Guide du 10 avril 2019
Twentieth Century Fox France / SND / Paramount Pictures France

Ce qu’il faut voir cette semaine.

L’ÉVENEMENT

TANGUY LE RETOUR ★★☆☆☆
D’Etienne Chatiliez

L’essentiel
Non montré à la presse, le nouveau Chatiliez n’est pas le nanar redouté. Pas de quoi monter au rideau non plus.

Depuis le premier Tanguy, dix-huit ans se sont écoulés. Dans l’intervalle, Étienne Chatiliez est sérieusement rentré dans le rang et Éric Berger est retourné jouer au théâtre et les utilités au cinéma. Dire qu’on attendait leur retour serait exagéré, indifférence visiblement prise en compte par le distributeur qui n’a pas montré le film à la presse, alimentant les craintes les plus folles à son sujet. Déflorons tout de suite le suspense (inexistant) : Tanguy, le retour est conforme aux attentes, ni bon ni mauvais.
Christophe Narbonne

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PREMIÈRE A ADORÉ

GENÈSE ★★★★☆
De Philippe Lesage

C’est un film d’une ambition inouïe mais jamais pris en défaut sur un sujet qu’on pourrait pourtant croire épuisé par le cinéma : les premières amours adolescentes. Découvert avec Les Démons, chronique fascinante sur l’enfance, Philippe Lesage fait mieux que confirmer tous les espoirs placés en lui. Sa foi dans le cinéma lui permet de faire fi de toute référence écrasante, de faire imploser son cadre narratif. Sa fresque en trois actes suit dans un premier temps Guillaume, grande gueule tumultueuse de 16 ans (Théodore Pellerin, stupéfiant) amoureux de son meilleur ami, et sa demi-soeur aînée (Noée Abita, saisissante) en quête d’aventures sans lendemain après que son petit ami a souhaité faire évoluer leur relation vers une plus grande liberté. Avant de laisser place à un épilogue à la fois totalement indépendant et parfaitement complémentaire où son jeune héros des Démons (Édouard Tremblay-Grenier, bouleversant) vit un coup de foudre dans un camp de vacances. Lesage filme trois jeunes gens qui ont en commun de se livrer aux passions amoureuses sans chercher à se protéger. Des âmes téméraires dont sa caméra tout à la fois caressante et brutale accompagne aussi bien les coups de cœur que les coups au cœur. Genèse est une œuvre sous tension permanente, au plus près de personnages totalement livrés à leur aveuglement amoureux. D’une sensualité à fleur de peau, ses images célèbrent aussi bien les mots que les regards échangés qui disent si bien le trouble, l’envie, la jalousie ou la rage. Un des plus beaux films d’amour(s) de ces dernières années.
Thierry Chèze

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PREMIÈRE A AIMÉ

ALEX, LE DESTIN D’UN ROI ★★★☆☆
De Joe Cornish

Attack the Block avait montré l’horizon esthétique de Joe Cornish : les productions Amblin mais remixées pour la génération hip-hop ; du spectaculaire et un émerveillement candide ; une passion pour les mythes (pop ou plus anciens) réinventés à travers un univers de gamers et de souvenirs cinéphiles. C’est le cas une fois de plus avec ce nouveau film qui ressemble d’ailleurs à un fantasme d’ado.
Gaël Golhen

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LA FAMILIA ★★★☆☆
De Gustavo Rondón Córdova

À force de jouer avec le feu dans les rues agitées de Caracas, un ado de 12 ans a fini par s’y brûler. Un mot de trop, un geste malvenu et le voilà qui blesse gravement un garçon d’une favela proche. Une agression appelée à ne pas rester impunie et qui pousse son père à l’exfiltrer du quartier pour échapper à cette vengeance. La Familia raconte le face-à-face orageux de ce père tentant de canaliser son fils qui le méprise pour sa propension à toujours s’écraser pour sauver leur peau. Rondón Córdova réussit à distiller une tension permanente dans cette course contre la mort, finement parsemée d’envoûtantes scènes contemplatives. Poignant mais jamais larmoyant, et fuyant toute esthétisation de la misère, ce thriller social est surtout un très beau film sur les liens du sang, sur le rapprochement a priori impossible entre ces deux caractères aux antipodes.
Thierry Chèze

