Les Cheyennes de John Ford
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Ce soir à 22h10 la chaîne Ciné + Classic diffuse le dernier western de John Ford. Adorée en Europe, mal aimée aux Etats-Unis, cette ode aux Indiens a tout du film testament.

En 1964, John Ford a 70 ans mais c’est déjà un vieux monsieur qui se bat contre un mal de dos chronique à coup de pilules et de somnifères. C’est surtout un cinéaste qui entend faire amende honorable. Il raconte avec Les Cheyennes, la migration héroïque entre 1878 et 1879 d’Indiens cheyennes depuis l’Oklahoma vers leurs terres natales à Yellowstone.

« J’ai tué plus d’indiens que n’importe qui depuis Custer, explique Ford à Peter Bogdanovich qui l’interroge sur le tournage. Ce film est leur point de vue. » Et de fait, Ford traîne la réputation du réalisateur volontiers raciste, glorifiant la figure de l’homme blanc (le plus souvent incarné par sa muse John Wayne) au dépend des natives. Comme toutes les étiquettes, elle ne résiste pas bien longtemps et il suffit de revoir Le massacre de Fort Apache (1948), Le convoi des braves (1950), voire La prisonnière du désert (1956), pour se rendre compte que tout n’est pas si simple. Les premiers plans du film où l’on voit un vieux chef indien le dos vouté défier de toute sa sagesse et sa dignité, l’armée américaine incarnée à elle seule par la figure contrastée du capitaine Archer (Richard Widmark), traduit cet humanisme à l’œuvre.

Tourné avec un budget conséquent avec le soutien de la Warner alors que Ford ne semble plus intéresser grand monde à Hollywood, cette ode aux indiens aurait dû voir le jour le plus tôt si le maccarthysme n’avait pas empêché jusqu’aux début des sixties, toutes tentatives de raconter la face sombre de l’Histoire américaine. Les Cheyennes éclairé par le chef opérateur William Clothier a été tourné en Technicolor et en Super Panavision 70. Jamais la terre ocre de Monument Valley n’a paru aussi présente et expressive à l’écran (à l’exception peut-être de La prisonnière du désert)

Le ton à la foi épique et comique où, comme chez Mizoguchi, les séquences d’action sont vite expédiées voire même zappées, donne à ce périple de plusieurs milliers de kilomètres, une étrange impression de sur place. Cet « immobilisme » n’est en aucun cas un défaut mais prouve au contraire que Ford est une peintre qui après avoir tout filmé recherche au crépuscule de sa carrière, l’image qui les résumerait toutes.  Si le film fit un flop aux Etats-Unis, la majorité des critiques européens saluèrent immédiatement le génie intact de Ford. Le cinéaste réalisera encore deux longs-métrages avant de s’éteindre en 1973.

A voir ce mardi à 22h10 sur Ciné + Classics