Trente ans après l’accession de Mitterrand à la présidence, le réalisateur Serge Moati lui consacre un film remarquable, qui mêle archives et scènes fictives, diffusé ce soir à 20h35 sur France 2. Il raconte pour Télé 7 jours…

Trente ans après l’accession de Mitterrand à la présidence, le réalisateur Serge Moati lui consacre un film remarquable, qui mêle archives et scènes fictives, diffusé ce soir à 20h35 sur France 2. Il raconte pour Télé 7 jours…Le titre de votre film reprend celui du programme électoral de Mitterrand. Vous y montrez ses deux premières années au pouvoir, de 1981 à 1983. Pourquoi ?C’est une période-clé de notre histoire. Le premier Président socialiste de la Ve République était guidé par un sentiment d’urgence pour réformer la société. Il a commencé à mettre en application les 110 propositions de son programme: nationalisations, création de l’impôt sur les grandes fortunes, semaine de 39 heures… Puis, rattrapé par la réalité économique, il a dû se résoudre à mettre le cap sur la rigueur.Vous étiez son conseiller audiovisuel, à titre bénévole. Comment l’avez-vous rencontré ?En 1971 au Congrès d’Epinay, quand il a été élu premier secrétaire du PS. Je faisais partie d’un club socialiste. Mitterrand a demandé qui pouvait le filmer et l’entraîner à passer devant les caméras. On lui a donné mon nom. Il m’a dit : "Je connaissais le cinéaste Serge Moati, je ne connaissais pas le camarade Moati". Evidemment c’était faux, mais, à 25 ans, j’ai été flatté.  Il détestait les interviews télévisées, non ?Oui, il avait une peur panique de l’œil noir de la caméra. Il arrivait crispé sur les plateaux, se méfiait des techniciens… En plus, il clignait beaucoup des yeux et avait de mauvaises dents.Les comédiens Philippe Magnan et Eric Caravaca interprètent une scène étonnante, quand vous préparez Mitterrand au débat télévisé de l’entre deux tours, en 1981…Il redoutait cet affrontement avec Valéry Giscard d’Estaing. En tête-à-tête avec lui dans sa loge, j’ai tenté de créer un climat favorable en lui disant que nos morts – mes parents, les siens… – entendraient sa prestation. Ça l’a ému, apaisé. Il croyait aux forces de l’esprit, moi aussi. Ce moment particulier a tissé un lien entre nous.D’où le fait qu’il vous nomme directeur général de FR3 ?A l’issue de la garden-party de l’Elysée du 14 juillet 1981, nous parlons de la météo quand il me lance soudain: "Quelle chaîne voulez-vous ?" Je réponds : "La Trois." Il rétorque : "Ah, j’aurais pensé la Deux !" C’était le fait du prince. Jusqu’en 1985, j’ai réorganisé la chaîne en sociétés régionales indépendantes, ce que la droite a défait par la suite.Mitterrand est-il le héros de votre jeunesse ?Oui. Il me fascinait, m’a fait aimer passionnément la France. Je suis fier de l’avoir accompagné dans son accession au pouvoir. Nous parlions littérature, poésie, histoire, cinéma. Si je n’ai pas eu toutes les clés pour comprendre ce personnage complexe, je l’ai trouvé très à l’écoute, d’une grande courtoisie, et généreux. Le contraire d’un cynique. Je dirais même gentil…Interview Emmanuel Ducasse, journaliste pour le magazine Télé 7 jours.