Manière de dire que J.Edgar, son portrait de Hoover, n'en fera pas un homosexuel affirmé. Et d'éteindre une polémique.Depuis l'annonce du film J. Edgar de Clint Eastwood, et surtout depuis la parution des premières photos officielles, c'est l'une des questions que beaucoup de monde se posait : le Hoover d'Eastwood sera-t-il gay ? On connait la star de la vie politique des US, la figure policière de la culture américaine. Inventeur du FBI et patron du Bureau pendant près d'un demi-siècle, Hoover fut un héros chargé de lutter contre des ennemis intérieurs en grande partie imaginaires (nazis avant la guerre, communistes avant mais surtout après, noirs ensuite) et de crier victoire tout en ignorant soigneusement le fléau du crime organisé. A la fois super flic, fonctionnaire zélé et Mazarin de la puissance US, il intrigua dans les coulisses du pouvoir pour survivre aux différentes administrations du pays. C'est cette ambiguité qui sera au coeur du film d'Eastwood comme le reconnaissait récemment le scénariste Dustin Lance Black. "Il a fait des choses formidables pour le pays, mais pourquoi a-t-il fini par en faire d'aussi moches ?". Si Eastwood s'est emparé de cette figure, c'est sans doute parce qu'elle incarne un des thèmes les plus chers de son cinéma : les rapports entre l'exercice du pouvoir et le puritanisme. La corruption et la morale (revoir Les Pleins pouvoirs par exemple). Hoover symbolise ce lien très fort : il surveilla et traqua les “immoraux" et les communistes. Pour mieux laisser en paix la mafia et court-circuiter plusieurs droits constitutionnels. Surtout, la rumeur de son homosexualité a longtemps couru (on parlait de son goût pour le travestissement et de sa relation avec son dauphin/héritier Clyde Tolson). Mais aux US, faire de l'inventeur du FBI un gay, n'est pas anecdotique. Et Eastwood a préféré la jouer fine : "On n'est sûr de rien : certaines personnes pensent que Tolson et Hoover étaient juste des copains inséparables. Ou peut-être s'agit-il d'une histoire d'amour sans sexualité. Je ne sais pas. Mais la manière dont Lance a écrit le scénario est très intéressante. Il est très bien écrit et il n'a pas privilégié l'évidence".On devra donc interpréter nous-mêmes certains signes, certains épisodes, ou les frôlements de costards en tweed. Pourquoi pas : c'est la solution la plus intelligente pour Eastwood, qui, à mesure quil vieillit, s'affirme comme un cinéaste du clair-obscur. Le réalisateur, toujours trop identifié dans la culture pop au .44 magnum de l'inspecteur Harry, avait déjà créé un personnage d'homosexuel subtil dans un chef d'oeuvre d'ambiguité, Minuit dans le jardin du bien et du mal. On rappellera aussi que le scénariste Dustin Lance Black a écrit récemment le subtil Harvey Milk, biopic monstre de la plus grande figure politique du mouvement gay. Mais en jouant trop sur l'ambiguité de son sujet, Eastwood risque peut-être de se prendre les pieds dans le tapis de ce Tartuffe US. Auto-érigé en surveillant général des moeurs et en maître chanteur, Hoover était au fond un vrai salaud retors et voyeur. Le big Brother des 50's. Et, homo ou pas, là, ce sera à Eastwood de choisir, pas au spectateur.Par Gaël Golhen