La Grande Bellezza de Paolo Sorrentino Rome dans la splendeur de l’été. Les touristes se pressent sur le Janicule : un Japonais s’effondre foudroyé par tant de beauté. Jep Gambardella – un bel homme au charme irrésistible malgré les premiers signes de la vieillesse – jouit des mondanités de la ville. Il est de toutes les soirées et de toutes les fêtes, son esprit fait merveille et sa compagnie recherchée. Journaliste à succès, séducteur impénitent, il a écrit dans sa jeunesse un roman qui lui a valu un prix littéraire et une réputation d’écrivain frustré : il cache son désarroi derrière une attitude cynique et désabusée qui l’amène à poser sur le monde un regard d’une amère lucidité. Sur la terrasse de son appartement romain qui domine le Colisée, il donne des fêtes où se met à nu « l’appareil humain » – c’est le titre de son roman – et se joue la comédie du néant. Revenu de tout, Jep rêve parfois de se remettre à écrire, traversé par les souvenirs d’un amour de jeunesse auquel il se raccroche, mais y parviendra-t-il ? Surmontera-t-il son profond dégoût de lui-même et des autres dans une ville dont l’aveuglante beauté a quelque chose de paralysant.Les mouvements de caméra virtuoses qui laissent le souffle court et les yeux exorbités ; le sens tétanisant du montage pop ; une pensée se déployant selon un rythme quasi hallucinatoire... Dès les premiers plans de La grande bellezza, on comprend que c’est gagné. La page This Must Be the Place est tournée, l’escapade new wave avec Sean Penn n’est déjà plus qu’un lointain souvenir. Paolo Sorrentino est de retour à la maison en compagnie de son acteur fétiche, le génial Toni Servillo, pour une nouvelle dérive mentale dans le cerveau en surchauffe d’un homme au soir de sa vie. Un fi lm jumeau d’Il divo ? En partie, oui, même si la rage punk qui animait le brûlot du cinéaste sur les magouilles de la Démocratie chrétienne est ici tempérée par l’empathie totale de Sorrentino pour son personnage, sorte de mix romain de Salinger et de Bret Easton Ellis, écrivain dandy qui vit sur le souvenir d’un chef-d’oeuvre écrit il y a quarante ans. À travers lui, ses déambulations mélancoliques, ses conversations baroques, ses ruminations amères, ses aphorismes cyniques, le metteur en scène observe une Italie post-Berlusconi en pleine déconfi ture culturelle et morale. (Lire la suite ici)La Grande Bellezza sera diffusée à 22h40 sur Ciné+ ClubMad Dog and Glory de John McNaughton Wayne Dobie, policier doué mais pusillanime, sauve par hasard, la vie de Frank Milo, un truand notoire. Pour le récompenser, Milo lui envoie un cadeau sous la forme de Glory, sa jeune et belle barmaid. Mais Glory doit rentrer impérativement au bout d'une semaine. Le temps qu'il faut pour que Wayne Dobie tombe amoureux de Glory.Ce thriller déjanté a été scénarisé par le célèbre romancier Richard Price (La Couleur de l'argent, ClockersMad Dog and Glory, à suivre à 22h sur Ciné PolarEntre les murs de Laurent Cantet François est un jeune professeur de français dans un collège difficile. Dans sa volonté d'instruire sans pour autant domestiquer, François n'hésite pas à aller chercher les adolescents là où ça fait mal, les mettant souvent face à leurs limites afin de les motiver. Quitte à prendre parfois le risque du dérapage.De ce monde clos que chacun de nous connaît ou a connu, Laurent Cantet donne une vision à la fois synthétique et ouverte. Immense. En compagnie de son coscénariste (et monteur) Robin Campillo, il a gardé du texte initial l’essentiel et recréé une ambiance nécessaire aux improvisations dans le cadre d’ateliers théâtre. Au fil du temps, un groupe de vingt-quatre assidus s’est formé et des « caractères » ont émergé. Les improvisations ont été induites plus que dirigées par François Bégaudeau, ex-prof, écrivain, journaliste, coauteur du film et acteur à part entière. Sur l’imparfait du subjonctif, la question de l’autoportrait, le football, l’idée de la honte, la définition de l’insolence, la différence entre l’oral et l’écrit, ou le choix d’un prénom dans un exemple écrit au tableau, chacun y va de sa réaction. Il manque à ce film le silence pesant et l’ennui cuisant, mais les joutes verbales sont brillantes, les élèves d’une vivacité encourageante, et le prof manie la langue avec une ironie mordante et une certitude (feinte ?) qui le fait parfois déraper. Gentil, pas gentil ? Compétent et foutraque, tolérant et injuste, sûr de son bon droit et en proie au doute. Comme ses élèves, comme tout le monde, quoi. Portrait d’une humanité plurielle et imparfaite, état des lieux d’une démocratie à traiter avec vigilance, Entre les murs est un film plein, dense, qui questionne le monde.Entre les murs, à redécouvrir à 22h45 sur OCS City