Top Première 1er semestre 2023
Storyteller Distribution Co./ 2023 CTMG/ Christophe Brachet - 2022 – CHI-FOU-MI PRODUCTIONS – TRESOR FILMS – STUDIOCANAL – FRANCE 3 CINEMA/ Sarah Makharine

A la mi-temps de cette année ciné, un bilan - par ordre alphabétique - des longs métrages qui nous ont le plus emballés, en salles.

Aftersun de Charlotte Wells

 Laissez-vous porter par ce premier long bouleversant, qui suit une jeune femme tentant de faire coïncider les souvenirs qu'elle a de son père avec ceux qu'elle a retrouvés, enregistrés par sa caméra lors de leurs vacances d'été, quand elle était ado. La structure elliptique du film peut surprendre de prime abord, mais c'est aussi grâce à ce travail de montage original que la réalisatrice parvient à faire éclater sa sensibilité. Et à toucher son public. On a beaucoup parlé de la justesse de Paul Mescal (nommé aux Oscars) devant la caméra de Charlotte Wells, mais sa jeune partenaire, Frankie Corio, est tout aussi marquante. Ils illustrent à la perfection cette réflexion sur le temps qui passe, la mémoire faillible qu'on doit rembobiner pour mieux comprendre ce qu'on a réellement vécu. Voilà une œuvre dont on se souviendra longtemps.


 

Babylon, de Damien Chazelle

Bien sûr, il y a dans Babylon une forme d'hommage, comme un geste de révérence à l'âge d'or Hollywoodien. Mais au-delà, le réalisateur de La La Land signe une nouvelle ode effervescente au 7e art et à son explosion spectaculaire dans le Los Angeles des années 1920. D'une ampleur biblique, le film de 3h10 questionne notre rapport à la nostalgie, s'entiche de cette ère de décadence et d'excès grisants, et avec un regard d’amoureux transi, il filme le cinéma comme Pedro Almodóvar filme les femmes. L'épopée grandiose, démesurée, de Damien Chazelle touche au sublime quand Margot Robbie prend la lumière et déploie des trésors de comédie, de folie, d'émotion, pour nous guider dans cette excursion euphorisante qui confine au chef d'œuvre.


 

Beau is afraid de Ari Aster

Horreur, comédie, les deux à la fois ? Après deux films, Hérédité et Midsommar, qui l’avaient imposé en nouveau petit génie de la trouille filmique, Ari Aster brouille superbement les pistes avec Beau is afraid. Son troisième long (très long) métrage est une odyssée psychanalytique prenant la forme d’un déluge interrompu (et épuisant pour les nerfs) de visions frappadingues, comme du Philip Roth revu par le Polanski du Locataire et le Terry Gilliam de Brazil. Le film a laissé le grand public indifférent, mais, d’une certaine façon, l’échec commercial faisait presque partie de la proposition de ce film radical et monstrueux.


 

Chien de la casse de Jean-Baptiste Durand

 Raphaël Quenard, gueule et tempérament du cinéma français – vu ou juste aperçu ici et là – explose littéralement dans Chien de la casse. Grand, fin, charismatique, regard perçant où la malice tutoie les tourments, où l’ardeur éclaire les emportements. Autocitons-nous : « Quelque part entre le Magimel des débuts et le Dewaere éternel, avec un soupçon de folie en plus, qui rend la moindre situation imprévisible. » Face à Quenard, le toujours très bon Bajon donne la réplique avec la douceur qui est la sienne, assumant le souffle de l ’ouragan qui se dresse face à lui. Chien de la casse, premier long de Jean-Baptiste Durand, est le récit d’une amitié toxique située dans une ville moyenne française où le seul horizon prend la forme d’un banc public. Dans ce petit nulle-part, surgit donc un miracle. Une électricité. L’une des grandes surprises de 2023.


