Films Quatrième Dimension
Captures d'écran

Au moment de la sortie de Vivarium, un huis clos « à la Quatrième Dimension », Première célébrait les longs-métrages inspirés par cette immense série. Mais ça veut dire quoi, exactement, « à la Quatrième Dimension » ? Tentative de réponse à travers vingt films qui n’auraient jamais existé sans le chef-d’œuvre télé de Rod Serling.

20. Cube (Vincenzo Natali, 1997)
Le saviez-vous? En 1969 – l’année de naissance de Vincenzo Natali –, la chaîne NBC diffusait The Cube de Jim Henson : le futur créateur des Muppets enfermait un homme dans un cube blanc, sans explication, pour lui faire subir tout un tas d’expériences cauchemardesques, un peu comme dans un épisode de La Quatrième Dimension. Bien plus tard, Natali s’en est peut-être souvenu pour tourner son Cube qui a fait grosse impression à sa sortie avec son microbudget et ses trouvailles de cinéma bricolo (le décor unique et mortel). Aujourd’hui, ça a pris un coup de pelle, mais en 1997, quel pied !

19. Seuls two (Éric Judor & Ramzy Bedia, 2008)
Tiens, deux rigolos français ont fait effraction dans ce top très sérieux et très anglo-saxon ? Il faut dire que ce film, formidable, est une anomalie, à la fois dans le paysage du cinéma d’ici et dans la carrière d’Éric et Ramzy. En vidant Paris de sa population pour organiser une gigantesque course-poursuite entre un flic et un voleur, les deux zozos inventaient un truc assez fou : la rencontre inespérée entre Buster Keaton et Rod Serling (qui avait déjà eu lieu en fait, mais dans un épisode pas terrible...).

18. Destination finale (James Wong, 2000)
Petit génie de la télé, ayant coécrit aux côtés de son copain Chris Morgan les meilleurs épisodes de X- Files, James Wong commençait sa carrière ciné (exécrable) avec ce slasher très amusant et très conceptuel où les rescapés miraculeux d’un crash aérien se font poursuivre par la Grande Faucheuse en personne, bien décidée à récupérer son dû. Vingt ans plus tard, le film sonne toujours comme de La Quatrième Dimension rigolarde, détendue et parodique, bref comme un petit exploit.

17. Memento (Christopher Nolan, 2000)
Comment trouver l’assassin de sa femme quand on perd la mémoire toutes les quinze minutes? Le modèle de toute la filmo future de Nolan (c’est son deuxième long) encapsulée dans ce petit film noir tordu. Un cauchemar twisté à l’aide de trucs issus du fantastique (le corps tatoué qui raconte une histoire, comme chez Ray Bradbury, idole de Rod Serling). Le tout situé sur la frontière entre passé et présent, entre rêve et réalité. Quelque part dans la « zone du crépuscule », donc.

16. Coherence (James Ward Byrkit, 2014)
Une bande de quadras se retrouve pour une soirée entre copains. Mais le passage d’une comète dans le ciel de L.A. va provoquer d’étranges phénomènes. À moins que l’explication ne se trouve dans la maison à l’autre bout du lotissement, étrangement similaire à la leur ? Un petit exercice de physique quantique appliquée, presque la définition parfaite du film « à la Quatrième Dimension » : concis, ramassé, malin, très amusant à regarder, très casse-tête à raconter. Passé à la trappe au moment de sa sortie, redécouvert depuis en VOD... Bientôt culte ?

15. Magic (Richard Attenborough, 1979)
La Quatrième Dimension n’aurait peut-être jamais existé sans Au cœur de la nuit, extraordinaire film anglais à sketches datant de 1945, zigzaguant entre horreur gothique et thriller fantastique. L’anthologie télé lui piquera même un de ses plus fameux segments, le dernier, celui du ventriloque qui tombe sous l’emprise de sa poupée (maléfique, forcément). Un pitch que ce Magic pompera aussi sans sourciller quelques décennies plus tard, lui apportant ce qu’il faut de densité psychologique, de vertige schizo et d’Anthony Hopkins pour passer sans problème au format long.

14. The Box (Richard Kelly, 2009)
Avant que Jordan Peele ne s’autoproclame héritier officiel de Rod Serling, Richard Kelly fut, l’espace d’un instant, le candidat le plus crédible à sa succession. Ave c Donnie Darko d’abord, puis The Box, adaptation d’un épisode de La Cinquième Dimension (la version années 80, en couleur), lui-même tiré d’une nouvelle de Richard Matheson. Mal aimée, mal reçue, cette variation sur le mythe de Faust avec Cameron Diaz et un gros bouton rouge mit un coup d’arrêt à la carrière de Kelly. Qui, après dix ans de purgatoire, a annoncé récemment travailler à... un biopic de Rod Serling. Très bon twist, Richard !


