Toutes les critiques de Crash

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    Avec sa nomination comme président du jury du festival de Cannes et la sortie de son dernier opus (eXistenZ, le 14 avril), David Cronenberg est à nouveau sous les feux de la rampe. Parfaite occasion pour revenir, très largement, sur la dernière oeuvre du cinéaste canadien, Crash, trois ans après sa sortie française, loin des querelles d'écoles et des controverses générées alors.
    Crash fut projeté pour la première fois en mai 1996 dans le cadre de la sélection officielle du festival international du film de Cannes. Il y suscita une vive polémique, dont le jury, présidé par Francis Ford Coppola, se fit écho, lors du palmarès, en lui décernant son prix spécial pour son "audace et son originalité". Pour la première fois dans l'histoire du festival, le président du jury, en attribuant ce prix, se fit un devoir de stipuler qu'une partie des membres s'était fortement abstenue dans ce choix. Nous apprendrons, bien plus tard, que Coppola, bien que président du jury, était à compter au nombre des fervents détracteurs de l'oeuvre du cinéaste.Crash est l'adaptation cinématographique du roman éponyme écrit en 1973 par le romancier britannique James Graham Ballard. C'est un conte d'avertissement sur les dangers de la technologie contemporaine, dont la voiture représente l'emblême le plus symptomatique, dans lequel, des personnages désincarnés s'adonnent à une sexualité perverse polymorphe qui intègre la machine (la voiture) dans son projet de fusion avec l'homme. L'un des enjeux de l'oeuvre est de dévoiler les mécanismes psychiques par lesquels l'homme, au contact d'un crash routier , va développer une nouvelle cartographie des stratégies du désir, à l'aune du troisième millénaire.Crash, le film de Cronenberg, poursuit cette métaphore sur les pulsions libidinales et les pulsions de mort, et sur les incidences et influences que la technologie peut avoir sur le corps humain. Pour le cinéaste canadien, qui n'a cessé depuis plus de vingt ans de problématiser le corps, au point que son cinéma s'en est quasiment fait une spécificité - on parle à son sujet de cinéma "viscéral" - l'adaptation d'un tel roman s'inscrit dans la droite logique de ses travaux antérieurs. L'épidémique, les mutations génétiques, les transformations physiques ont depuis toujours intéressé le metteur en scène canadien ? Crash de JG Ballard lui donne l'opportunité de poursuivre son investigation du corps humain, d'un corps profond, viscéral et organique.Nous allons essayer, ici, de mettre au jour les stratégies de la production désirante, à l'oeuvre dans cette fiction cinématographique, dans le champ d'une sexualité humaine triangulaire, faisant de la voiture le troisième terme de son système. Nous délimiterons notre analyse à l'oeuvre du cinéaste stricto sensu. Nous n'avons donc pas ambition de procéder à une étude comparative entre le roman d'un auteur et le film d'un cinéaste, ni d'essayer de faire entrer ce film-ci dans le lit de procédure des oeuvres précédentes du metteur en scène. Il existe, de fait, déjà, une littérature analytique extensive, tant anglo-saxonne que française, sur Cronenberg, notamment sur cette "horreur intérieure" que son cinéma a vocation de thématiser.Notre démarche analytique intégrera trois approches méthodologiques différentes, dont nous tacherons de montrer qu'elles sont complémentaires, à savoir : la psychanalyse, les gender studies et la théorie critique cinématographique. L'interdisciplinarité, mot galvaudé et dangereux s'il en est, sera, nous le souhaitons, légitimée par le foisonnement théorique récent sur la corporéité et la nécessité corrolaire, nous semble-t-il, de décloisonner un tel sujet.
    Par gender studies, nous voulons comprendre les théories techno-féministes nord-américaines et britanniques, avec Kathy Acker et Dona Harraway notamment, sur la sexualité, dont la pertinence, ici, nou semble justifiée par les nombreux recoupements thématiques entre les travaux de ces dernières sur le corps et celui de Cronenberg.
    Par psychanalyse, nous entendons ici nous servir principalement des écrits théoriques de Deleuze, Guattari et Lacan sur le corps, le désir et le concept de jouissance.De la théorie cinématographique, enfin, nous ferons un usage très modeste, en nous appuyant principalement sur les travaux de Robert Bresson, en matière de direction d'acteur et de mise en scène. Pour ce qui est de la critique cinématographique, notre analyse se concentrera principalement sur les critiques des Cahiers du cinéma et de Positif, sur les ouvrages de Serge Grünberg et de Chris Rodley sur le cinéaste et sur le long entretien que le cinéaste a accordé à Andrew Hultranks pour Artforum.Les nouvelles machines désirantes
    Le titre de notre dossier, qui fait référence au concept élaboré en 1973 - la même année que celle de la parution du roman de JG Ballard - par Gilles Deleuze et Félix Guattari dans l'anti-Oedipe, ne marque pas pour autant explicitement son appartenance aux auteurs susnommés. La raison en est simple, nous n'avons pas pour projet exclusif, ici, de faire, entrer Crash dans le lit de procédure du premier chapitre de l'anti-Oedipe, et ce dossier ne se veut pas un passage au crible de toute la théorie de la production du désir des deux auteurs dans le film de David Cronenberg. Nous espérons que le mot "nouvelles", pour qualifier ces machines désirantes suffira à signifier que nous leur en sommes fort redevables.L'expression Machines désirantes - et non le concept stricto senso - semble cristalliser autour d'elle nombre de nos préoccupations théoriques. Elle glose à la fois l'idée de recherche d'un nouveau mode d'appréhension du désir, et partant de là, de la sexualité humaine, et celle de fusion entre l'homme et la machine.Avant de problématiser le désir dans Crash, il nous a paru utile de commencer notre dossier par une analyse de la syntaxe cinématographique cronenbergienne, afin de pouvoir mettre en lumière ce qui fait la singularité d'un tel film, sur les plans narratologique, identificatoire et plastique. De cette subversion de la syntaxe dominante, hollywoodienne s'il en est, nous voudrions ensuite montrer qu'elle participe d'un refus d'un filmage convulsif de la sexualité, et pour ce faire, nous utiliserons les concepts de manque à voir et de répétition.Crash
    Réal. : David Cronenberg
    Canada - 1996 - 1h 40mn. Interdit aux moins de 16 ans
    Avec James Spader, Holly Hunter, Rosanna Arquette, Deborah Unger, Elias Koteas...
    Date de sortie : 17 Juin 1996
    Sur Flu :
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