Jean-Loup Dabadie
ABACA

Le scénariste et parolier de chansons, Jean-Loup Dabadie est mort ce dimanche à l’âge de 81 ans. Il a marqué le cinéma de Claude Sautet, Yves Robert ou Jean-Paul Rappeneau.

L’élégance de l’homme n’avait d’égale que la précision de sa plume. Jean-Loup Dabadie s’en est allé, laissant derrière lui un pan du cinéma français des trente glorieuses et des paroles de chansons cultes de Michel Polnareff ou Julien Clerc. L’homme de lettres a eu mille vies - auteur de sketches, écrivain, traducteur, dialoguiste, scénariste, parolier et dramaturge - et n’aimait rien tant que tordre les mots pour les adapter à la personnalité de leur interprète. Il a vécu comme un triomphe son entrée en 2008 à l’Académie Française, où il fut un des rares représentants du 7eme art à être admis.

Au cinéma, son talent est indissociable des années 1970-1980 avec ses portraits d’une bourgeoisie en crise. Dabadie c'est le scénariste des histoires de mariage qui se délitent, des films de copains ou des comédies vives et pétillantes. Il savait comme personne sublimer une scène du quotidien. Sa sensibilité vient imprimer une fantaisie ou une poésie sur la réalité des français de l’époque.

C’est d’abord sa collaboration avec Claude Sautet qui le fait remarquer en 1970. Avec lui, il adapte le roman de Paul Guimard, Les choses de la vie, qui présente en flashback la vie d’un homme qui vient d’être fauché par un accident de voiture. Avec Michel Piccoli et Romy Schneider, il se fait l’orfèvre des petits bonheurs et des grandes tristesses. Le succès remporté par le film, associé au prestigieux Prix-Delluc, assiéront la réputation de Claude Sautet, comme celle de Jean-Loup Dabadie. Les deux hommes ont cinq autres collaborations à leur actif, comme Max et les Ferrailleurs (toujours avec le tandem Piccoli- Schneider) ou Vincent, François, Paul et les autres. Mais c’est certainement sur César et Rosalie (1972) que la capacité à mettre en mots les relations amoureuses de Dabadie atteindra son paroxysme. Il faut voir ce film, ne serait-ce que pour entendre Rosalie par la voie de Romy Schneider lirea sa lettre à David (Sami Frey) : "David, César sera toujours César, et toi tu seras toujours David qui m’emmène sans m’emporter, qui me tient sans me prendre et qui m’aime sans me vouloir."

L’autre grande rencontre de Jean-Loup Dabadie est celle avec Yves Robert qui trouvera son point d’orgue dans le diptyque Un éléphant, ça trompe énormément (1976) – Nous irons tous au paradis (1977). Il y écrit la vie au rythme des discussions d’un quatuor de copains (Rochefort, Lanoux, Bedos et Brasseur) aux histoires sentimentales mouvementées. Les mythiques scènes au tennis ont directement été inspirées au scénariste par les parties qu’il avait l’habitude de disputer avec ses copains comme le producteur Alain Sarde ou l’ancien président du Festival de Cannes, Gilles Jacob. Ce dernier a d’ailleurs salué ainsi la mémoire de son ami : "Jean-Loup. Grand scénariste, ami exquis, tennisman acharné. Avec lui, Alain Sarde, Bouteiller, on a joué à Saussure, à Mozart, à Asnières et ça a donné Nous irons... Un éléphant... plus les Sautet, Rouffio, Pinoteau. Les chansons sous la douche du Racing Polnareff, Clerc, Reggiani. Le couple Sautet-Dabadie a comblé le public du cinéma français des années 70/80: les femmes (Romy), les mecs, les bistrots, les bagnoles, les week-ends. Jean-Loup adoucissait le pessimisme de Claude par un moelleux d'écriture et le charme délicieux d'un homme doué pour le bonheur."

Pour Claude Pinoteau, Dabadie a notamment hurlé la rage d’Isabelle Adjani face à son père, Lino Ventura, dans La Gifle (1974), autre film récompensé par le Prix Louis-Delluc. Mais c’est la réponse du paternel qui résonne encore dans nos oreilles, tant sa simplicité n’a d’égale que sa musicalité : "Tu parles mal, tu travailles mal, tu danses mal, tu grandis mal mais tu ne me fais pas peur Isabelle." On lui doit aussi les échanges électriques d’Yves Montand et de Catherine Deneuve dans Le sauvage (1975) de Jean-Paul Rappeneau où il orchestre à merveille le quiproquo amoureux et donne à Deneuve l’occasion d’un moment d’émotion exceptionnel.

Ses mots ont enchanté les acteurs. Ses chansons ont donné de la gravité à leurs interprètes. Le premier qui a fait appel à lui est Serge Reggiani pour lequel il a écrit notamment L’italien. Les tubes de Julien Clerc, comme Ma préférence et Femmes, je vous aime, c’est encore lui. Ceux de Michel Polnareff - Lettres à France, On ira tous au paradis – aussi ! Enfin, il est celui qui a convaincu Jean Gabin de pousser la voix de nouveau dans une rengaine crépusculaire (Maintenant, je sais). Nous, nous savons ce que le cinéma lui doit.