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Matthew Weiner : les 10 films qui ont influencé Mad Men

Le Monde d’Apu - Satyajit Ray (1959)

Lui-même influencé par Billy Wilder, autre grande inspiration de <em>Mad Men</em> (à travers La Garçonnière), Le Monde d?Apu est un film que Matthew Weiner s'avoue incapable de regarder sans éclater en sanglots. Cette ?uvre, qui prend comme personnage principal un artiste au chômage désireux d'écrire un roman, réussit en effet à exprimer d'innombrables sentiments avec très peu de dialogues, phénomène qui lui vaudra la reconnaissance éternelle du créateur de <em>Mad Men</em>.<strong>Damien Leblanc</strong>

Blue Velvet - David Lynch (1986)

Va par Matthew Weiner à sa sortie, Blue Velvet fut un émerveillement, notamment parce que les autres films réalisés à l'époque étaient d'après lui très mauvais. Le créateur de Mad Men découvrit ce chef d'oeuvre durant Thanksgiving et se souvient encore de l'ambiance électrique qui régnait dans la salle au moment où Isabella Rossellini arrive nue face à Kyle MacLachlan et Laura Dern, sans que l'on comprenne réellement ce qu'il se passe à l'écran. Blue Velvet parle selon Matthew Weiner des années 1980 et du reaganisme et parvient, comme Le Lauréat en son temps, à retranscrire le choc du passage à l'âge adulte. "Une ombre jetée sur la décennie que traversait l'Amérique", a-t-il conclu.

Toute une vie - Claude Lelouch (1974)

Ce film vu en salles par Matthew Weiner couvre une période de plus de 80 ans, qui va de 1918 à l?an 2000 et place en son c?ur le récit d?un coup de foudre entre Marthe Keller et André Dussollier (dans la peau d?un publicitaire). Sensible à l?articulation entre les grands évènements historiques et le destin sentimental des personnages, procédé qu?il utilise beaucoup dans <em>Mad Men</em>, le showrunner a choisi une séquence qui se déroule le jour de l?annonce de la mort de Marilyn Monroe et confère une insondable tristesse à une chanson de Gilbert Bécaud, qui joue là son propre rôle. L?illustration du temps qui passe et la volonté de dépeindre les mutations de la société ont durablement fasciné Matthew Weiner, de même que la mise en scène de Claude Lelouch et la façon dynamique dont il filme par exemple la vitesse d?une voiture.

Le Décalogue - Krysztof Kieslowski (1988)

Pour Matthew Weiner, trois ?uvres artistiques ont bouleversé l?histoire de la télévision : <em>Berlin Alexanderplatz</em> de Rainer W. Fassbinder, Fanny et Alexandre d?Ingmar Bergman et <em>Le Décalogue</em> de Krysztof Kieslowski. Le créateur de <em>Mad Men</em> a ainsi tenu à projeter un extrait du deuxième des dix segments, <em>Tu ne commettras point de parjure</em>. On y voit un homme hospitalisé et fiévreux, entre la vie et la mort, qui observe des gouttes tomber du plafond. Marqué par le grand réalisme de la séquence et par la sensation d?un monde qui tombe en ruines, Matthew Weiner a insisté sur la respiration du personnage et sur ses cheveux gras, éléments qui rendent le malaise encore plus prégnant. <em>Le Décalogue</em> a ainsi inspiré la mise en scène d?un New York qui se désagrège au fil des saisons de <em>Mad Men</em> jusqu?à en devenir glauque. La séquence projetée a par exemple servi de modèle au séjour en prison de Bob Benson dans la première partie de la saison 7. Insistant sur l?importance du son comme motif à part entière, Matthew Weiner a rappelé que le bruit de la goutte d?eau qui tombe de manière obsédante avait aussi été repris dans l?épisode 5 de la saison 5, <em>Signal 30</em>, où Pete Campbell expérimente un troublant voyage mental et sensoriel à partir des sonorités d?un robinet qui fuit.

Les 10 films qui ont influencé Mad Men

Les Bonnes femmes - Claude Chabrol (1960)

Cité depuis longtemps comme une des influences majeures de la série, Les Bonnes Femmes a été vu par Matthew Weiner durant ses études de cinéma. Si le but était surtout d?étudier les décors et costumes, l?étudiant qu'il était tomba amoureux du film et du personnage de Stéphane Audran. Bouleversé par la noirceur de cette histoire qui suit la vie quotidienne de quatre employées d'un magasin dans la France de la fin des années 1950, le showrunner de <em>Mad Men</em> a loué le réalisme du contraste dressé entre les aspirations romantiques des héroïnes et la violence morale qu'elles affrontent. La séquence choisie montre ainsi comment Bernadette Lafont est abusée sexuellement par deux hommes avant de retourner le lendemain au travail comme si de rien n?était.

Le Conformiste - Bernardo Bertolucci (1970)

Un film-matrice qui a selon Matthew Weiner influencé toutes les ?uvres suivantes, de David Lynch aux frères Coen. Cette plongée dans l?Italie fasciste rend pour lui brillamment compte du sentiment d?aliénation et utilise à merveille la symétrie des décors. L?extrait choisi montre ainsi un théâtre mussolinien transformé en asile psychiatrique. Le personnage incarné par Jean-Louis Trintignant, qui finit à force de lâcheté par s?impliquer dans une idéologie atroce, représente aux yeux du créateur de <em>Mad Men </em>la figure ultime de l'anti-héros.