LES OISEAUX DE PASSAGE
★★★☆☆
De Ciro Guerra & Christina Gallego

Obnubilés par les cartels colombiens – usines à thrillers peuplés de mafieux sanguinaires – et sa seule figure de proue, Pablo Escobar, le cinéma et la télévision ne se sont jamais vraiment intéressés aux racines du mal. Ces Oiseaux de passage de Ciro Guerra et Cristina Gallego – respectivement réalisateur et productrice de L’Étreinte du serpent en 2015 – est une épopée divisée en plusieurs chants retraçant la carrière d’un petit revendeur d’alcool qui va devenir, à partir de la fin des années 60, un trafiquant de drogue de haut vol. Son parcours exprime tout entier la dérive criminelle d’un pays qui aura longtemps du mal à donner au monde une autre image de lui-même. Les noms des chapitres du film (“Herbes sauvages”, “Les tombes”...) disent à peu près tout de cet inéluctable chemin vers l’abîme. Une trajectoire qui emportera dans son sillage l’honneur sacré d’une famille de paysans du nord de la Colombie. Les cinéastes désignent clairement les coupables de cet engrenage maléfique puisque c’est d’abord pour fournir en marijuana des gringos – hippies américains cherchant un peu de pureté facile loin de la civilisation – que l’homme, soucieux d’offrir une dot suffisante à sa promise, va faire fructifier son trafic. La cupidité ne résiste pas ici aux traditions séculaires dont les signes, pour peu que l’on sache les appréhender, agissent comme des garde-fous. Tourné à la façon d’un western empreint de mysticisme, ce film solaire sait aussi ressembler à ce que son sombre sujet lui impose. Fascinant.
Thomas Baurez

LES GRANDS SQUELETTES
★★★☆☆
De Philippe Ramos

Composé principalement d’images arrêtées, le film de Philippe Ramos invite à une analogie avec La Jetée de Chris Marker. Si le procédé est le même, le rapport aux personnages et à l’action diffère. Ici, la voix off illustre l’intériorité des êtres – hommes et femmes – pris au hasard de leur solitude respective. La mise en scène de Ramos (Fou d’amour) pénètre leur intimité secrète. Le mouvement des mots dynamise des images a priori neutres, soudain dotées d’une vitalité secrète. Si la succession de ces microfictions liées entre elles par des thématiques communes (le désir, les vertiges de la passion, la mort...) apparaît un brin mécanique et si leur intérêt est inégal, ce voyage faussement immobile nous ramène sans arrêt vers notre propre conscience. « Nous vivons comme nous rêvons, seuls ! », écrivait Conrad dans Au cœur des ténèbres. On le ressent très fort ici.
Thomas Baurez

LE VENT DE LA LIBERTÉ
★★★☆☆
De Michael « Bully » Herbig

Nous sommes en 1979. Deux familles d’Allemagne de l’Est rêvent de passer à l’Ouest et décident, pour cela, de construire une montgolfière, de repérer la nuit avec des vents porteurs et de survoler la frontière pour retomber de l’autre côté. Michael « Bully » Herbig (qui détient avec Qui peut sauver le Far West ? le record pour un film allemand au box-office de son pays) n’a pas inventé ce scénario en apparence abracadabrantesque. Les familles Strelzyk et Wetzel ont bel et bien entrepris cette singulière expédition la nuit du 16 septembre 1979. Leur épopée a même inspiré en 1982 un film à Hollywood : La Nuit de l’évasion de Delbert Mann (Marty). En signant ce remake, Michael Herbig se réapproprie un pan de l’histoire de son pays. Et il le fait habilement sans chercher à créer un vrai-faux suspense sur son dénouement qu’il sait connu du plus grand nombre. Ce qui l’intéresse ici, c’est le récit de cette atmosphère particulière qui régnait en RDA, où chaque voisin était un indic possible de la Stasi et où chaque geste sortant trop des habitudes devenait suspect. Herbig rend hommage au geste insensé de ces messieurs et mesdames Tout-le-monde avides de liberté. Il ne cherche jamais à les héroïser artificiellement, tout en distillant finement du romanesque dans l’élaboration de leur coup d’éclat. À l’image de l’histoire d’amour entre un fils d’une des familles et la fille d’un dignitaire de la Stasi qu’il aimerait emmener de l’autre côté du mur, mais à qui il doit évidemment taire ce qui se trame. Du cinéma populaire de belle tenue.
Thierry Chèze

