faire Les Visiteurs 3 ?
On a été très déçu par Les Visiteurs en Amérique. Du coup Jean-Marie et moi avons choisi de faire une pause, d’arrêter de penser à Jacquouille et Godefroy… on est passé à autre chose, chacun de notre côté. On sentait qu’il fallait une bonne idée, qu’on ne devait pas galvauder l’histoire ou les personnages. Et puis, récemment, j’ai eu un déclic. Depuis longtemps, on tournait autour de la Révolution. C’est un moment génial dans l’histoire de France, un moment où la société bascule, la revanche de l’esclave sur les maîtres. Je suis passionné d’histoire et c’est vraiment une période qui me fascine. Le premier film racontait l’arrivée des deux héros dans le monde moderne et montrait surtout la déception de Godefroy quand il découvre que sa descendante s’est mariée à un gueux. Quand j’ai eu l’idée de montrer le moment où le gueux prend le château, j’ai compris qu’il y avait sans doute de quoi se lancer dans l’aventure d’un 3…

Encore plus que les deux premiers épisodes, on a l’impression que Les Visiteurs 3 est un film de bande.
Oui ! Pour renouveler le film, on a pensé qu’il fallait varier la distribution. On a alors décidé de s’entourer d’acteurs et d’actrices qui viennent d’horizons différents. Récemment, j’ai vécu ça avec Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu ? qui m’a permis de rencontrer une nouvelle bande. C’est ce que j’avais fait dans Papy fait de la résistance, mais dans l’autre sens – nous étions, Le Splendide, la jeune génération et Maillan et Galabru représentaient la plus ancienne. On a vraiment écrit le film comme ça, dans cette optique. Et c’était délicieux ! J’ai été emballé d’écrire pour Karine Viard, pour Sylvie Testud, de leur offrir des rôles dans une comédie pareille. J’ai amené mon copain Pascal Nzonzi du Bon Dieu et avec Marie-Anne Chazel ils forment un couple de concierge parisien fans de Robespierre hilarants ; j’ai été chercher Alex Lutz que j’adore et qui incarne un descendant de Godefroy un peu fin de race, revenu de tout. Ari Abitan joue un gigolepince et Nicolas Vaude compose un Robespierre digne d’un film historique, pas du tout caricatural ! C’est une tradition du cinéma populaire qui s’est un peu perdue, mais c’est ce que j’adore : ces films dans lesquels les seconds ou les troisièmes rôles sont aussi soignés aussi écrits et bien joués que les premiers. 


Ca vous a fait quoi de remettre les dents pourries de Jacqouille ? 
Ca a été très étonnant. Très. Je me souviendrais longtemps du premier jour de tournage : on s’est retrouvé avec Jean ; bien sûr, on avait vieilli, mais en même temps dès qu’on a enfilé nos costumes, on étaient les personnages, comme si le temps n’avait pas de prise sur eux. L’équipe nous a vu arriver de loin et ils se sont tous dit : “ils reviennent”. Et c’était vrai ! 

Justement… Vous avez incarné deux stars de la culture populaire. Jacquouille et Asterix. Je me demandais : comment se fait la rencontre entre un personnage – surtout pareil - et un acteur ? Comment est-ce qu’on devient ces icônes ?
C’est compliqué ça... Intéressant mais compliqué. Tout est histoire de technique. Le costume est très important par exemple et tout se joue au moment où je me vois dans la glace. Après il faut être. Rentrer dedans. Et faire confiance à l’auteur. Parce qu’en tant qu’acteur, je ne sais faire qu’une seule chose : "apprendre le sens des phrases" (c’est ma prof Tsilla Chelton qui le disait). La base pour moi, c’est de connaître entièrement mon texte le premier jour. Mon texte et celui des autres. J’ai bossé énormément et j’arrive sur le plateau. Et quand j’arrive, je suis vide. J’oublie tout. Je suis tellement dedans que cela me permet d’improviser. Je vais vous donner un exemple. Quand on tourne le Bon Dieu, Philippe me demande si je veux rencontrer les acteurs qui jouent mes gendres. Mais je refuse. Je pense qu’ils ont les jetons de tourner avec moi et que s’ils me voient, ils vont s’apercevoir que je ne suis pas un mauvais bougre, ils vont se détendre. Et il ne faut pas... Du coup, le premier jour a été un enfer. Au maquillage, après une longue hésitation, Medi me dit d’une toute petite voix : "...Vous êtes très beau." Et je réponds : "Merci mon petit, c’est gentil." On est partis sur le ton exact de mon personnage avec ses gendres. Je leur ai amené la situation. 

On s’interdit certains trucs quand on rempile 15 ans plus tard ? Par exemple, vous pouvez toujours dire "okaaaaay" ?
On ne s’interdit rien ! Sinon ce serait horriblement triste. Non… En fait, le secret, c’est que je me régale à jouer, voilà. Et qui je suis, ce que je pense a finalement moins d’importance pour moi, comme pour le public, que cette simple réalité : je m’amuse à faire ce boulot. Je suis sûr que les gens sentent que je fais ce dont j’ai envie. Ils en pensent ce qu’ils veulent, mais j’aime déconner et j’essaie de les embarquer. Après, il faut se renouveler. J’ai eu la chance d’y arriver après quelques bons coups de massue. Les échecs vous apportent beaucoup. C’est une banalité, hein, et j’évite de le dire, c’est tellement con, mais en même temps terriblement vrai. Les succès rendent un peu arrogant, ce qui n’aide pas beaucoup. Il faut les domestiquer. J’ai eu la chance de faire pas mal de succès quand j’étais jeune, ce qui m’a un peu préservé.

Une question piège… Après Les Visiteurs 3 : un "Bon Dieu 2", ça s’envisage ?
Il faut demander à Philippe. Je pense qu’il le fera quand il aura trouvé le bon sujet. Là, nous allons tourner S’il vous plaît, une comédie très marrante avec François Damiens. On se reverra pour en parler ?

Propos recueillis par Gaël Golhen