Skyfall James Bond 007
Sony

En 2012, Première avait rencontré l'interprète de Silva, l'adversaire inoubliable de James Bond pour (essayer de) parler de Skyfall.

Javier Bardem est certainement l'un des méchants les plus marquants de la saga James Bond. Pourtant, quand on l'a rencontré en 2012, juste avant la sortie de Skyfall, l'acteur n'avait rien le droit de dire sur 007... ni sur son rôle. En la relisant après coup, son interview s'avère cependant intéressante. Nous la republions pour patienter jusqu'à la rediffusion du film, dimanche soir sur France 2. Vous pouvez aussi retrouver ici notre récap' de la masterclass du comédien, qui a eu lieu cette semaine au festival Lumière :

Lumière 2018 : Javier Bardem défend Woody Allen (mais pas Sean Penn)

Javier, qu’est-ce que tu peux me dire sur Silva ?  Rien ! RIEN DU TOUT (rires) ! Allez salut.  

Euh... non, mais sérieusement  Sérieux. Ceci dit, il nous reste 14 minutes pour parler de ce que tu veux. On peut parler football. J’ai une question : vous alignez qui à l’Euro ? Tu sais qui sera dans l’équipe de France ?   

Ah ben non, je n’y connais rien. En fait, je m’en moque même complètement. Désolé. Mince, moi ça m’intéresse. Bon ce n’est pas grave. Alors... Silva...   

Silva, exactement ! Hmmmm. Qu’est ce que je peux dire sur Silva ? Tu as vu les 4 minutes ?  

Oui. Tu as aimé ?   

Ben...  c’était quatre minutes... (rires). Oui, mais c’était bien non ? Ca t’as un peu excité ?   

Oui, mais c’était quatre minutes ! Bon, en tout cas, c’est compliqué de parler de Silva pour moi. Tu n’as pas vu le film et moi non plus. Du coup, je ne sais même pas ce qu’ils ont fait de mon travail. Tu sais comment ça marche : il y a un monde entre ce que tu essaies de faire avec ton personnage et ce qu’il en reste à l’écran. Dans 99% des cas, quand tu regardes le film, tu te dis “OK ! Pas mal ! Mais j’ai vraiment fais ça ?” . Tu peux donner ce que tu veux, après ils coupent, ils montent et ça ne ressemble pas forcément à ce que t’avais prévu.   

Et ? Par rapport à Silva ? (rires). T’es coriace ! (sérieusement) Disons que l’idée c’était de trouver un terrain d’entente entre réalité et fiction. Avec un hommage aux vilains de la saga... Le film en tant que tel est très puissant et il brasse des thèmes très forts. Le personnage qu’on m’a offert était dense et il y a vraiment des scènes... Waouh... Spectaculaires. Et puis : Sam Mendes à la réalisation, le James Bond des 50 ans... Comment dire non ?  

Ah oui : tu ne peux vraiment rien dire du film en fait ! (rires) Je t’avais prévenu. Essaie de me dire ce que t’en penses plutôt. On verra !  

OK. La coupe de cheveux m’a fait penser à Chigurh, ton personnage dans No Country For Old Men. Hmmm. Chigurh, avec les Coen, on l’a travaillé comme un symbole. Le symbole désincarné de la violence et du mal. Silva est plus “humain”. Il a différentes couleurs. 

La blondeur ?  Oui, c’était mon rêve, jouer une blonde ! et c’est arrivé avec Silva (rires) ! Sur le papier c’était un personnage complexe, tordu. A chaque fois que je commence un film, il n’y a qu’une chose qui m’importe, et c’est : que vaut le personnage ? Si je vois que je peux y apporter des choses, alors je fonce. Quand j’ai lu le script, je savais que c’était un James Bond. Mais je voulais savoir ce qu’il y avait à jouer. Et Silva était vraiment intéressant. Sam était ouvert à la discussion. Et quand on a commencé à en parler, je me suis rendu compte que ce serait fun à jouer. Qu’il y avait un espace pour l’imagination, pour la création. J’avais aussi une autre trouille : que le tournage soit un camp para-militaire (c’est Bond quand même, avec ce que ça comporte de secret, de contraintes et de règles). Mais là encore, je me suis aperçu que Sam laissait de la place à ses acteurs, qu’on pouvait rejouer, s’amuser et faire naître des choses dans l’instant ! J’ai vraiment eu de la place pour nourrir le personnage.  

