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Faut-il avoir des enfants pour aimer le Thomas Vinterberg ? C’est la question qu’on s’est posée à l’issue de la projection de La Chasse hier soir. Après avoir osé dire qu’on trouvait le nouveau film de Thomas Vinterberg extrêmement démago et assez dégueulasse dans sa manipulation du spectateur, une collègue a soudainement tranché : “Tu ne peux pas comprendre tu n’as pas d’enfants”.Aie. La pire insulte pour un journaliste : l’insensibilité et la froideur comme comble d’assèchement critique. Le manque d’empathie comme perte des sens. Tout à coup, parce que je restais insensible devant le visage paumé d’une gamine de 4 ans, j’étais devenu incapable de comprendre les enjeux du film. Du coup forcément on s’interroge : les cul-de-jatte sont-ils mieux placer pour aimer De Rouille et d’os ? Faut-il avoir été louveteau pour kiffer la petite miniature asphyxiée de Wes Anderson ? Et peut-être que Frédéric Foubert aurait dû se payer des prostituées kenyanes avant d’aller voir  Paradis Amour...On exagère un peu, mais la réflexion met au fond le doigt sur le problème fondamental du film de Vinterberg. Cinéaste provoc et roublard (Festen et son cortège d’effet choc pour épater le bourgeois), il s’empare ici d’un sujet hypersensible qui est loin d’être anodin (la pédophilie) pour se mettre le spectateur dans la poche et balancer ses vérités morales avec la délicatesse d’un molard dans la gueule. Tout ici n’est que caricature, simplification extrême, raccourci lourdingue. On sait dès le début que l’instit est un gars sympa - il aime son chien, couche avec l’étrangère et veut récupérer la garde de son gosse - alors que la petite fille est un peu bizarre. Et la communauté qui va se retourner contre le héros n’est finalement que la somme de ses petites lâchetés et de son inconscient pervers. Vinterberg sort l’artillerie lourde, à la limite du nauséabond. C’est bien ce qu’on lui reproche : son regard narquois et ironique (avec des blagues vraiment douteuses), ses scènes chocs parfaitement shootées qui lui servent à jouer au malin et sa caricature vomitive de la communauté prétexte à la dénonciation moralisatrice des travers humains.Pourtant, tout cela ne serait pas si grave puisqu’il est question d’enfance et d’innocence bafouée - comme si le sujet autorisait tout, exonérait l'insupportable. D’où un moment très embarrassant pendant la projection du film. Lorsque Mads Mikkelsen se transforme en justicier (un coup de boule dans la gueule d’un vigile de superette), la salle s’est mise à applaudir. On avait l’impression assez désagréable de se retrouver au jeux du cirque, ou devant un bon vieux film de vigilante.Sur un sujet aussi pareil, Vinterberg se contente de faire la leçon sans jamais essayer d’apporter une touche d’ambiguité ou de réflexion, imposant dès le début ses conditions... Enfant ou pas, on ne va pas au cinéma pour se faire prendre en otage. Bonne nouvelle au fait : ma mère n’est pas morte, mais j’aime bien Amour de Haneke.   GGEn vidéos : 3 extraits de La Chasse, avec Mads MikkelsenThomas Vinterberg est-il l'homme d'un seul film ?Suivez toute l'actu cannoise sur notre dossier spécial avec Orange Cinéday