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Situé un jour de Saint-Valentin, le deuxième épisode de la saison 7 de Mad Men enregistre le tonitruant retour de Sally Draper et s'avère toujours plus cruel envers Peggy.

Mad Men saison 7 de la série = Review de l'épisode 2 : A Day's Work Attention spoilersSi les enfants de Don Draper n'apparaissaient pas dans l'épisode introductif de la saison 7 (lequel s'achevait par un plan dévoilant la ravageuse solitude du publicitaire), l’épisode 2 fait de la relation entre Don et sa fille Sally un de ses sujets centraux. Venue passer quelques heures à New York avec ses camarades de pensionnat, l'adolescente rend en effet visite à l'agence Sterling Cooper & Partners mais réalise qu'un certain Lou Avery occupe désormais le bureau de son père. Désorientée par ce changement, Sally se dirige alors vers l'appartement de Don, qui n'ose pas avouer à sa fille qu'il est désormais persona non grata à SC&P et préfère lui mentir. Débute alors une brillante partie de cache-cache verbal entre une Sally qui soupçonne son père de lui dissimuler un nouvel adultère et un Don qui a entre-temps été mis au courant par un appel de Dawn - son ancienne secrétaire qui continue à l'informer des évènements qui se produisent à l'agence - de la visite de sa fille dans les locaux. Lors du trajet retour en voiture, où passe à la radio Elenore des Turtles (dont les paroles insistent sur la nécessité de bien communiquer pour exprimer son amour), Don tente de faire culpabiliser Sally en étant le premier à la traiter de menteuse, ce qui pousse la jeune fille à avouer sa violente crainte de revivre le traumatisme de la saison 6 qui lui fit découvrir les infidélités de son père. Sentant qu'il est enfin temps de restaurer une confiance perdue vis-à-vis de Sally, Don décide de jouer franc jeu lors d'un arrêt dans un diner. Le publicitaire avoue ainsi qu’il a été viré de SC&P il y a plusieurs mois en raison de mots déplacés. Comprenant aussi que son géniteur n'est pas motivé par la perspective de rejoindre son épouse Megan à Los Angeles, Sally se mue en confidente et en conseillère sentimentale quand elle demande : « Pourquoi ne dis-tu pas simplement à Megan que tu ne veux pas aller en Californie ? ». Au fil d'une apaisante conversation, Don réalise que sa fille est la première personne à qui il peut entièrement dire la vérité depuis le décès d'Anna Draper. La mise en scène de cette discussion au diner, qui choisit d'instaurer plusieurs silences, appuie sur l'importance de cet équilibre retrouvé entre Don et Sally. Car le salut du héros de Mad Men semble essentiellement pouvoir venir de sa fille aînée en cette année 1969 où la jeunesse américaine s’apprête à vivre des remous majeurs dans le sillage de Woodstock.

Parallèlement à la storyline Don/Sally, l'épisode décrit une journée de travail (que le titre de l'épisode s'amuse à présenter comme ordinaire) à SC&P, durant laquelle Peggy se voit soumise à rude épreuve. Apprenant dans l’ascenseur que l’on fête la Saint-Valentin en ce 14 février 1969, la jeune célibataire découvre un bouquet de fleurs devant son bureau. Flattée mais persuadée que le cadeau est adressé par Ted Chaough, son ancien amant qui travaille désormais pour l'antenne californienne de SC&P, Peggy va passer la journée entière dans l'illusion. Car si le spectateur apprend vite que le bouquet est en réalité destiné à la secrétaire Shirley, Peggy accusera constamment un temps de retard au sein d'un épisode qui cultive une tonalité de comédie noire et décèle avec malice les comportements absurdes de la publicitaire. Livrée à elle-même en ce début de saison 7, Peggy subit de plein fouet les effets des sacrifices personnels qu’elle a accumulés depuis des années au nom de son travail. Le comble de l'ironie intervient lorsqu'elle ordonne à sa secrétaire Shirley de « grandir un peu », alors même que Peggy n'a jamais semblé aussi immature et dépassée par les exigences du monde adulte.Cet épisode de Saint-Valentin aborde aussi la question raciale en montrant à travers le duo de secrétaires noires Dawn/Shirley que l’Amérique est encore loin d'en avoir fini avec la discrimination. Lors d'une séquence aussi brève qu'implacable, Bert Cooper informe ainsi Joan que la présence de Dawn à l’accueil renvoie une mauvaise image de l’agence et qu'il faut cacher cette secrétaire noire que l'on ne saurait voir. Mais le reste de l'épisode indique que le regard du personnage de Bert possède déjà quelque chose d'archaïque puisque le duo Dawn/Shirley symbolise ici une force d'avenir, faisant preuve d'une lucidité et d'une analyse des situations qui tranchent avec les maladresses d'une agence où les dysfonctionnements s'avèrent permanents (il faut voir à ce titre les hilarants couacs de communication téléphonique entre l'agence new yorkaise et sa branche californienne, qui rendent Pete Campbell fou de rage). Traitant d’incompréhensions et de malentendus en tous genres, A Day’s Work s’achève cependant dans une tendresse inattendue. Au moment où il dépose Sally devant son pensionnat, Don est surpris d’entendre sa fille conclure la journée par un « Joyeuse Saint-Valentin, je t’aime », qui constitue au final la seule déclaration d'amour de l'épisode. Touché par ces mots, le père de famille n’a pas le temps de répliquer et demeure immobile dans sa voiture au son de l'enthousiasmante chanson This Will Be Our Year de The Zombies. L’année 1969 pourrait en effet bien être celle de Don et Sally, père et fille qui viennent d'apprendre à se dire la vérité et découvrent par là un univers qui leur restait jusqu’ici totalement inconnu.

Damien Leblanc