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Drôle de journée cannoise où l'on aura fait le grand écart entre la cruauté insensée du Von Trier et un dessin animé de Noël avec Jim Carrey . Mais reprenons. La projo du matin de Von Trier était agitée : ceux qui, la veille, avaient vu le film avaient mis le feu aux poudres. A l'issue d'une projection chahutée (sifflets, ricanements...), on est éreintés. C’est donc ça, le scandale Von Trier. 1h44 qui fonce à coup de boutoir vers les entrailles humaines (et une conclusion un peu bêtasse), un film qui multiplie coups de marteau, perçage de tibia et cisaillage de vagin… Le Danois fou est de retour et Cannes vient de se faire renverser. De quoi s'agit-il ? Charlotte Gainsbourg (impressionnante) et Willem Dafoe sont en train de faire l'amour quand leur bébé se lève et passe par la fenêtre. Prologue en Noir et Blanc, sur une musique de Haendel. S’ensuivent quatre chapitres qui vont crescendo dans l’horreur et le deuil terrifiant de la femme. Terrifiant parce que pour la soigner, Dafoe entraîne Gainsbourg dans leur maison perdue dans la campagne. A peine le temps d’ouvrir la porte et c'est parti pour un festival d’horreur, entre torture méthodique et épouvante fantastique, toujours sur le fil du rasoir et à fond la caisse. Bonne nouvelle, Von Trier a retrouvé son cinéma d’alchimiste baroque, crépusculaire, explosant tout ce qui constitue les conventions du film de genre. Mauvaise nouvelle, son film qu'il place sous le patronage de Bergman et Tarkovski commence par une heure de psychanalyse de couple avant de sombrer sous l’hémoglobine et la violence façon Eli Roth (l’acharnement glacial) ou Haneke (le voyeurisme et la complicité du spectateur), ces cinéastes naviguant dans des eaux bien balisées pour remuer l'estomac et les méninges. Antichrist pêche donc par ses délires manipulateurs, ses excès lassants et sa provoc punk. Un critique parlait de film-stimulus, et c’est exactement ça : un truc fait pour choquer, susciter le rejet et l’hystérie (« le pire pour moi ce serait que mon film ne provoque rien » confiait-il en interview). Pas le temps de mollir, ni de digérer : du film d'horreur au conte de Noël il n'y a qu'une croisette. Malgré l'épreuve endurée, on fonce donc au Carlton rejoindre Jim Carrey et Robert Zemeckis qui présentent Le Drôle de Noël de Scrooge . L'événement est colossal puisqu'il s'agit des premières images de la nouvelle bombe animée. On s'empiffre dans les salons de l'Hotel, puis on regarde Carrey et Zemeckis arriver en cariole et jouer avec de la neige (la croisette a été recouverte de fausse neige pour l'occasion). On a surtout le droit de découvrir quelques minutes du film. Zemeckis (auteur de petits films comme Retour vers le futur , Forrest Gump ...) continue ses expérimentations mo-cap (la motion capture, technique d'animation qui consiste à enregistrer les mouvements des acteurs sur ordinateur) et adapte un classique de Dickens. Dans le rôle de Scrooge Carrey est au sommet de son art contorsionniste. Mais ce qui impressionne le plus c'est la technique, la fluidité de l'animation et le réalisme sidérant des séquences. Dark, sombres et stupéfiantes, les passages présentés remportent un franc succès. Tout comme la conf de presse. Face à un Zemeckis qui cause technologie, 3D, numérique, Jim Carrey assure le show et chante même Elvis . 15h30. La conf' vient de se finir et on reçoit un texto : "15h30, plage Carlton, itw Lars". En bref, on a 5 mn pour préparer une interview du cinéaste le plus détesté de la terre depuis hier soir. C'est peu ! Face à un type fatigué, 4 journalistes tentent de percer les mystères de son film et la noirceur de son âme (il faut être un peu dérangé pour filmer en gros plan une excision). Mais le maître reste affable et répond amusé à nos questions naïves. 16h26. La conf de presse de Scrooge continue. Retraversage de la croisette donc pour parler 20 mn à Colin Firth . L'acteur anglais qui interprète le neveu de Scrooge est drôle, lucide ("je me demande ce que je fais là, j'ai le plus petit rôle") et raconte son expérience du tournage. Un sandwich, le temps de se changer et on part voir le Bellocchio en sélection officielle.