GALERIE
© Filmdepot

L’ingénieur du son a dernièrement remporté le prix CST de l’Artiste-Technicien et pourrait bien décrocher un Oscar et un BAFTA pour son travail impressionnant sur le film de Jonathan Glazer. Portrait.

Si l’on vous demandait de nous citer comme ça, de tête, un ingénieur du son célèbre, vous seriez sans doute bien en peine de nous donner un nom. Les choses sont peut-être en train de changer avec la consécration de Johnnie Burn, sound designer et monteur sonore de La Zone d’intérêt, film de Jonathan Glazer qui a reçu le Grand Prix à Cannes et sort aujourd’hui dans les salles. Burn y a oeuvré à reconstituer l’horreur d’Auschwitz à travers ses sons, pendant que la caméra capte l’effroyable banalité du quotidien du commandant du camp et de sa famille, qui vivent dans une maison adjacente.

« C'était effrayant. Ma première réaction a été de me dire: “Je n'y arriverai pas”. C'est une lourde responsabilité d'arriver à faire ça et à le faire bien », raconte à Slate celui qui s’est vu remettre il y a quelques mois le prix CST (Commission supérieure technique de l'image et du son) de l’Artiste-Technicien, une récompense venant mettre à l’honneur un artiste-technicien pour sa participation à un film en compétition officielle sur la Croisette. 

Johnnie Burn a ainsi travaillé sans relâche durant un an pour créer 24 heures de bande-son, consignant ses recherches dans un document de 600 pages, parcourant l’Europe pour capturer des cris dans un stade de foot, le bruit d’une moto d’époque ou des coups feu tirés à une distance très précise. Un paysage sonore d’une précision chirurgicale, ensuite appliqué sur les images tournées par Glazer. « On a obtenu des choses qu'on n'aurait jamais trouvées en s'installant devant une banque de sons et en tapant précisément ce qu'on recherchait (…) Il fallait entendre des gens qui souffrent, et que cela paraisse crédible. » Pour l’intérieur de la maison et les scènes dans le jardin, il met en place un réseau de 20 micros de modèles différents « pour capturer le son des personnes à la manière d’une surveillance. On entend les tasses, les pas des adultes et des enfants. Nous avons assemblé toute cette partie du film, nous l’avons montée et mixée. C’est à ce moment que j’ai dit à Jonathan : ‘’Et maintenant, on peut s’attaquer aux 10 000 sons que j’ai enregistrés depuis un an’’ », détaille-t-il à Libération.


Burn n’en est pas à son coup d’essai, loin de là : après dix ans dans la publicité, les clips (Travis Scott, Madonna, Prince, George Michael, David Bowie, les Spice Girls…) et quelques projets plus particuliers (les sons du logiciel Skype, c’est lui), il fait ses premiers pas au cinéma en 2013 avec Under The Skin, déjà réalisé par Jonathan Glazer. Un travail remarquable et remarqué sur l’étrangeté, qui a logiquement attiré l’attention d’un autre maître du bizarre, Yórgos Lánthimos. Ils collaboreront sur The Lobster, Mise à Mort du cerf sacré, La Favorite et Pauvres Créatures. Suivront Waves de Trey Edward Shults et Ammonite de Francis Lee, ainsi que Nope de Jordan Peele.

Nommé aux Bafta et aux Oscars cette année pour La Zone d’intérêt, Johnnie Burn pourrait bien devenir la rockstar des sound designers.