13. Fréquence interdite (Gregory Hoblit, 2000)
Un flic de 1999 dialogue avec son père, pompier héroïque mort dans un incendie en 1969, grâce à une vieille radio CB. Autour de ce schéma typiquement « twilightzonesque » – modeste mais vertigineux – et typiquement américain, où le fantastique s’incarne dans un objet du quotidien, Dennis Quaid et Jim Caviezel composent un duo père/fils qui tente de rattraper les moments qu’ils n’ont jamais eus ensemble. Petit succès en salles, le film a grandi depuis dans notre souvenir, surtout qu’il vient de fêter ses 20 ans.

12. Hidden (Jack Sholder, 1987)
À Los Angeles, une entité extraterrestre prend possession du corps d’honnêtes citoyens pour semer le chaos et la destruction sur son passage. Ses péchés mignons ? Voler des Ferrari, écouter du métal et engloutir des hamburgers. Revu aujourd’hui, Hidden ressemble surtout à un prototype de X-Files (pour les fédéraux qui pourchassent des aliens craspec et rigolos) et de Twin Peaks (pour Kyle MacLachlan en agent du FBI coincé et lunaire). Mais la chute, elle, est du pur Quatrième Dimension. Vous savez, quand ça tord le bide et qu’on ne rigole plus du tout.

11. Carnival of souls (Herk Harvey, 1962)
Rescapée d’un accident de la route, une femme déambule dans une Amérique macabre, assaillie par d’étranges visions... Ovni fauché et mythique, Carnival of Souls peut se lire comme une variation cauchemardesque de L’Auto-Stoppeur, l’un des épisodes les plus fameux de La Quatrième Dimension, dans lequel une automobiliste ne cessait de croiser le même homme au bord de la route. Le seul et unique long métrage de Herk Harvey mariait Rod Serling et Jean Cocteau, et influencera à son tour Shyamalan, Lynch et Romero.

10. Ouvre les yeux (Alejandro Amenábar, 1998)
Le premier long d’Amenábar, le bien nommé Tesis, avait justement l’allure d’un mémoire de fin d’études : son second passait à la vitesse supérieure en étant le film à twist qui veut enterrer tous les films à twist. Un homme se confesse à son psy, et... rien ni personne ne semble être ce qu’il paraît. Tout e La Quatrième Dimension – le thriller, la folie, l’amour – se déploie dans les quatre murs d’une cellule et le cerveau d’un dingo. Est-ce utile de préciser que le remake avec Tom Cruise est beaucoup moins bien ?

9. Save the green planet ! (Jang Joon-Hwan, 2003)
Les extraterrestres ont débarqué ! Depuis fort longtemps d’ailleurs, sauf que personne ne s’en est rendu compte. Ayant désormais atteint les plus hautes sphères du pouvoir international, ils comprennent que notre planète ne vaut pas grand-chose et s’apprêtent à la détruire. C’est là que débarque un apiculteur sympa, un peu zinzin et au fait du méga complot. Il kidnappe alors un PDG alcoolo qui est aussi le chef de la délégation alien. À moins que... Pendant longtemps, on a cru que le génie parano SF de Rod Serling n’avait pas essaimé jusqu’en Orient. On se trompait lourdement.

8. The Swimmer (Frank Perry, 1968)
Une curiosité méconnue tellement adorée et réhabilitée qu’elle a fini par ne plus être méconnue du tout... Burt Lancaster, en slip de bain, décide de rentrer chez lui en traversant une à une les piscines d’une banlieue résidentielle. Mais qu’est-ce qui l’attend exactement à la maison? Un rejeton littéraire et intello de Rod Serling (le film est adapté d’une nouvelle de John Cheever), qui traque un pur vertige existentiel. Quand La Quatrième Dimension s’en va fureter du côté de chez Resnais.

7. Le Dernier Survivant (Geoff Murphy, 1986)
Après son génial survival devenu culte (Utu, récemment restauré), le Néo-Zélandais Geoff Murphy s’empare du canevas le plus classique de La Quatrième Dimension (un homme se réveille seul dans une ville, soit le tout premier épisode de la série) pour en tirer toute la substantifique moelle. D’abord la peur face au mystère, puis l’acceptation de son sort et enfin la quiétude... Une pensée pour les génies du marketing qui ont collé le – superbe – plan final du film directement sur l’affiche.

