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Le numéro de septembre 1979, avec Marlon Brando en couverture, fourmille d’anecdotes.

Dimanche soir sur Arte, le classique de Francis Ford Coppola Apocalypse Now (version longue) sera rediffusé, suivi d’un documentaire sur ses coulisses, intitulé Au cœur des ténèbres, titre tiré du livre de Joseph Conrad qui inspira (très librement) le film au cinéaste et à son co-scénariste John Milius. Sorti en 1992, celui-ci mélange des archives de tournage filmées par Eleanor Coppola, la femme du réalisateur, ainsi que des extraits de son journal. De 21h à 1h45, la chaîne reviendra sur ce chef-d’œuvre du cinéma, que Première avait acclamé à sa sortie, en septembre 1979.

Quelques mois après la Palme d’or cannoise, Marlon Brando était en couverture du numéro, et à l’intérieur, l’article d’Henri Béhar regorgeait d’anecdotes incroyables et était illustré par des photos choc du tournage. Petit best-of, en attendant de passer une soirée apocalyptique devant Arte.

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5 ans de production, entre tempêtes, dépassement de budget et crises de folie
Prévu pour durer six semaines, le tournage d’Apocalypse Now s’est étalé sur plus d’un an. 16 mois de prises de vue en tout, puis une longue phase de post-production (le montage durera trois ans, et la voix-off sera notamment enregistrée par le frère de Martin SheenJoe Estevez). En tout, l’expérience s’étale sur 5 ans pour son créateur.

Sur le plateau, les éléments se déchaînent, avec notamment l’ouragan Olga qui dévaste les décors et la dysenterie qui frappe les équipes. Les corps et les esprits sont éprouvés par ce tournage longue durée. "Nous étions dans la jungle, nous étions trop nombreux, nous avions trop d’argent, trop d’équipement, et nous sommes tous devenus fous, expliquait FF Coppola à l’époque. Vous le voyez dans le film, l’image devient plus folle, les acteurs deviennent fous, je suis devenu une sorte de général Kurtz. Un réalisateur qui a autant d’argent, d’équipement, d’hommes à sa disposition devient l’un des grands potentats du monde." 

Apocalypse Now est en effet un gouffre financier dans lequel Coppola engage sa fortune personnelle. A force d’imprévus et de retards, le budget explose, grimpant jusqu’à 33 millions de dollars, dont 1 million pour Brando qui ne passera pourtant que cinq semaines sur le plateau. Une gabegie totalement assumée par Copolla : "On m’a accusé de dépenser un argent fou. Pourquoi, alors que je fais le premier film sur le Vietnam, pourquoi est-ce un crime de dépenser sur un film qui traite de moralité autant d’argent que pour un gorille géant (King Kong) ou une andouille qui se balade dans le ciel (Superman) ?". 

Sans compter que le Ministère de la Guerre refuse de l’aider. Le réalisateur doit se débrouiller pour trouver des hélicoptères lui-même. Le rôle du capitaine Willard est offert à Steve McQueenAl Pacino ou encore James Caan. C’est finalement Harvey Keitel qui démarre le tournage, mais il est renvoyé au bout de trois semaines, et donc remplacé par Martin Sheen

Martin Sheen entre confiance absolu et arrêt cardiaque
L'acteur sent tout de suite que le film va faire date : "Dès que je suis arrivé sur le plateau, que j’ai vu les hélicoptères, que j’ai vu la manière dont Francis (Coppola) et Vittorio (Storaro, le directeur de la photographie) installaient leurs caméras, j’ai été certain qu’Apocalypse Now serait un film pas comme les autres, qui ferait date dans l’histoire du cinéma". 

Ce dernier est cependant victime d’un infarctus dans une cabane isolée au beau milieu du tournage et erre plus d’une heure avant de trouver de l’aide. Il doit quitter le tournage pendant plusieurs semaines. Eleanor Coppola écrit dans son journal de bord : "D’une certaine manière, ce scénario traite d’une confrontation avec la mort. Marty vient de l’affronter dans la réalité. Je n’ose imaginer comment cela affectera sa performance dans les dernières scènes…"

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Brando, entre en jeu
Quand Brando débarque enfin sur le tournage, il s’enferme pendant cinq jours avec Coppola et Storaro. Il est tellement rentré dans son personnage que les autres acteurs, quel que soit leur plan de travail, traînent sur le plateau pour admirer sa performance. 

Martin Sheen relatait dans Première une scène en particulier. "Kurtz-Brando lit un poème de T.S. Eliot. Un mouche se pose près de son pied, il n’interrompt pas sa lecture, avance sa main, ferme le poing, sans savoir s’il a attrapé la mouche ou non. A la fin du poème, il ouvre le poing, et la mouche s’envole…" 
Voilà comment naît une légende...