 

The Fabelmans de Steven Spielberg

Le cinéma n’en finit pas de mourir. C’est son lot depuis sa naissance. Un train qui arrive plein cadre en gare de la Ciotat à l’été 1895 et aussitôt, une lente agonie. En 2023, magic Spielberg, celui qui a toujours remis le train de l’entertainment sur les bons rails revient aux origines de sa passion. Un train justement qui déraille dans Sous le plus grand chapiteau du monde de Cecil B. DeMille. Révélation pour l’enfant qu’il fut et continue d’être : le cinéma aide à vivre, à grandir, à voir et peut-être aussi à supporter le naufrage des sentiments. The Fabelmans, c’est une magnifique fable sur le cinéma en guise de post-scriptum pour ne pas oublier de quelle planète on vient. Moins d’un an et demi après son West Side Story, Spielberg en Daddy Nostalgie, signe un troublant diptyque sur la mélancolie.


 

Goutte d’Or, de Clément Cogitore

Plongée aussi énigmatique qu’haletante dans le quartier de Barbès, Goutte d’Or questionne avec beaucoup d’habileté la croyance et la nature humaine, à travers la trajectoire de Ramsès (Karim Leklou, encore une fois immense), un voyant charlatan qui exploite le malheur des gens. Mélangeant les genres (du film sociologique au polar urbain) et brouillant les pistes, le génial Clément Cogitore (Ni le ciel ni la terre) perd le spectateur pour mieux le bousculer. Un des coups de cœur de l’année de Catherine Deneuve… et de la rédaction de Première.  


 

Je verrai toujours vos visages de Jeanne Herry

C’est l’un des beaux – et plus que mérité - succès- surprise français de ce début 2023. Plus d’1,1 million de spectateurs sont allés à la découverte de ce long métrage où, après l’adoption la réalisatrice de Pupille embrasse un nouveau sujet de société – la méconnue justice restaurative – pour célébrer une fois encore la puissance du collectif à même de renverser toute la montagne. Un film à rebours de notre époque anxiogène qui met en valeur les possibles solutions au lieu de ressasser les sempiternels mêmes problèmes sans jamais se faire didactique et scolaire. Et cela grâce aussi à la virtuosité du casting dément qu’elle a réuni, de Leïla Bekhti à Raphaël Quenard en passant par Adèle Exarchopoulos, Miou- Miou, Gilles Lellouche, Elodie Bouchez, Dali Benssalah ou encore Fred Testot.


 

John Wick : Chapitre 4, de Chad Stahelski

125 cadavres plus tard, on est rincé, mais heureux. Keanu Reeves joue de la gâchette comme un dingue dans une boucherie mondiale de 158 minutes, qui se conclut de la plus grandiose des manières, en un parcours touristique sanglant au cœur de la plus belle ville du monde. Bijou d'action à l'état brut, John Wick 4 pousse le film de baston dans ses derniers retranchements, réinventant la mise en scène à chaque séquence, que ce soit en tournant comme un déséquilibré autour de l'Arc de Triomphe ou en montant comme un forcené les escaliers du Sacré Coeur. La surenchère portée à l'état d'œuvre d'art.  


 

Misanthrope de Damián Szifron

Neuf ans après Les Nouveaux Sauvages, Damián Szifron revient avec un thriller comme on n’en fait plus depuis la fin des années 90. À Baltimore, un soir du 31 décembre, un sniper invisible planqué sur un toit tire au hasard et tue des dizaines de personnes. Une jeune flic (Shailene Woodley) et un agent du FBI surdoué (Ben Mendelsohn, en grande forme) se lancent à ses trousses… Szifron évite soigneusement les clichés, met de la tension dans chaque plan et impressionne par sa gestion de l’espace et de la verticalité. On n’est pas au niveau de Seven ou du Silence des agneaux, mais c’est quand même un très gros morceau de cinéma.


