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"Silent Running était la réponse de Trumbull à l'univers clinique de 2001", explique le réalisateur de 99 Francs.

"Douglas Trumbull : big respect". C'est par ces mots que Kounen répond au téléphone. Depuis qu'il s'est pris à 8 ans le monolithe de Kubrick en pleine figure, le réalisateur de Blueberry est fasciné par le génie qui a conçu les effets spéciaux de 2001, Blade Runner ou Tree of Life. A l'occasion de la réédition DVD de son premier film, Silent Running, le mois dernier, personne n'était mieux placé que lui pour évoquer l'artiste et l'inventeur.

Jan, tu te souviens du moment où tu as découvert Silent Running ?
J'ai fantasmé ce film pendant quelques années... Quand j’ai su que le type qui avait imaginé les SFX de 2001 avait aussi réalisé un film j'ai tout de suite voulu le voir. Je l'ai découvert à 19 ans, et j’ai immédiatement été frappé par le propos du film, la métaphore écologique. A l’époque, c'était hyper novateur. L’idée que la végétation a disparu et que l'humanité conserve ce qu'il reste de plantes dans des sphères dont, pour des raisons économiques, on décide de se séparer : c'était dingue. Rétrospectivement, le film a un peu vieilli ; c'est très 70's avec Bruce Dern en tunique qui arrose des plantes sur une musique de Joan Baez ; la psychologie des personnages est brossée à la serpe. Mais c'est indissociable de 2001.

 

Parce que Trumbull l’a imaginé en réaction au Kubrick ?
Exactement : Silent Running était la réponse de Trumbull à l'univers clinique de 2001. Il a essayé d'insuffler un sentiment de vie au monde de la SF et il va jusqu'à mettre l'humanité du côté des machines. La chose magnifique ce sont les "drones", les petits robots, et la relation que le héros construit avec eux. En gros, pour sauver les plantes, il doit garder un contact humain. Parler, penser. Vivre. Alors il va reproduire avec ces drones des scènes du quotidien. Il va leur donner des noms ou leur apprendre à jouer aux cartes, alors que ce sont des boîtes de conserve. Dans 2001 c'était de la déprogrammation là, c'est de la reprogrammation.

Tu le disais au début, Trumbull était aussi un inventeur
C’est d’abord un inventeur. Silent Running souffre parfois d'un manque de moyen (tout a été tourné sur un porte-avion désaffecté d'où parfois l'aspect rudimentaire) et ce n'est pas un génie de la mise en scène comme Kubrick. Mais il a fait progressé le cinéma comme peu de gens en se posant les bonnes questions sur la nature du support – le 35 mm. Avec le Showscan (un procédé de projection a 60 images/secondes en 70 mm développé dans les années 70 ndlr) il a quasiment inventé la VR. Il cherchait à développer la sensation d'immersion sensorielle - regarde son attraction Back to the futur : the Ride il s'interrogeait déjà sur la cognition et les dispositifs immersifs. Il cherche à bousculer les frontières du medium et je crois qu’il n’a pas encore le statut qu’il mérite…

Quelques semaines après sa réédition en DVD, Silent Running est diffusé sur Arte, dans le cadre d'un cycle science-fiction. Rendez-vous ce soir, à partir de 22h30.