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Le 37ème Festival du cinéma américain de Deauville, vient de s'ouvrir avec ses films, ses stars et ses tapis rouge… Retrouvez les coulisses de cette 37e édition. Au programme : Friends et un joyeux anniversaire.Mercredi matin, le soleil est revenu, les promeneurs aussi. On croise l’acteur Jason Clarke (Yelling to the sky), qui prend son petit-déjeuner à la terrasse d’un salon de thé, dans le centre-ville.  Sur le tapis rouge, le beau temps redonne le sourire aux membres du jury. Nathalie Baye, en jeans et sandales, signe des autographes. Bruno Todeschini, barbe de trois jours et cigarette aux lèvres, pose pour les photographes. Le comédien Bruno Wolkowitch, un fidèle de Deauville, vient voir le film en compétition, Without, de Mark Jackson.« Bon anniversaire papa ! »Le jeune réalisateur dédie le film à son père : « Il rêvait d’étudier, à la Sorbonne, explique Mark Jackson en français. Mais il n’avait pas d’argent et il a dû partir faire la guerre au Vietnam. Il ne connaît toujours pas la France, mais aujourd’hui c’est son anniversaire. Bon anniversaire papa ! ».Without suit Joslyn, une jeune fille chargée de s’occuper d’un vieil homme, sénile et invalide, pendant les vacances de ses enfants. Elle s’installe dans la maison familiale, perdue en pleine forêt, sur une île de l’Etat de Washington. Isolée avec un étranger mutique, sans réseau téléphonique, sans internet, la jeune femme se retrouve confrontée à ses peurs et ses douleurs : solitude, doutes sur son identité sexuelle, absence de l’être aimé. Ses journées sont monotones. Elle se réveille chaque matin sur la même musique, façon Un jour sans fin. Joslyn commence à voir des choses. Ses affaires changent de place, son réveil sonne au milieu de la nuit… Elle soupçonne le vieux Frank. Est-elle folle ou en danger ? On pense à Black Swan. L’actrice, Joslyn Jensen, est parfaite en jeune paumée, de plus en plus touchante à mesure qu’on découvre l’histoire de son personnage. Tout le public n’est pas convaincu. Des soupirs fusent. Une vieille dame quittera la salle au moment où Joslyn se masturbe face à sa webcam.Au lycée en pyjamaMercredi, 15 heures, projection de Terri, du réalisateur Azazel Jacobs. «Terri», c’est le prénom du héros (Jacob Wysocki) , ou plutôt de l’anti-héros. Cet ado solitaire, obèse, abandonné par ses parents et qui vit avec son oncle souffrant. Le problème, c’est qu’en venant au lycée vêtu de pyjamas et de Crocs, il s’exclut totalement de la vie sociale de l’école. Il est la risée de ses camarades, et va bientôt intéresser le proviseur Fitzgerald, incarné par John C. Reily, qui use de méthodes géniales et peu conventionnelles pour aider ces gosses marginaux et les prendre sous on aile.  Ce film dépeint avec délicatesse et humour (noir) cette affreuse période adolescente, quand la popularité et l’amour sont les piliers, les centres d’intérêt absolus, une question de survie. En interview, l’acteur Jacob Wysocki confie avoir été un élève plutôt heureux dans son lycée, et tentait par tous les moyens de ne pas bosser... mais il ne serait jamais venu en Crocs («les chaussures les plus moches du monde»). L’homme qui murmurait à l’oreille des chevauxUn peu plus tard dans l’après-midi, le public est clairsemé dans le CID pour la diffusion d’un des «Docs de l’Oncle Sam», Buck. Il raconte l’histoire de Buck Brannaman, un cow boy, maltraité par son père pendant son enfance, qui use de méthodes douces et fermes pour soigner les chevaux aux troubles du comportement. Une sorte d’ Homme qui murmurait à l’oreille des chevaux, et qui a d’ailleurs participé au tournage du film de Robert Redford. Le réalisateur apparaît dans le documentaire pour raconter la scène ou Scarlett Johansson retourne voir son cheval pour la première fois depuis l’accident. Un documentaire émouvant, quoiqu’un peu tire-larmes, sublimé par les exploits de Buck et les paysages américains époustouflants. Mais à la sortie, un journaliste fulmine. «Marre de ces docs où il n’y a que des témoignages ! C’est incroyable ! » ... On rentre les épaules dans le cou car ce documentaire nous a quand même donné envie, l’espace d’un instant,  