Ce soir à 20h55, Canal+ diffuse le film inédit Michael Kohlhaas, un drame historique réalisé par Arnaud Des Pallières, avec Mads Mikkelsen dans le rôle du héros cavalier. Lors de sa présentation en sélection officielle à Cannes en 2013, l'acteur danois nous confiait ses souvenirs de tournage. Interview.

Cool, t’es australien ?Euh…Pardon, c’est à cause de ton T-Shirt, y a marqué Australia. Du coup j’ai cru que… et puis avec tes cheveux longs on dirait un surfeur. Bref…Je le prends comme un compliment. Mads, deuxième passage cannois…Oui, c’est cool, je commence à m’habituer…… avec un film de vigilante.Ah oui, tu vois ça comme ça ? Dans La Chasse, c’est pas vraiment un vigilante.Comment t’appelles un film où le héros se fait lyncher, revient pour se venger et casse des gueules dans une Eglise ? Ouais… le film de Thomas allait un peu au-delà de ça quand même. Mais Michael Kohlhaas, c’est effectivement un film sur la vengeance. Ou plutôt sur la justice, l’idée de justice. Michael est un homme simple. Et il ne veut qu’une chose – récupérer ses chevaux. Il le veut tellement, que ça le rend aveugle au reste du monde.Le truc de la vengeance, c’est ton secret pour choper le prix d’interprétationOuh là ! On n’en est pas encore là. Et puis j’ai entendu d’autres nom circuler… quelqu’un m’a parlé de l’Italien.Servillo est génial. Mais là, ce qui est fou, c’est qu’on a l’impression que le film a été écrit pour toi. Eh bien ce n’est pas le cas. Arnaud ne me connaissait pas, il n’avait vu aucun de mes films je crois, et c’est un de ses amis qui lui a parlé de moi une fois le script terminé. Quand on s’est vu, je lui ai d’ailleurs demandé pourquoi il m’avait choisi… Il m’a sorti beaucoup d’explications très intelligentes - que je n’ai pas toutes comprises d’ailleurs. Moi, j’ai accepté le rôle parce que quand il parlait de l’histoire, il avait une telle énergie, une telle passion que c’était contagieux. Même si je n’étais pas d’accord avec tout ce qu’il me racontait.Vous n’étiez pas d’accord sur quoi ?Je ne me souviens plus… mais ce que j’aimais par contre, c’était la radicalité du scénario. Dans un film classique, Michael deviendrait progressivement de pire en pire. Là, ce n’était pas le cas. La première chose qu’il fait, c’est de détruire un château, de brûler l’intégralité du lieu avec ses habitants - femmes et enfants compris. Quand j’en ai parlé avec Arnaud, il m’a dit : "Je préfère ça parce que l’autre option est banale". Ca me plaisait…Je te demandais si ça avait été écrit pour toi parce qu’on a l’impression que ton visage, sec, aride, est un élément clé du film…Je pense que, après m’avoir rencontré, Arnaud a effectivement emmené le film dans cette direction… Je savais qu’il voulait quelqu’un qui, en agissant peu, réussit à faire passer beaucoup de choses. Quelqu’un dont le visage suggère une variété de sentiments et de tourments.Comment tu joues avec ?Ce n’est jamais conscient. Je ne réfléchis pas vraiment à ça sur le plateau.Mais y a cette grimace que tu fais toujours, tu sais, en baissant la bouche, comme ça…Ah oui… Comme ça tu veux dire ?Ouais. Tu te concentres pour la faire ? Tu es obligé de contracter ta mâchoire ou c’est naturel ?Ca dépend de l’émotion, du moment, du temps aussi.Tu veux dire que s’il pleut tu fais plus facilement cette gueule-là ?Non. J’en sais rien. Ce que je veux dire c’est que ton visage, ce que tu exprimes avec tes yeux, ta bouche, dépend du contexte. Des acteurs qui t’entourent aussi. Ils peuvent me rendre heureux et radieux ou au contraire très triste… Et les lieux ! L’endroit où on a tourné était très rough. Très très dur. Extrême. Ces paysages ont fortement influencé mon jeu sur ce film. Mais bon, la plupart du temps j’étais surtout concentré pour ne pas tomber de cheval. C’est peut-être pour ça que je fais cette tête.Je me suis demandé si tu ne faisais pas cette tête pour ressembler à Max Von Sydow.  Il y a beaucoup de références à Bergman dans le filmAh bon ?Tu cites même « Through a glass darkly »Ah oui ? Je n’en sais rien. C’est un truc de journalistes et de critiques. Arnaud doit être très conscient de ça, moi, ça ne m’intéresse pas. Je n’y ai jamais pensé. Je fais le film pour Kohlhaas, pas pour les références. Si tu commences à voir des films, à t’inspirer du travail des autres alors tu n’es plus que dans l’imitation…  Je préfère rester vierge, garder un jeu « chimiquement pur » si je peux m’exprimer comme ça.Tu n’intellectualises jamais ?Arnaud le fait beaucoup. Et c’est normal. La nouvelle de Kleist est un conte philosophique. On peut parler du catholicisme et du protestantisme pendant des heures. De la justice et de la morale aussi. J’aime bien parler philo, le soir, autour d’un verre. Ca m’amuse. Mais pour mon job, ce n’est pas très intéressant. Ce qui m’importe, c’est de comprendre qui est ce mec. Quelles sont ses motivations… La philo c’est bien, mais ça t’embrouille la tête. Moi ce que je veux c’est rester dans le réel.Mais Max Von Sydow…Bon, il a une physicalité qui me parle. J’aime son sens de l’incarnation, le feeling très terrien qu’il insuffle à tous ses rôles. Mais ce n’est pas une inspiration.Qu’est-ce qui t’a inspiré alors ?Une fois de plus, les lieux. Les collines, les champs, les montagnes où l’on a tourné. Et les émotions qui s’en dégageaient.Et ces pierres auxquelles tu finis par ressembler…Yes ! Ce sont mes sœurs ! Interview Gaël GolhenLa bande-annonce de Michael Kohlhaas, diffusé ce soir à 20h55 sur Canal+ : REVIEW - Mads Mikkelsen sublime Michael Kohlhaas