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Christopher Nolan, l’opération Dynamo, le devoir de mémoire… Patrice Vergriete revient sur une année très spéciale.

Pour notre bilan de l’année, nous avons rencontré quelques personnalités qui ont fait 2017.

On ne sortira pas indemne de Dunkerque, grand Nolan et grand film

Il y aura un avant et un après Christopher Nolan pour Dunkerque. En installant ses caméras sur le littoral de la sous-préfecture du Nord, le réalisateur lui a offert une exposition sans précédent. On fait le point sur une année 2017 mouvementée pour le maire de la ville, Patrice Vergriete. 


Cette année a été très spéciale pour vous et votre ville. Comment avez-vous vécu la sortie de Dunkerque ?
C’était très particulier. Cela a éclairé des moments douloureux de l’histoire de la ville, qui a été quasiment détruire au cours des dix jours de l’opération Dynamo. Je rappelle qu’il y a eu 3 000 morts civils et 10 000 blessés. Donc c’était un mélange d’émotion et de grande fierté d’accueillir Christopher Nolan, tout en étant au coeur de l’actualité cinématographique mondiale.

L’avant-première à Dunkerque a aussi dû être un moment spécial.
C’était un honneur énorme que l’avant-première française se fasse à Dunkerque. C’était une reconnaissance, l’équipe du film a vraiment joué le jeu en allant au contact des Dunkerquois, qui le leur ont bien rendu. J’ai même eu l’occasion de donner un petit cadeau à Christopher Nolan, un bocal rempli de sable de la plage. 


Vous avez déjà pu mesurer une augmentation du tourisme local ?
Il y a eu un effet de notoriété indéniable. Je suis élu depuis 2014, et on avait mis dans notre programme l’accueil des productions cinématographiques et le développement du tourisme. Entre 2014 et 2016, grâce à la mise en avant de la station balnéaire, il y a eu 50 % de croissance de fréquentation. L’effet Nolan s’est fait ressentir cet été : on a eu une météo maussade mais tout de même près d’un quart de fréquentation en plus. Au total, on est à plus 73 % de fréquentation et il y a bien un tiers de cette croissance qui s’explique par le film. L’origine des touristes est également plus variée, ça va de la Nouvelle-Zélande jusqu’au Nicaragua. J’ai l’exemple de Coréens sont arrivés à Charles-de-Gaulle et qui ont demandé au taxi de les emmener sur les plages de Dunkerque ! Pour eux, c’est la plage de Paris (rire). Avant, les gens avaient du mal à placer Dunkerque sur la carte. Maintenant quand on dit le nom de la ville, on nous répond : « Ah, le film ! »

Qu’avez-vous pensé du film ?
Je suis fan de Nolan à la base ! Je suis fasciné par son traitement du temps, qui donne de l’intensité à Dunkerque. J’ai trouvé ça fort, puissant, marquant. Il a pris l’angle du soldat britannique pour en faire un film de survie. Il aurait pu faire un long-métrage sur les troupes françaises mais cela aurait été complètement autre chose. Nolan assume son choix, ça ne me gêne pas du tout. C’est du cinéma, pas un documentaire historique. C’est un réalisateur britannique et pour lui Dunkerque, c’est la survie. Je pense qu’il mérite l’Oscar.

Les Hauts-de-France vont encore beaucoup faire parler d’eux entre la suite du P’tit Quinquin, Baron Noir saison 2 tourné près de Dunkerque, le prochain film de Dany Boon, l’arrivée du festival des séries à Lille… Qu’est-ce que ça dit sur la région ?
Que ça fait du bien d’être reconnu par des cinéastes et le monde de la culture. C’est une forme de revanche. Depuis le début de mon mandat, on veut exploiter les paysages de Dunkerque pour le cinéma, on a même monté une cellule spéciale pour ça. Il se trouve a région a souhaité utiliser la même stratégie. Le cinéma représente un potentiel économique et c’est vraiment un territoire fait pour ça. On a une population qui est fière de recevoir des tournages, car on souffre de préjugés injustes. Le cinéma réhabilite une forme de fierté des Hauts-de-France. Par exemple Baron Noir, au-delà de l’histoire politique, montre des images du littoral de Dunkerque formidables.

Quels sont vos films marquant de 2017 ?
J’aimerais beaucoup voir Star Wars : Les Derniers Jedi ! J’ai 49 ans, c’est ma génération. Le meilleur film de l’année est forcément Dunkerque mais sinon… Quels sont les grands films sortis ces derniers mois ? J’ai été président de ciné-club dans ma jeunesse, mais maintenant je dois voir quatre ou cinq long-métrages dans l’année. L’agenda de maire est terrible !

Que retenez de l’année écoulée ?
Je me demande pourquoi, à un moment donné, il y a eu convergence entre une volonté politique de faire vivre la mémoire du territoire et le film de Christopher Nolan. En 2014, je voulais refaire du tourisme de mémoire autour de l’opération Dynamo. Et en parallèle, Nolan arrive. Certains pourraient dire que c’est de la chance et du hasard. Mais je pense qu’il se passe des choses en Europe en ce moment : la montée des nationalismes, des problématiques autour des migrants et des réfugiés… Avec toutes les tensions qui en découlent et une forme d’extrémisme dans la population. Cela va également de pair avec la façon dont le monde du cinéma se dresse face à Donald Trump. C’était peut-être dans l’air du temps, le moment de ressortir ce qui a un moment donné soudé nos nations européennes. Réhabiliter la mémoire de ces choses. Est-ce qu’on n’est pas dans une société qui a besoin de se souvenir ? Je ressens une vraie inquiétude chez les gens et le cinéma semble être en train de leur dire : « Où allez-vous ? Souvenez-vous d’où on vient ».