Skyfall : Que vaut cet épisode de James Bond [critique]

En te calquant sur Julian Assange ?  ….   Tout le monde le sait. Les vilains de la saga sont souvent modelés sur des vrais "méchants" de la réalité. Dans Permis de tuer par exemple, c’était Noriega ; et là je ne sais pas pourquoi, j’ai pensé à Assange... T’as vraiment vu que 4 minutes (rires)... C’est à cause de la perruque blonde ?... Hmmm... Assange ? C’est malin, mais... je ne te dirai rien. Par contre, là où tu as raison, c’est que les bons vilains de la saga ont toujours joué avec les paranoïas et les peurs des spectateurs. Ce ne sont pas uniquement des clowns ou des méchants d’opérettes. Les ennemis de 007 incarnent les préoccupations de l’époque qui les a créés.   

C’est le cas pour Silva ?  Tu verras !  

Les vilains de James Bond sont aussi très souvent des caricatures. Tu le redoutais ?  Je n’en avais pas peur, parce que en lisant le script, je savais que Silva était plus complexe que ce que j’imaginais. Et Sam a fait attention que Skyfall ne sombre jamais dans la caricature tout en respectant la charte de la saga.  

Dans les 4 minutes que j’ai vu, tu ne cries pas, tu n’es jamais dans la démonstration... Du coup, j’ai l’impression que ton méchant est froid, sans merci. Je me trompe ? Souviens-toi... 4 MIIIINUTES ! Je peux juste te dire que le mélange entre fantasme et réalité qui définit la saga te permet justement d’être dans le délire et la minute suivante dans un truc très réaliste. C’est les montagnes russes en terme d’étendue de jeu.      

Tu avais des vilains de références ?  Non. Le film est unique, vraiment, même si on joue aussi la carte de l’hommage. Du coup, je n’ai pas voulu revoir les films, pour ne pas être influencé.   

Et ton méchant préféré de la saga ?  Jaws, sans hésiter. Parce que j’adore Richard Kiel qui fait surgir l’émotion derrière sa mâchoire d’acier. Quand il devient gentil dans Moonraker, c’est formidable ! Derrière le monstre, d’un seul coup on voyait l’être humain... J’adore aussi la femme de Bons baisers de Russie, avec les chaussures poignards ! (il mime les coups de pieds de Rosa Klebb) Tchac tchac ! C’était cool ça !  L’attachée de presse : "Dernière question ! 

Oulah ! Euh... Ta meilleure expérience sur le tournage ?  Je devais jouer une scène face à Judi et Daniel... Je parle à M et c’est une scène intense. Vraiment super. Et d’un seul coup, je me tourne vers Daniel. Lors de la première prise, je me souviens m’être dit à ce moment précis : “Oh Shit ! Ca y est, t’es dans un James Bond !” Et... j’ai oublié mon texte ! Sam s’est tourné vers moi et m’a dit : "Javier, qu’est-ce qui se passe ?" Et j’ai bredouillé un pauvre “j’ai oublié mon texte”. C’était une des toutes premières scènes que je tournais. C’est pour te dire à quel point c’est intimidant.  

Bon, ben, merci... et bon courage pour la journée promo Ho, t’inquiètes, ça va être amusant ! Et je suis un bon soldat, bien dressé. Vous ne saurez rien sur Skyfall... Par contre faut vraiment que je sache qui vous allez mettre sur le terrain à L’Euro ! 

Propos recueillis par Gaël Golhen

Daniel Craig : "J'ai beaucoup bossé pour être à la hauteur de Skyfall"

Bande-annonce de Skyfall :