 

PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ

BLANCHE COMME NEIGE ★★☆☆☆
D’Anne Fontaine

Anne Fontaine aime varier les genres et les ambiances. Ainsi, après avoir filmé l’enfer vécu par des religieuses polonaises violées pendant la Seconde Guerre mondiale (Les Innocentes), puis adapté non sans audace Marvin ou la belle éducation d’Édouard Louis (En finir avec Eddy Bellegueule), la réalisatrice s’aventure dans une relecture de Blanche-Neige des frères Grimm.  
Thierry Chèze

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SIMETIERRE ★★☆☆☆
De Dennis Widmyer et Kevin Kölsch

Stranger Things et le carton phénoménal de Ça ont définitivement relancé la Stephen King-mania, présente ces jours-ci à tous les étages de l’industrie, de la série Castle Rock (un jeu de pistes méta dans l’univers du maître de l’horreur) à la suite de Shining, Docteur Sleep, que peaufine actuellement Mike Flanagan. Simetierre, l’un des gros classiques du King, variation sur le mythe de Frankenstein dans laquelle une famille découvre un cimetière surnaturel qui ramène les morts à la vie, a droit à une nouvelle adaptation, après celle, controversée, signée Mary Lambert en 1989.
Frédéric Foubert

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ROYAL CORGI ★★☆☆☆
De Ben Stassen & Vincent Kesteloot

On connaît la passion de la reine d’Angleterre pour les corgis, Ben Stassen (Le Voyage extraordinaire de Samy) en a tiré une histoire aussi iconoclaste que rocambolesque. Rex, chien favori de sa Majesté (avec la voix de Guillaume Gallienne), perd son statut après avoir refusé d’honorer la chienne de Melania Trump et mordu les parties intimes du président des États-Unis ! Entraîné par son ami Charlie, il fuit le palais de Buckingham et finit par atterrir dans un chenil aux pensionnaires étonnants. Si l’humour et l’originalité de la première partie font mouche, on peut regretter la trame scénaristique bien plus convenue de la seconde (le retour au bercail in extremis du héros). Cette production belge a néanmoins du chien.
Sophie Benamon

 

PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ

RAY & LIZ ★☆☆☆☆
De Richard Billingham

Photographe de la décadence humaine, Richard Billingham est célèbre pour avoir « exposé » ses parents dans la misère de leur vie : alcooliques, ne montrant aucun signe d’affection pour leurs enfants et isolés dans une société thatchérienne qui déclassait très rapidement. Il y revient dans son premier film, Ray & Liz. Celui-ci s’ouvre sur la chambre d’un vieillard qui reste couché toute la journée et reçoit les visites régulières d’un homme venu lui livrer des bouteilles en plastique remplies d’un jus saumâtre. Cette scène donne le ton et le rythme (lent) de ce qui va suivre : des séquences de « vie de famille » aussi déprimantes que grotesques. Billingham scrute les détails de la vie de ses géniteurs à la manière d’un entomologiste. Mais sa façon de nous donner à voir ainsi ce couple si malsain s’enfoncer dans son malheur nous enferme dans une pénible position de voyeur.
Sophie Benamon

 

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