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A l'occasion de la diffusion ce soir à 20h50 sur Canal+ de Foxcatcher, son réalisateur revient sur ce film hors-norme.

Première : Bennett, vous retracez dans Foxcatcher un fait divers complètement fou. L’histoire de John du Pont, milliardaire philanthrope qui s’était entiché de lutte gréco-romaine et finit par abattre un champion olympique à bout portant. Comment en êtes-vous venu à vous intéresser à cette histoire ?
Bennett Miller : J’avais lu un article, ça m’avait fasciné et je crois que j’ai fait le film uniquement pour retrouver le sentiment étrange que j’avais éprouvé à la lecture de cet article. Ça m’avait captivé, je sentais qu’il y avait quelque chose à creuser dans cette histoire. J’ai d’abord trouvé ça drôle, absurde. Une résidence de 160 hectares habitée par une équipe olympique de lutte gréco-romaine et un milliardaire excentrique ? Hum… Forcément, il se trame quelque chose de louche là-dessous. S’il n’y avait pas de meurtre à la fin, ce serait d’ailleurs un matériau génial pour une comédie. Mais je voulais surtout faire un film qui donne à réfléchir. Que Foxcatcher fasse l’effet d’une gifle.

Quand on s’inspire d’un fait divers, on se mesure forcément, qu’on le veuille ou non, au De sang-froid de Truman Capote. A fortiori quand on a réalisé dans sa vie un film qui raconte comment Capote a écrit De sang-froid
Il y a des parallèles à tracer, c’est sûr. Capote aussi avait été fasciné par la lecture d’un article. Et j’ai repensé à lui pendant le production du film, quand Mark Schultz (frère du lutteur assassiné par du Pont, lutteur lui-même, incarné par Channing Tatum dans le film) s’est plaint du titre de mon film (Foxcatcher était le nom de la propriété de du Pont, ndr). Or, Perry Smith (l’un des deux tueurs de De sang-froid) s’était lui aussi plaint du titre du livre de Capote. C’est très délicat de collaborer avec quelqu’un dont tu racontes l’histoire et de réaliser en cours de route que vos intérêts peuvent diverger.

Pourquoi avoir choisi Steve Carrell pour incarner du Pont ?
D’abord, je pense que tous les comiques ont un côté obscur, et je voulais explorer le sien. Ensuite, le truc avec Steve, c’est qu’il est totalement adorable. On se dit qu’il ne ferait pas de mal à une mouche. Et c’est comme ça que les gens percevaient John du Pont.

Steve Carell : "Je n'ai pas choisi ce rôle pour prouver quoi que ce soit"

Pourquoi cette immense prothèse nasale ? C’était vraiment nécessaire ?
Je souhaitais montrer Steve Carrel comme vous ne l’aviez jamais vu, j’ai donc décidé de faire ça de façon littérale ! Il y aussi toute la tradition théâtrale du masque, je trouve que ça produit des choses intéressantes, profondes, en terme de jeu. Et ce nez est très emblématique de la famille du Pont. Très aristocratique.

On peut le voir comme un symbole sexuel, aussi.
Vous êtes le premier à me dire ça. Et je ne l’ai jamais dit à personne non plus. Mais il y a effectivement un gros plan dans le film que je trouve presque pornographique…

J’ai pensé à The Master. Vous voyez le lien ?
The Master, mais en beaucoup mieux ! Pardon, c’est une blague, je suis copain avec Paul (Thomas Anderson), c’est juste au cas où il tomberait un jour sur cette interview. Je vois ce que voulez dire : un homme de pouvoir, qui prend un jeune homme sous son aile, et prétend détenir une certaine forme de vérité alors qu’il a manifestement lui-même plein de problèmes personnels irrésolus… La comparaison a du sens. Pourtant, c’est marrant, j’ai montré Foxcatcher à Paul, on en a longuement parlé, mais le sujet n’est jamais venu sur le tapis.

Vous lui en parlerez la prochaine fois que vous le verrez ?
Je lui envoie un texto tout de suite si vous voulez !

La bande-annonce de Foxcatcher, diffusé ce soir à 20h50 sur Canal+ :