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La bande-annonce de Gatsby, sommet de mauvais goût criard et déclaration d’intention typiquement baz-lurhmannienne, annonçait la couleur. Et, une fois assis devant le film, il faut en effet un petit temps d’adaptation pour se faire à l’idée que l’œuvre séminale de la littérature US du XXème siècle s’est métamorphosée en une féérie pétaradante, un monde sous cloche coincé quelque part entre le territoire de Burton et celui d’Hugo Cabret. On est où là ? Chez les bourgeois de Long Island ou en goguette au pays d’Oz ? Cette indécision esthétique est caractéristique d’un film au postmodernisme pataud, dont l’ambition est de faire en direct l’exégèse du bouquin dont il s’inspire, surlignant les thèmes fitzgeraldiens pour mieux convaincre le spectateur de leur pertinence et de leur intemporalité : le capitalisme comme pulsion de mort, l’impossibilité d’un second acte dans les vies américaines, etc, etc.Roméo propulsé dans Shutter IslandPas très finaud, donc, parfois intolérablement laid (le jazzman qui joue de la trompette sur un balcon new-yorkais : pure vision d’effroi), Gatsby se rattrape quand il se laisse aller à la pure euphorie de ses scènes de fêtes - gros argument marketing du film, elles font en effet le job en ravivant le bon souvenir de Moulin-Rouge - et quand il s’arrime, dans son dernier tiers, à son argument mélo, spécialité de l’auteur de Roméo + Juliette. Mais on peut aussi, surtout, décider de ne voir le film que pour Di Caprio… Surinvesti dans sa performance (comme à chaque fois), il révèle la dimension névrotique du personnage dans un mélange inattendu et assez maboul de candeur juvénile et de fureur psychotique. Moins glamour que ce qu’en avait fait Robert Redford en 1974, et totalement raccord avec le barnum néo-scorsésien qui l’entoure. Gatsby selon Leo, c’est Roméo Montaigu propulsé dans Shutter Island (ou Aviator). Un amoureux malade et mégalo déambulant au milieu des fantômes de l’Amérique. En creusant dans son coin sa politique d’acteur, poursuivant le cap qu’il a fixé à sa carrière il y a quinze ans, DiCaprio donne une profondeur folle aux vignettes superficielles et lourdaudes de Lurhmann.Frédéric Foubert         Baz Lurhmann : « Leo était né pour jouer Gatsby »En images : l'équipe de Gatsby débarque à CannesLeonardo DiCaprio Vs Robert Redford : le match des Gatsby