La Nuit - Michelangelo Antonioni (1961)

Un film indissociable pour Matthew Weiner de La Dolce Vita de Federico Fellini (qui constitue une version plus comique de la même histoire). Antonioni crée là un trouble essentiellement perceptible sur grand écran et met en scène le pourrissement du mariage, ce qui a inspiré le mémorable épisode 3.03 de <em>Mad Men</em>, <em>My Old Kentucky Home</em>, dans lequel une fête endiablée révèle l?échec sentimental du couple Don/Betty (pourtant enceinte de leur troisième enfant). Matthew Weiner confirme d?ailleurs que le personnage de Don Draper adore <em>La Nuit</em> et qu?il va souvent au cinéma car son métier de publicitaire exige qu?il reste curieux et ouvert à différentes formes de narration. Et le créateur de <em>Mad Men</em> de rappeler que les films étrangers n?étaient à l?époque pas considérés comme intellectuels aux Etats-Unis mais plutôt comme des oeuvres où l?on pouvait voir du sexe, contrairement aux films hollywoodiens. Persona d?Ingmar Bergman n?est de fait pas estampillé "intello" en Amérique d?après Matthew Weiner mais avant tout perçu comme une ?uvre fondamentale qui a changé la conception qu?on se faisait du cinéma.

Les Jeux de l’amour et de la guerre - Arthur Hiller (1964)

Un film subversif sur la Deuxième Guerre mondiale, qui met en scène un lieutenant qui savoure l?existence sans participer aux combats. Matthew Weiner a ainsi estimé que tout le monde n?était pas soudainement devenu anti-guerre avec le conflit du Vietnam mais que ce sentiment existait déjà marginalement dans l?inconscient américain. Le personnage de pleutre interprété par James Garner a ainsi grandement inspiré celui de Don Draper (qui a pris l?identité d?un autre durant la guerre de Corée, comme on le voit dans la saison 1). Matthew Weiner a enfin salué les dialogues pleins d?esprit des Jeux de l?amour et de la guerre et exprimé toute son admiration pour le scénariste Paddy Chayefsky. 

Patterns - Fielder Cook (1956)

Les coulisses du conseil d?administration d?une grande entreprise new-yorkaise filmés de façon amère et désenchantée. Ecrit par Rod Serling d?après la pièce de théâtre de Fielder Cook, le film a rapidement confronté Matthew Weiner à la cruauté du capitalisme. L'extrait sélectionné rappelle à quel point l?éloquence et le langage peuvent être des armes mortelles, si bien que la crise cardiaque en caméra subjective que subit un des personnages a traumatisé le jeune Matthew Weiner, qui avait vu le film à la télévision durant un après-midi où il était souffrant. <em>Patterns</em> a de fait influencé toutes les séquences de <em>Mad Men</em> qui traitent de finance, de rachats de sociétés et de faillites d?entreprises. 

Les Demoiselles de Rochefort - Jacques Demy (1967)

Lui-même influencé par West Side Story, Les Demoiselles de Rochefort est selon Matthew Weiner un exemple parfait de film où le cinéaste contrôle totalement son univers. Jacques Demy y crée en effet un nouveau monde autonome, bien qu?il repose sur des éléments familiers. Le créateur de <em>Mad Men</em> a assuré qu?il aimerait vivre dans un tel univers, avant de citer Le Magicien d?Oz et Autant en emporte le vent comme autres films face auxquels il se sent bien au point de les regarder une fois par an. S?il a fait au sein <em>Mad Men</em> des allusions aux Parapluies de Cherbourg et à Model Shop du même Jacques Demy, Matthew Weiner a rappelé son attachement global aux actrices françaises et précisé qu?il avait engagé Jessica Paré (la comédienne canadienne qui incarne Megan) notamment parce qu?elle lui faisait penser à Stéphane Audran dans Les Bonnes Femmes de Claude Chabrol.

Invité du 6e festival Séries Mania, Matthew Weiner a évoqué lors d’une rencontre intitulée A Question of Life and Cinema plusieurs des films qui ont influencé son travail sur Mad Men. Si les personnages de la série (dont la 7e et dernière saison s’achèvera dans quatre semaines) ont vu au cinéma des longs métrages comme La Planète des singes ou Rosemary’s Baby, Matthew Weiner a sélectionné pour le Forum des Images dix œuvres pour la plupart européennes. Après avoir confié que le premier film qu’il se souvient avoir vu était Yellow Submarine (sorti en 1968), le créateur de Mad Men a souligné l’importance durant son enfance des sorties en famille au drive-in avant de citer Les Lumières de la ville, Les Temps modernes ou Cabaret. Impressionné d’assister à l’âge de 11 ans, en 1976, au tournage du Dernier Nabab dans son quartier de Los Angeles, Matthew Weiner a ensuite fait une école de cinéma, ce qui lui a permis d’élargir sa culture filmique. S’amusant à mentionner aussi bien le Pinocchio produit par Walt Disney ("L’histoire de Don Draper est la même que celle de Pinocchio") que Le Parrain, l’intéressé s’est littéralement enflammé au sujet d’Il était une fois en Amérique (1984) de Sergio Leone : la séquence où le jeune camarade de Noodles préfère manger un gâteau à la crème plutôt que de perdre sa virginité symbolise ainsi aux yeux de Matthew Weiner le pouvoir du cinéma, capable d’exprimer par l’image des multitudes d’émotions que les mots ont du mal à retranscrire. Et c’est après ce préambule qu’a démarré la projection des dix extraits de films retenus.