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Quand vous avez lu le script, vous vous êtes dit « ok c'est mon heure, je vais battre Morgan Freeman à son propre jeu » ?Ahah ! Non... Je n'ai pas pensé à Morgan... Je n'ai pas vu Invictus. C'était un choix de ma part d'ailleurs. Mais il est formidable, vous savez, Morgan est l'homme de la situation. Je suis sûr qu'il aurait fait un Mandela génial dans ce film aussi. Par contre oui, je me suis dit que c'était un grand moment pour moi, que j'allais pouvoir montrer de quoi j'étais capable.Vous étiez aussi le héros de Quelques Jours en avril (sur le génocide rwandais ndlr). Pensez-vous qu'il y a encore du boulot à faire pour porter ce genre d'histoires sur grand écran ?Oui, il reste clairement du travail à faire. Ce sont des événements très importants, et ils sont couverts en général par les JT, mais on ne leur accorde pas beaucoup de place au cinéma. C'est important de raconter ces histoires qui touchent la diaspora africaine, et mes parents étant eux-mêmes d'Afrique de l'Ouest, c’est particulièrement important pour moi de voir ce genre de projets se réaliser.Justement : vos origines sont elles un bonus dans ce genre de cas ? Quelque chose qui vous aide à intégrer le sujet du film ?Oui, c'est certain. Mon père en particulier a beaucoup suivi le parcours de Mandela, son histoire. J'ai grandi dans une maison où il était considéré comme un héros ! Alors oui, être Africain m'a forcément aidé pour, disons, avoir un vrai point de vue et un regard sur ce film.Quand vous acceptez ce type de rôle, vous vous sentez un peu « en mission » ou pas du tout, c'est juste un rôle comme un autre ?J'ai l'impression que c'est maintenant que je suis en mission ! Quand j'ai eu le rôle, pas tant que ça. Mais maintenant, si, parce que... Je voulais voir Mandela gagner. Il a une histoire formidable, qui peut inspirer, et je pense que les gens devraient aller la voir. Pas parce que je suis dedans hein, mais parce que ça ouvre les portes de l'héritage de quelqu'un qui a eu une vie extraordinaireC'est quoi le pire, vivre en Afrique du Sud à l'époque de l’Apartheid ou sur une Terre envahie par les Monstres de Pacific Rim ?(rires) Hum... Je préfèrerais encore vivre sous l’Apartheid que dans un monde avec des créatures aussi monstrueuses ! Vous êtes aussi connu pour avoir incarné Stringer Bell (gangster très malin et machiavélique de la série The Wire, ndlr). A votre avis, qu'aurait-il pensé de Nelson Mandela ?Je pense que Stringer... bon c'est un peu une question difficile pour moi parce que ça fait longtemps que je n'ai pas parlé de lui mais je parie que Stringer aurait admiré l'ambition de Mandela, vous voyez ? Mandela, comme Stringer, ont des ambitions qui se rapprochent : ils veulent plus que ce qu'ils ont. J'ai moi-même cette ambition. Donc je peux bien imaginer que Stringer aurait eu du respect pour le bonhomme. Récemment vous avez tweeté un montage de vous en costume de Green Lantern. Donc Mandela ne suffit plus, vous voulez carrément être un super-héros ?En fait, je ne l'ai pas tweeté moi-même j'ai juste retweeté quelqu'un qui me l'avait envoyé. J'ai aimé l'image. Le truc c'est que je reste un acteur. Et on peut jouer, enfin, dans l'idéal on doit jouer le maximum de types de personnages. Ceci étant, Mandela reste le super-héros ultime à mes yeux.Du coup on vous verra d'abord en James Bond avant de vous voir en Green Lantern ?Aucun des deux, ce ne sont que des rumeurs ! (rires) Après je ne sais pas, je veux dire... Green Lantern, franchement, j'aime juste le costume, pas plus (rires). Je ne sais pas si ça arrivera un jour... James bond, c'est seulement une énorme rumeur, qui est devenue incontrôlable, vraiment. Partout où je vais, on me parle de ça ! Et moi je suis là « mais du calme ce n'est qu'une rumeur »... Maintenant vous savez quoi, si je devais vraiment jouer ce rôle un jour, ce serait une preuve incroyable de la volonté d'une nation. Les être humains ont ce pouvoir : si on veut quelque chose, qu’on le veut tous vraiment, on peut l'obtenir. Je crois que si je devais jouer James Bond, ce ne serait même pas de mon fait, mais parce que tout un pays l'aurait décidé.On croirait entendre Mandela... D'ailleurs après ce film vous sentez que vous avez franchi un nouveau palier ? Genre Will Smith après Ali ou Denzel après Malcolm X ?Non, non non. Ce film reste un long-métrage indépendant, ce n'est pas un film d'Hollywood. J’incarne un personnage grandiose, et je pense que les gens pourront se dire qu'ils ne m'ont jamais vu accomplir une performance comme celle-là, je n’avais encore jamais fait ça... Mais je ne pense pas que ça me hisse au niveau de ceux que vous avez cités. Ces mecs sont des stars internationales. Au mieux, les gens se diront « hé, qui est le type qui joue Mandela ? Ah, Idris Elba... Qui ça ? ». Je ne pense pas que ce film me mette directement en avant.Maintenant j'ai une question horrible. Pensez-vous que si Mandela était décédé il y a quelques mois ça aurait aidé la promo du film ?(court silence) C'est effectivement une question horrible. OuiHum... Même les problèmes de santé de Mandela ont rendu ce film beaucoup plus pertinent quelque part. Parce que les gens ont réalisé qu'il est très vieux et... en fait c'est dur pour moi de parler de lui comme ça, d'imaginer sa... disparition. Je suis tellement proche de l'homme maintenant. Ça me brise le cœur en réalité. Faire ce film vous a touché.Oui, je me sens vraiment bien plus proche de lui maintenant. Même si je ne l'ai jamais rencontré. C'est simplement que désormais je détiens une partie de son héritage... enfin non, je ne la détiens pas, j'ai offert une part de moi pour devenir une partie de son héritage. Donc je me sens très proche. Au point où j'en suis, ce qui lui arrive à lui m'arrive à moi. C'est bizarre.Interview Yérim SarMandela, un long chemin vers la liberté de Justin Chadwick avec Idris Elba, Naomie Harris, Tony Kgoroge sort le 18 décembre dans les salles :  Voir aussi : Les cinq vies de Mandela au cinéma