de migrer aux Etats-Unis pour travailler dans un ranch...Standing ovation du juryLe soir, le festival rend hommage à la carrière de Danny Glover. Le célèbre Roger Murtaugh de L’arme fatale, acteur engagé, est à Deauville pour présenter The Black Power Mixtape - 1967-1975, qu’il a coproduit (sortie le 16 novembre 2011). Un documentaire sur l’histoire du mouvement, à partir de reportages d’époque et d’interviews d’artistes afro-américains. Après un bref discours de Manu Katché, parrain du film en France, Danny Glover monte sur scène. Les membres du jury sont debout pour l’applaudir. La démarche hésitante, la voix sourde, l’acteur américain impose le respect à l’immense auditorium. Dans un silence religieux, on l’écoute raconter son engagement humanitaire, aux Etats-Unis et en Afrique. Il évoque le sort d’Haïti ou le parcours de son arrière grand-mère, ancienne esclave, qui a vu à 90 ans sa petite-fille diplômée de l’université.La soirée se poursuit avec la projection de The Conspirator, le dernier film de Robert Redford. C’est la reconstitution du procès de Mary Surratt (Robin Wright), une veuve accusée d’avoir participé à l’assassinat du président Abraham Lincoln en 1865. Le réalisateur suit le jeune avocat de l’accusée, obligé de la défendre en dépit de ses convictions. Le film d’un procès historique classique, impeccable, dans la veine de JFK.Exorcisme et haltérophilieJeudi matin, on découvre le film d’Amy Wendel, All She Can. Un film fascinant qui se passe «dans un coin des Etats-Unis que l’on ne connaissait pas», sourit la réalisatrice, décontractée, heureuse, sur la scène de l’auditorium. Dans son film, c’est la communauté américano-mexicaine qui est mise à l’honneur, dans un lycée où les filles font de l’haltérophilie et les grands-mères, de l’exorcisme avec des oeufs. C’est grâce à cette discipline que Luz (Corina Calderon), effrontée, solide, aux yeux aussi noirs que ses yeux, espère bien arriver à la fac. Avec son frère, qui est en Afghanistan, ils s’étaient promis de faire des études. Elle le veut de toutes ses forces, qui ne sont peut-être pas suffisantes...  All She Can a séduit l’auditorium.Ross est sur les PlanchesLa petite ville normande est en effervescence. David Schwimmer, alias Ross dans Friends, est attendu pour présenter Trust, son troisième film en tant que réalisateur. Quand il descend de voiture et sourit, on revoit Ross, ses fossiles, Rachel, le Central Perk… Le service de sécurité laisse David Schwimmer signer quelques autographes.Le CID est plein à craquer. Des fans ont colonisé les escaliers. Les hôtesses et les agents de sécurité courent dans tous les sens. Quand David Schwimmer monte sur scène, il reçoit l’ovation la plus enthousiaste depuis le début du festival. Mais pas de blagues sur sa rupture avec Rachel : Trust n’a rien à voir avec la mythique série. C’est un registre inattendu pour l’acteur. Le film raconte l’histoire d’Annie, une ado qui se laisse piéger par un pédophile rencontré sur internet. Quand ses parents (Clive Owen et Catherine Keener) le découvrent, leur monde s’effondre. Pendant les scènes où Annie rencontre et suit Charlie, qu’elle prenait pour un ado, tout le public retient son souffle. Le film rencontre un franc succès.Générique, on court à conférence de presse. Fans absolues de Friends, on décroche le graal : un autographe.David Schwimmer raconte qu’il collabore depuis 15 ans avec une association pour les jeunes victimes de violences sexuelles. Il travaille sur ce projet de film depuis 7 ans. Il a failli jouer lui-même le rôle du prédateur, car il ne trouvait pas de comédien qui lui convenait. « Souvent, dans les films américains, l’agresseur est un solitaire crasseux, qui vit avec sa mère. Or les vrais prédateurs ressemblent à monsieur tout-le-monde », explique le réalisateur. Etant donné le sérieux du thème, aucun journaliste n’ose poser de question sur la série qui a fait connaître l’acteur. Un courageux se lance : « Comment passe-t-on de Friends à Trust ? ». Pas vexé, mais peu bavard sur le sujet, Schwimmer répond qu’il avait réalisé plusieurs épisodes, ce qui lui a donné envie de passer de l’autre côté de la caméra.Caroline BesseJulie Coste