Anna
Sky Studios / Arte France

La nouvelle série du créateur d'Il Miracolo, intense conte dark sur l'enfance et la fin de l'innocence, arrive ce soir sur Arte. Pas loin d'être une (très) grande.

Deux mois après sa mise en ligne sur la plateforme en ligne Arte.TV, Anna, nouvelle pépite du créateur d'Il Miracolo, débarque ce jeudi en prime time sur Arte pour deux soirées exceptionnelles (suite et fin le 11 novembre prochain).

Le carton de début donne d'emblée à la série une autre dimension. Dans Anna, son roman, sorti en 2015, qu'il adapte lui-même aujourd'hui, l'auteur transalpin Niccolò Ammaniti avait imaginé qu'une épidémie emportait les plus âgés sur son passage. Un postulat de départ, forcément troublant... mais surtout le moyen de raconter autre chose. Un environnement sans adultes, où les plus jeunes auraient recomposé une société chaotique et violente (on pense forcément à Sa Majesté des Mouches) en étant tiraillés par la peur de grandir. Là, dans les ruines de ce monde d'avant, une jeune fille entreprend un voyage au-devant des réalités les plus cruelles pour retrouver son petit frère disparu...


Largement saluée, l'expérience Il Miracolo était une première dans la carrière de Ammaniti (ses débuts sur une série) et faisait figure d'exception, loin de ses obsessions de romancier. Lui a souvent fait de ses héros des enfants pour décrire leurs tourments. Avec Anna, il y revient littéralement. Cinq ans après sa parution, il revisite son roman en en conservant la substance, mais en changeant les situations et les dynamiques entre les personnages. Si adapter c'est trahir, la série n'aurait pas été possible sans cette ruse, au risque de paraître ennuyeuse, dixit Ammaniti. On ne peut que lui donner raison. A l'image, la série, sorte d'Alice au pays des horreurs ancrée dans le présent, se révèle complémentaire, et plus riche encore que sa base. C'est en tirant partie des décors baroques de Sicile, dans des plans qui traduisent sa recherche d'un cadrage équilibré et de jeux chromatiques constants, que l'auteur, devenu réalisateur à part entière, redéploie son récit, à la hauteur du conte morbide qu'il raconte.

Quête existentielle émaillée de rencontres, Anna met surtout en scène la force de l'imagination comme baume à la cruauté ordinaire. Un exutoire sur les chemins d'une enfance dévoyée par la maladie et la mort, façon del Toro dans son Labyrinthe de Pan (sublime séquence du théâtre de marionnettes). Sa faiblesse est de surligner le propos, là où la suggestion semblait bienvenue. Comme lorsqu'une voix-off surexplicative réduit la portée de son final. Pas de quoi entacher la force émotionnelle du récit, acte de naissance d'une jeune comédienne impressionnante, Giulia Dragotto. Elle porte la série, traversant l'enfer sans flancher.