 

Mon crime, de François Ozon

En renouant avec l’univers de 8 femmes et Potiche avec une adaptation de pièce de théâtre mise en scène avec une adaptation hyperstylisée, François Ozon a aussi retrouvé le chemin du succès. Et à travers cette histoire d’amitié entre deux amies en galère – l’une, jeune comédienne sans grand talent, l’autre, avocate débutante – il signe une ode malicieuse à la sororité et fait un sort au patriarcat déboulonnant en s’amusant à tracer des parallèles entre les années 30 où se déroule l’intrigue et notre époque actuelle sans jamais se faire sentencieux. Un film à l’amoralité réjouissante où le duo Rebecca Marder- Nadia Tereszkiewicz fait des merveilles.


 

Spider-Man : Across The Spider-Verse de Joaquim Dos Santos, Kemp Powers et Justin Thompson 

Vrai choc esthétique qui fracasse la rétine, Across The Spider-Verse prend fièrement la suite d’Into The Spider-Verse et pousse les curseurs dans le rouge. Le film expérimente tous les styles d’animation mais sans bander les muscles, toujours avec l’idée fixe de servir la narration. Résultat : une coming of age story épique, où Gwen vole la vedette à Miles Morales. À quelques longueurs près, Across The Spider-Verse tutoie la perfection et met un coup de vieux pas possible à la concurrence.


 

Sur l’Adamant de Nicolas Philibert

Vingt six ans après La Moindre des choses, le réalisateur d’Être et avoir consacre un nouveau documentaire à la psychiatrie en plongeant dans le quotidien de l’Adamant, une péniche située au cœur de Paris qui accueille des adultes souffrant de troubles psychiatriques en leur offrant un cadre de soins singulier composé notamment de diverses activités culturelles. Récompensé d’un Lion d’Or à Venise, Philibert célèbre cette expérience unique – et couronnée de succès – en 109 minutes passionnantes (et sans voix- off scolaire explicative) où en confesseur jamais intrusif des patients comme des soignants, son humanité crève l’écran


 

Suzume de Makoto Shinkai

Suzume est-il meilleur que Your Name ? D’un pur point de vue mélo, c’est sûr, on pleure nettement moins devant le premier que devant le second -monumentale chialade à base de voyage temporel et de tradition shinto qui a bien mérité en 2016 sa place de plus gros carton de l’histoire du ciné animé nippon. Mais Suzume cherche avant tout à être un grand ride de cinéma, bâti au long d’un étourdissant road trip à travers le Japon. Une lycéenne, une chaise à trois pieds possédée et un chat-démon traversent l’archipel pour empêcher sa destruction : voilà ce qu’est Suzume, moins un mélo qu’un accomplissement de divertissement total, pop, hilarant, vertigineux… Meilleur que Your Name ? Et pourquoi pas ?


 

Tár de Todd Field

Field a mis des années avant que n’aboutisse son troisième long-métrage de cinéaste (le dernier, Little Children datait de 2006) Et pourtant Tár est à l’heure. « A l’heure » de la cancel culture censée corriger ce qui doit l’être. C’est le récit paradoxal d’un effacement progressif, celui d’une cheffe d’orchestre superstar aux pouvoirs qu’elle croyait illimités. Kate Blanchett totalement « hupperisée » tient le film entièrement sous sa coupe. Omniprésente, autoritaire, droite même dans ses vacillements. La mise en scène lui ressemble comme une sœur de sang. Pour service rendu au wokisme, Kate a obtenu un trident : Coupe Volpi, Golden Globes et BAFTA. Dire que c’est mérité est une lapalissade. Nous, on lui aurait bien aussi donné un Oscar pour faire une fourche.


 

Les Trois mousquetaires- D’Artagnan, de Martin Bourboulon

L’un des films français les plus attendus de ce premier semestre 2023 a tenu ses promesses. Martin Bourboulon a su revisiter l’œuvre de Dumas sans la trahir avec la belle idée d’offrir la part belle – tout en orchestrant des scènes de combat efficaces – à son casting quatre étoiles tant masculin (François Civil, Vincent Cassel, Louis Garrel & co) que féminin (Lyna Khoudri, Eva Green, Vicky Krieps). Faire des Trois Mousquetaires un grand film d’acteurs, voilà un geste qui ne manque pas de panache et donne envie de découvrir son deuxième volet, Milady, le 13 décembre.