6. Un jour sans fin (Harold Ramis, 1993)
Vous le connaissez par cœur. Et vous savez bien que le triomphe d’Un jour sans fin repose aussi bien sur son pitch génial que sur son humour irrésistible, qui n’essaie même pas de dissimuler la noirceur terrible de son sujet. Un homme condamné à revivre, encore et encore, la même journée... Pas si marrant que ça, au fond. De loin, on dirait même une vieille série qui faisait flipper les mômes et qui n’était pas spécialement réputée pour son humour... Vous êtes sûrs de si bien le connaître, ce film ?


5. Seconds – L’opération diabolique (John Frankenheimer, 1967)
Un employé de banque à la vie monotone accepte l’étonnante opération que lui propose une mystérieuse organisation : se faire passer pour mort, changer de corps et de visage, pour enfin mener une existence épanouie. Sera-t-il plus heureux avec la tête de Rock Hudson? Un conte cruel sur le mythe de la deuxième chance où les fondements esthétiques de La Quatrième Dimension sont poussés dans leurs retranchements les plus psychédéliques et paranoïaques par un John Frankenheimer déchaîné. Insolite et très, très dérangeant.

4. Invasion Los Angeles (John Carpenter, 1989)
Il n’avait pas été invité quelques années plus tôt lorsque les cinéastes de sa génération rendaient hommage à la série de leur enfance avec La Quatrième Dimension : Le Film, mais avec celui-là, John Carpenter s’imposait comme le véritable héritier du génie miniature et enragé de Rod Serling. Bâti sur un concept très rigolo (il suffit de bien vouloir mettre des lunettes de soleil pour comprendre que notre monde est aux mains des aliens), cet absolu de série B reprenait au beau milieu du règne des yuppies la dialectique « marxo-bradburyste » de la série. Pour la déclamer cette fois-ci avec un fusil à pompe entre les mains.

3. Rosemary’s Baby (Roman Polanski, 1968)
Un jeune couple emménage dans un immeuble new-yorkais un rien lugubre, et leurs voisins... Bon, pas besoin de résumer ce film-là, vous connaissez l’histoire. Qui aurait d’ailleurs très bien pu être racontée en 30 minutes chrono dans une anthologie fifties en noir et blanc. Finalement, ce fut un film en couleur de 2 h 20, shooté par un expatrié polonais surdoué, qui initia une grande vague sataniste dans le cinéma américain. Tous les participants de l’aventure devinrent des stars, dont l’auteur du roman originel, Ira Levin. Un homme qui, logiquement, avait commencé sa carrière en écrivant des épisodes de 30 minutes chrono, dans des anthologies fifties en noir et blanc...

2. Duel (Steven Spielberg, 1973)
À mi-chemin entre le cinéma (où il est sorti, en France) et la télé (où il fut diffusé, partout ailleurs), ce premier long métrage du premier grand cinéaste ayant grandi devant le petit écran est un peu plus qu’un chef-d’œuvre de frousse minimaliste digne des meilleurs épisodes de l’anthologie. C’est un passage de témoin essentiel entre deux médiums, l’instant décisif où les enfants de Rod Serling deviennent des cadors du cinoche. Tout ceci se mettait en place, grâce à un script de Richard Matheson, qui fut dans une autre vie l’auteur de certains des meilleurs épisodes de la série. Le genre de coïncidence cosmique qui nous laisse croire que l’on vit vraiment dans La Quatrième Dimension.

1. Le Village (M. Night Shyamalan, 2004)
Et si on sortait de la prison des échelles réduites ? Et si ce terrain télévisuel devenait aussi un immense univers de cinéma à arpenter ? Et si on imaginait un épisode de La Quatrième Dimension qui carburerait au lyrisme, au romanesque et au formalisme pur jus ? Comme son héroïne, Le Village se distingue par son refus des ornières et son goût de l’exploration. Jouant constamment avec l’hypothèse du fantastique, comme aimait le faire la série, le film change de nature et se dérobe sous nos pieds à mesure qu’on s’y enfonce. La mythologie se heurte à la fable politique, la métaphysique vient pointer son nez dans un récit d’horreur. Pendant longtemps, les héritiers de Rod Serling se reconnaissaient surtout à leur absence de frime et leur américanisme foncier. Après ce film génial, par ailleurs hanté par le spectre du 11 Septembre, on découvrait qu’ils pouvaient aussi citer Murnau, Bergman ou Vermeer sans sourciller. L’instant décisif où La Quatrième Dimension devenait un peu plus qu’un fanion pop culturel à brandir : une borne intouchable de notre patrimoine commun.